Fil d'Ariane
Alors que l'organisation djihadiste Etat islamique est aujourd'hui en perte de vitesse, il faut gérer l'après pour ces compatriotes. La gestion des revenants est un problème prioritaire. Ils sont pour l'instant 160 à être rentrés en Belgique. "Tout un travail doit être fait pour se demander comment traiter chacune des situations, explique Didier Reynders. 160 combattants sont revenus et sont suivis sur un plan judiciaire. On doit adapter la manière de gérer les retours de façon spécifique".
Question saillante, la déradicalisation : "Ce qui est important, c'est de faire ce travail en prison, pas seulement pour ceux qui reviennent mais aussi pour éviter que d'autres ne soient radicalisés. Il faut bien se rendre compte que les prisons constituent un des lieux de radicalisation", fait remarquer le ministre belge des Affaires étrangères.
Le règlement du problème passe aussi par la diplomatie. "La plupart des imams chez nous viennent des pays du Golfe ou avec une influence des pays du Golfe, constate Didier Reynders. On essaye de couper cela et de voir comment développer demain une formation beaucoup plus européenne plus en phase avec les valeurs européennes".
"J'ai beaucoup de contacts avec à mon collègue saoudien. Nous avons demandé à l'Arabie saoudite de couper les financements venant du Golfe, de couper l'influence des prédicateurs qui viennent avec des discours plutôt extrémistes, voire de haine, et de voir comment en parler avec les autorités marocaine ou algérienne". Sur cette question du financement, Didier Reynders exprime, en outre, quelques attentes quant aux changements en cours en Arabie saoudite.
On peut imaginer une formation vers un islam plus modéré et, si possible, chez nous l'islam doit être pris en main par les communautés locales.
Didier Reynders, chef de la diplomatie belge
"Si des faits ont été commis sur le sol irakien ou syrien, explique Didier Reynders, il est assez logique que ce soient les autorités locales qui souhaitent traduire en justice un certain nombre de personnes. Ce que nous tentons de savoir, c'est s'il y a, dans les prisons irakiennes et demain syriennes, des détenus belges qui pourraient faire l'objet d'un procès. Si c'est le cas, nous allons accompagner leur situation sur un plan consulaire."
On va demander de fixer des limites. La Belgique se bat pour l'abolition de la peine de mort : si, dans un pays, on envisage la peine de mort, nous plaiderons pour qu'elle ne soit pas exécutée. On ne va pas nécessairement demander l'extradition s'il n'y a pas de faits incriminés en Belgique.
Didier Reynders, chef de la diplomatie belge
Au passage, le ministre belge des Affaires étrangères épingle : "J'ai entendu parfois des propos dans d'autres pays sur la volonté de voir un certains nombre de compatriotes disparaître sur place. Nous, ce n'est pas du tout le cas. Nous, ce que nous essayons de voir, c'est comment mettre fin à cette dérive. Ce que l'on souhaite maintenant, c'est voir où ils se trouvent -pour ceux qui ne sont pas décédés- et comment traiter individuellement chacun des cas".
Concernant les conjoint.e.s et enfants qui ont accompagné les belges partis combattre au sein de l'Etat islamique, "il y a eu des très jeunes filles qui ont accompagné les combattants étrangers. Quelle est leur situation ? Sont-elles aussi radicalisées. Ont-elles particpé à des combats ? Il y aussi la question des enfants nés sur place. Ils ont aujourd'hui entre 0 et 6 ans : ce sont des enfants dont on doit essayer de s'occuper comme tous les autres enfants. Etant sans-papier, il faudra vérifier la nationalité. Il faudra des tests ADN qui permettront d'examiner la filiation et si la filiation est reconnue, il faudra enreprendre la procédure judiciaire pour reconnaître la nationalité".
Reste la question de la réponse globale contre l'Etat islamique. Didier Reynders se veut très clair : "quand on a affaire à des groupes comme Daesh qui veulent occuper un territoire, prendre en otage une population et faire régner la terreur sur ce territoire à l'égard de cette population, se dire que l'on ne doit pas intervenir, c'est laisser une population entière dans les mains de ces terroristes. Je crois que c'est une façon assez particulière de concevoir les relations internationales".
Il y a un moment où l'intervention diplomatique ne suffit plus, où la pression internationale ne suffit pas, où il faut pouvoir avoir ce droit, ce devoir d'ingérence.
Didier Reynders, chef de la diplomatie belge