Pendant 10 jours, à l'occasion des Francofolies de Montréal, la musique francophone a résonné entre les gratte-ciels montréalais sans vraiment être perturbées par un concert cacophonique de casseroles. Les organisateurs doivent pousser un soupir de soulagement même si le directeur de la programmation Laurent Saulnier me disait en entrevue qu’il était confiant du bon déroulement de son événement. Il y a eu à de nombreuses reprises des clins d’œil appuyés aux manifs de casseroles, Robert Charlebois qui donnait mercredi soir un gros concert gratuit – lançant d’ailleurs les festivités de son 50ème anniversaire de carrière – est entré sur scène une casserole à la main pour rythmer sa célèbre chanson
Concepcion. Charlebois est l’un de ces artistes qui soutiennent la cause étudiante, ils sont d’ailleurs nombreux, les artistes québécois, à arborer le fameux carré rouge, symbole de cette lutte étudiante. C’est peut-être pour ça aussi que les Francos n’ont pas vraiment été perturbées par les manifs étudiantes. C’est le Grand Prix de Formule-1 qui s’est tenu le 9 juin dernier à Montréal qui était plus dans la ligne de mire des manifestants mais les policiers ne leur ont laissé aucune marge de manœuvre. Dès la première manif le jeudi 7 juin dernier – une manif où les participants défilaient en très petite tenue, certains même étaient en tenue d’Adam ! – près de la rue Crescent où le grand cirque de la Formule-1 exhibait ses frasques, les forces policières sont massivement intervenues. Idem le jour de la course, les fouilles étaient nombreuses aux abords du Circuit Gilles Villeneuve où rugissent les bolides et il fallait vraiment montrer patte blanche pour accéder au site. Les associations étudiantes ont d’ailleurs vivement dénoncé l’attitude des policiers et parlé de « profilage politique » puisque des spectateurs qui portaient le carré rouge ont été systématiquement fouillés par les policiers. Bilan de tout ce cirque : 130 arrestations. Mais la course en soi n’a pas été perturbée… Le pilote québécois Jacques Villeneuve a fait
une sortie en règle contre les étudiants, les traitant d’enfants gâtés à qui leurs parents ne savaient pas dire non, et qu’ils devaient rapidement retourner sur leurs bancs d’école. Visiblement, le monsieur a oublié qu’il a fait ses études dans un collège très huppé en Suisse à la clientèle très… fortunée et où les études coûtent une beurrée. Il ne s’est pas fait des amis ici, Jacques Villeneuve…
Essoufflement de la mobilisation ? Les associations étudiantes le reconnaissent, le gros défi des prochaines semaines va être de maintenir la mobilisation. De nombreux étudiants ont commencé leur travail d’été ou sont repartis dans leurs familles ailleurs dans la province, il y a donc beaucoup moins de monde dans les manifestations nocturnes qui se poursuivent malgré tout – c’était la 50ème consécutive le soir du 12 juin dernier- . Une grosse manifestation est prévue le 22 juin prochain – le 22 est décidément le chiffre des grosses manifs puisqu’il y en a eu le 22 mars, 22 avril et 22 mai derniers. On verra alors si cette manifestation rassemblera autant de monde que les dernières du genre.
Médiation ? Élections ? Pendant ce temps, le dialogue est au point mort entre le gouvernement du Québec et les associations étudiantes. Et je doute fort qu’il reprenne avant un bon moment. C’est en août prochain, quand les cours vont reprendre – théoriquement - dans les universités et les collèges où les étudiants étaient en grève, qu’on verra où on en sera dans ce duel entre le gouvernement et les étudiants grévistes. On verra si ces jeunes vont ou non retourner en cours, s’ils vont aller manifester devant leurs établissements et respecter ou non la loi spéciale qui leur interdit justement de manifester dans un périmètre de 50 mètres autour des bâtiments sous peine d’arrestations et d’amendes de plusieurs milliers de dollars. Beaucoup ont avancé l’idée d’une médiation pour tenter de résoudre ce conflit mais visiblement, le gouvernement n’est pas du tout intéressé par cette option. On a aussi beaucoup entendu de rumeurs de déclenchement d’élections qui se tiendraient au courant du mois de septembre, le Premier ministre Charest tablant sur un appui massif de la population dans sa gestion de la crise étudiante pour se faire réélire. Mais les troupes libérales ont vécu un traumatisme important lundi dernier lors d’élections complémentaires : ils ont perdu un comté qui était un de leurs châteaux forts depuis 40 ans, le comté d’Argenteuil (au nord de Montréal ), une circonscription qui aura dorénavant un député du Parti québécois. Cette victoire du principal parti de l’opposition a agi comme un coup de semonce au sein des rangs libéraux et elle va peut-être calmer leurs ardeurs électorales…