
Fil d'Ariane
Israël a porté un coup sans précédent au programme nucléaire de l’Iran avec l’attaque lancée, vendredi 13 juin, pour mettre un frein à sa fabrication de la bombe atomique. Voici un nouveau point sur la situation.
Cette image satellite fournie par Maxar Technologies montre le site de Ghadir du Corps des gardiens de la révolution islamique à Téhéran, en Iran, après avoir été touché par des frappes aériennes israéliennes, le samedi 14 juin 2025.
L'attaque d'une ampleur sans précédent, lancée vendredi 13 juin par Israël, pour empêcher l'Iran de se doter de la bombe atomique a porté un coup à son programme nucléaire sans que l'impact, à ce stade, ne soit définitif, selon des experts interrogés par l'AFP.
Le centre pilote d'enrichissement d'uranium de Natanz, dans le centre du pays, a été "détruit" dans sa partie en surface ainsi que les infrastructures électriques, selon l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), citant des informations des autorités iraniennes.
En revanche, "rien n'indique qu'il y ait eu une attaque physique contre la salle souterraine" abritant la principale usine, a précisé l'instance onusienne lundi 16 juin. Mais "la coupure d'électricité pourrait avoir endommagé" les milliers de centrifugeuses qui s'y trouvent.
Les dégâts, confirmés par des images satellite, sont "significatifs", estime dans un rapport l'Institut pour la Science et la Sécurité internationale (ISIS), un organisme basé aux États-Unis, spécialisé dans la prolifération nucléaire.
Cette image satellite de Planet Labs PBC montre le site d'enrichissement nucléaire de Natanz en Iran après une frappe israélienne le samedi 14 juin 2025.
L'autre site d'enrichissement, celui de Fordo, situé au sud de la capitale iranienne, a également été visé mais "aucun dommage n'a été constaté", d'après l'AIEA.
Sur le site nucléaire d'Ispahan (centre), quatre bâtiments ont été touchés : le laboratoire central de chimie, une usine de conversion d'uranium, l'usine de fabrication de combustible pour le réacteur de recherche de Téhéran et une installation en construction.
C'est a priori dans l'enceinte de ce complexe que se trouvent les importantes réserves d'uranium hautement enrichi.
"Israël peut endommager le programme nucléaire iranien, mais il est peu probable qu'il puisse le détruire", commente pour l'AFP le chercheur Ali Vaez, de l'International Crisis Group, un cercle de réflexion américain.
Le pays, dit-il, ne dispose pas des puissantes bombes nécessaires "pour réduire à néant les installations fortifiées de Natanz et Fordo", enterrées à de grandes profondeurs.
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Il lui faudrait pour cela "l'assistance militaire américaine", confirme Kelsey Davenport, experte de l'Arms Control Association.
Le savoir acquis ne peut en outre pas être annihilé, ajoute-t-elle, même si neuf scientifiques nucléaires ont été tués dans les frappes.
Autre interrogation: qu'est-il advenu des stocks d'uranium enrichi ? Impossible de le savoir à ce stade. "Si l'Iran parvient à en transférer une partie vers des installations secrètes, Israël aura perdu la partie", souligne M. Vaez.
L'instance nucléaire onusienne n'a pas constaté de hausse des niveaux de radiation aux abords des différents sites affectés.
"Il y a très peu de risques que des attaques contre les installations d'enrichissement d'uranium entraînent des rejets radioactifs dangereux", souligne Mme Davenport.
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En revanche, une attaque contre la centrale nucléaire de Bouchehr (sud), épargnée pour l'instant, pourrait avoir "de graves conséquences sur la santé et l'environnement".
Les sites nucléaires "ne doivent jamais être attaqués, quels que soient le contexte ou les circonstances, car cela pourrait nuire à la population et à l'environnement", insiste le directeur général de l'AIEA, Rafael Grossi.
Après le retrait unilatéral en 2018 des États-Unis de l'accord international sur le nucléaire conclu trois ans plus tôt, l'Iran s'est progressivement affranchi de certaines obligations, accélérant notamment l'enrichissement d'uranium bien au-delà de la limite fixée à 3,67 %.
Le pays disposait mi-mai de 408,6 kg d'uranium enrichi à 60 %. Un tel stock, s'il était enrichi à 90 % - le seuil nécessaire à la conception d'une bombe atomique - permettrait d'en fabriquer plus de neuf.
L'Iran est le seul pays au monde non-détenteur d'armes nucléaires à produire une telle matière, selon l'AIEA, qui déplore par ailleurs le manque de coopération de Téhéran.
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Pour autant, dans son dernier rapport, l'Agence indique qu'elle "ne dispose d'aucune indication crédible d'un programme nucléaire structuré" visant à doter l'Iran de l'arme atomique, comme cela a pu être le cas par le passé. Téhéran se défend de nourrir de telles ambitions.
"Jusqu'à présent, les coûts liés à la militarisation l'ont emporté sur les avantages. Mais ce calcul pourrait changer dans les semaines à venir", prévient Kelsey Davenport.
"Les frappes israéliennes ont fait reculer l'Iran sur le plan technique, mais sur le plan politique, elles le rapprochent de l'arme nucléaire", affirme-t-elle.
D'autant qu'il existe désormais "un risque réel de détournement de l'uranium enrichi", une opération qui "pourrait passer inaperçue pendant des semaines", les frappes actuelles empêchant les inspecteurs de l'AIEA présents sur place d'accéder aux sites.