Fil d'Ariane
Dimanche 21 mai, la mission Ax-2 va décoller avec à son bord quatre personnes dont deux Saoudiens, un homme et une femme. Destination : la Station spatiale internationale. Un moyen pour l’Arabie saoudite de se donner une image moderne et de se tourner vers l’industrie spatiale.
Une vue d'ensemble de l'ISS, la station spatiale internationale, prise en mars 2022, par l'équipage de la mission Soyouz MS-19.
Quatre personnes, à savoir deux ressortissants saoudiens et deux citoyens américains, vont prendre place à bord de la fusée Falcon 9 de Space X dimanche 21 mai. Elles embarquent pour participer à la mission Ax-2. Après son décollage prévu à 17h37 heure locale depuis la base spatiale de Kennedy en Floride, la capsule devrait s’amarrer à la Station spatiale internationale (ISS) lundi.
À ce jour, sept passagers sont à bord de l’ISS. Pendant dix jours, les quatre nouveaux arrivants, sous le commandement de l'Américaine Peggy Whitson. Âgée de 63 ans, cette ancienne astronaute américaine est désormais consultante chez Axiom, entreprise basée au Texas qui organise cette mission privée d'une dizaine de jours. Une fois dans l'espace, des expériences scientifiques seront menées, notamment pour documenter le comportement des cellules-souches en apesanteur.
De gauche à droite, Peggy Whitson, John Shoffner, Ali Al-Qarni et Rayana Barnawi. Tous les quatre sont membres de l'équipage de la mission Ax-2 et vont prendre place à bord de la fusée Falcon 9 de Space X.
Avec deux de ses concitoyens à bord de la mission Ax-2, cette mission spatiale a plusieurs enjeux pour l’Arabie saoudite. Rayana Barnawi, chercheuse scientifique qui travaille sur la lutte contre le cancer du sein, va devenir la première Saoudienne à se rendre dans l’espace.
“Être la première femme saoudienne astronaute et représenter la région est un grand plaisir et un honneur que je suis très heureuse d’avoir”, a déclaré l’intéressée dimanche 21 mai, quelques heures avant de prendre place à bord du véhicule spatial Crew Dragon lancé par une fusée Falcon 9.
Rayana Barnawi a donc le statut d’une icône. Alors que les femmes saoudiennes n’avaient pas le droit de conduire dans leur pays jusqu'en 2018, choisir l’une d'entre elles pour monter à bord de l’ISS représente pour l’Arabie Saoudite un véritable outil de communication. Car le riche État pétrolier a déjà envoyé l'un de ses ressortissants dans l'espace par le passé. En 1985, le prince saoudien Sultan ben Salmane avait participé à une mission spatiale américaine.
À gauche de l'image, le prince Sultan ben Saklab Abdulaziz al Saoud devient le tout premier ressortissant saoudien et arabe à aller dans l'espace. Centre spatial Kennedy, Floride - États-Unis, 1er juin 1985.
Ce nouveau vol s'inscrit dans cette stratégie appliquée par le royaume ultra-conservateur pour améliorer son image. “Le vol habité reste une mission d'image parce que cela reste rare, c’est une occasion de se montrer au monde”, analyse Pierre Lionnet, directeur de recherche au centre ASD Eurospace. Il précise que le royaume saoudien a une “volonté de donner une certaine image au monde. Une image de modernité, d’excellence”.
Et pour améliorer l’image du pays, depuis 2018, le prince héritier saoudien Mohamed Ben Salmane multiplie les initiatives. Dans son plan baptisé “Vision 2030”, le premier ministre du royaume annonce aussi vouloir miser sur les nouvelles technologies.
L’Arabie saoudite défend en ce sens un programme de conquête spatiale, piloté par la Commission spatiale saoudienne dédiée au (SSC). Lancée en décembre 2018, elle doit permettre au royaume de bâtir un “avenir innovant” grâce aux “dernières technologies et opportunités” offertes par l'industrie spatiale. “Il y a de plus en plus de collaboration et de discussions actives entre nous en Arabie Saoudite et les autres pays en vue de construire un nouveau modèle pour les stations spatiales”, a déclaré Mohammed bin Saud Al Tamimi, actuel patron de la commission spatiale saoudienne lors d'un forum spatial à Abu Dabi en octobre 2022.
Des projets avec des entreprises privés pourraient être tournés vers le tourisme spatial avec notamment la construction d’hôtels dans l’espace. En 2020, le budget total de l’Arabie Saoudite pour les investissements dans le spatial s’élevait à 2.1 milliards de dollars. En septembre 2022, l’Arabie saoudite a même annoncé le lancement de son propre programme de formation d’astronautes. Outre Rayana Barnawi et Ali Al-Qarni qui font partie de la mission Ax-2, deux autres astronautes saoudiens, un homme et une femme, ont également été formés en vue de partir un jour dans l’espace.
“Le royaume cherche à activer les innovations scientifiques au niveau des sciences spatiales, à renforcer sa capacité à mener de manière indépendante ses propres recherches qui refléteront positivement l'avenir de l'industrie et du pays, à accroître l'intérêt des diplômés dans les domaines de la science, de la technologie, l'ingénierie et les mathématiques (STEM), et développer le capital humain en attirant les talents et les compétences nécessaires”, a indiqué l’agence de presse officielle de l’Arabie Saoudite.
Et selon Pierre Lionnet, l'Arabie Saoudite se tourne désormais vers cette industrie pour compenser la fin annoncée des hydrocarbures. “Le pétrole est la raison de la richesse et de la puissance de l’Arabie Saoudite comme c’est le cas pour beaucoup de pays du Golfe”, rappelle le spécialiste Pierre Lionnet. “Mais cette ressource est a priori finie. Tous ces États en ont conscience”, assure-t-il. Le pays est donc à la recherche de relais de croissance pour leurs économies, c’est-à-dire des secteurs où il est stratégique d’investir massivement pour continuer de prospérer.
La commission saoudienne de l'espace a été lancée en 2018 sous l'impulsion du prince héritier Mohamed ben Salman.
Ainsi, à l’instar de l’Arabie saoudite, d’autres pays du Golfe comme, les Émirats arabes unis, se sont lancés dans des projets pharaoniques ces dernières années : les nouvelles technologies, les nouvelles énergies, l’exploitation des déserts ou encore l'adoucissement de l'eau de mer. “Ces pays ont énormément de pistes d'investissement. Le spatial est juste un élément de leur portefeuille de relais de croissance. Ils comptent faire des profits… astronomiques grâce à ces nouveaux investissements”, prévoit Pierre Lionnet. “Leur objectif est d'acquérir, peu à peu, la maîtrise de leurs technologies”.