Fil d'Ariane
Les sondages prédisent une progression des forces nationalistes, eurosceptiques et d'extrême droite lors des élections au Parlement européen du 6 au 9 juin. Cette progression pourrait bousculer les équilibres politiques actuels au sein de l'hémicycle.
Images d'une manifestation en Espagne appelant à se mobiliser pour les élections européennes le 9 juin prochain contre les "5" de l'extrême droite.
Quel poids ont ces partis ? Ils sont actuellement répartis en deux groupes, qui sont en 5e et 6e position en termes de sièges. Les Conservateurs et réformistes européens (CRE, ECR en anglais) comptent 69 eurodéputés, issus de Fratelli d'Italia de la cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni, du parti espagnol Vox, du PiS polonais ou encore de Reconquête d'Eric Zemmour.
L'autre groupe d'extrême droite, Identité et Démocratie (ID) rassemble notamment les Italiens de la Lega et les Français du Rassemblement national (RN). Il comptait 49 élus jusqu'à l'exclusion récente de la délégation allemande de l'AfD, à la suite de plusieurs scandales.
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Ces derniers se retrouvent désormais parmi les non inscrits, aux côtés entre autres du parti Fidesz du Premier ministre hongrois Viktor Orban, qui a divorcé du PPE en 2020, et frappe à la porte d'ECR.
Les sondages anticipent des gains pour ces formations - qui pourraient passer de quelque 20% à 25% des sièges -, dans la foulée de plusieurs succès électoraux au niveau national. Les contours des groupes pourraient évoluer après le scrutin.
Rassemblées, ces forces pourraient talonner voire dépasser le premier groupe du Parlement, le Parti populaire européen (droite). Une perspective de nature à raviver l'idée - jamais aboutie jusqu'ici - d'une union : Marine Le Pen souhaite créer un "grand groupe souverainiste", également appelé de ses vœux par Viktor Orban.
Mais l'autre grande figure de l'extrême droite européenne, Giorgia Meloni, a récemment estimé qu'il n'y avait "pas d'unification en vue", envisageant plutôt des collaborations ponctuelles avec ces formations. La tête de liste de Vox, Jorge Buxadé, a aussi jugé "très difficile" une fusion des groupes, évoquant à la place une "alliance politique" sur des points clés.
Les deux groupes parlementaires ont des divergences importantes, comme sur le soutien à l'Ukraine face à la Russie.
La dirigeante italienne s'impose comme un personnage incontournable de ces élections: la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, candidate du PPE pour un deuxième mandat, a ouvert la porte à une alliance avec l'ECR de Giorgia Meloni, vue comme une partenaire fréquentable, pro-européenne et pro-Ukraine, à la différence des membres d'ID, fustigés comme des "marionnettes de Poutine".
Une ouverture dénoncée par les Sociaux-démocrates et Renew Europe (centristes et libéraux), respectivement deuxième et troisième forces au Parlement et actuels partenaires du PPE au sein de la "grande coalition" qui a permis de trouver des majorités dans la plupart des votes de la législature.
Avec les Verts et The Left (gauche radicale), ces deux groupes se sont engagés dans une déclaration commune le 8 mai à ne "jamais coopérer ni former de coalition avec les partis d'extrême droite et radicaux", appelant la présidente de la Commission à faire de même.
Mais une coalition PPE-ECR ne suffira pas à former une majorité au Parlement. Et Ursula von der Leyen, qui avait été élue de justesse (9 voix) au Parlement européen en 2019, aura besoin du soutien d'autres partis pour être reconduite à la tête de la Commission.
Si la "grande coalition" du centre paraît devoir perdurer, en revanche les majorités seront sans doute plus difficiles à obtenir et des alliances ponctuelles droite-extrême droite sur certains dossiers pourraient se multiplier.
Le poids accru de ces forces pourrait influencer l'agenda européen dans le sens d'une approche de plus en plus restrictive en matière d'immigration et d'asile, d'une édulcoration des politiques climatiques et environnementales, d'un conservatisme sur les questions sociétales.
Ces mouvements eurosceptiques, s'ils ont dans l'ensemble abandonné leurs revendications d'une sortie de l'UE, seront enclins à vouloir limiter le champ d'intervention de Bruxelles.
Par ailleurs, le Parlement européen pourrait être moins actif que par le passé pour dénoncer les atteintes à la démocratie et à l'Etat de droit dans l'UE.