Quels sont les enjeux des élections fédérales suisses ?

La Suisse est appelée aux urnes ce 22 octobre 2023 pour élire son Parlement. La campagne électorale a été marquée par les enjeux autour du pouvoir d’achat, du climat et de l’immigration. Mais quels partis se démarquent ?

Image
Débat TV5

Le 30 septembre 2023, TV5MONDE et la RTS ont proposé un débat pour mieux saisir les enjeux internationaux des élections fédérales en Suisse. 

Capture d'écran RTS
Partager 3 minutes de lecture

Faut-il s’attendre à un changement radical du paysage politique suisse ? Ce 22 octobre, les électeurs doivent voter pour les élections fédérales, afin d’élire leurs représentants au Parlement. Pascal Sciarini est professeur de sciences politiques à l’Université de Genève. Il dresse un panorama des thèmes principaux abordés lors de la campagne électorale, mais aussi des partis les mieux positionnés pour ces élections. 

TV5MONDE : Quelles ont été les principales thématiques de cette campagne électorale ?

Pascal Sciarini : Il y a eu pas mal de changements par rapport aux dernières élections il y a quatre ans. À l’époque, la campagne a été très fortement marquée par le thème de la crise climatique. C’était le thème numéro 1 mais aussi la principale préoccupation de la population suisse à ce moment. Cette année, ce thème est toujours présent mais il a été concurrencé par au moins deux autres. 

La Suisse a moins été touchée par l’inflation qu’ailleurs sur les denrées alimentaires, mais nous avons été confrontés à un problème de coût de la santé.

 

Pascal Sciarini, professeur de sciences politiques à l'Université de Genève

Le thème prioritaire de cette campagne a été le coût de la vie, le pouvoir d’achat notamment lié à l’augmentation des prix des assurances maladies (il existe en Suise plusieurs dizaines de caisses d'assurances qui sont toutes des sociétés privées, ndlr). La Suisse a moins été touchée par l’inflation qu’ailleurs sur les denrées alimentaires, mais nous avons été confrontés à un problème de coût de la santé. Cela s’est répercuté sur le prix de l’assurance maladie que paye les individus. 

Alors que ce n’était pas le cas en 2019. Le thème des questions d’immigration et d’asile, surtout avec l’UDC (NDLR : Union démocratique du centre, un parti de droite populiste) pour qui c’est vraiment le thème fétiche revient également sur le devant de la scène. 

TV5MONDE : Comment expliquer la percée de l’UDC dans les sondages ? 

Pascal Sciarini : Le fait que le thème de l’immigration soit de retour peut l’expliquer. En 2015, l’immigration et l’asile avec la crise des réfugiés, la crise au Moyen-Orient était au centre de l’attention et l’UDC a gagné trois points de pourcentage. On peut imaginer qu’un phénomène similaire se produise cette fois-ci. 

L’insécurité globale avec la guerre en Ukraine et plus récemment les problèmes en Israël et dans la bande de Gaza sont des phénomènes qui sont propices à favoriser des partis qui sont plus à droite.

Pascal Sciarini, professeur de sciences politiques à l'Université de Genève

Ensuite, l’UDC s’est pas mal positionnée sur l’autre thème principal de la campagne. D’ailleurs son affiche “Votre pouvoir d’achat, notre priorité” y fait directement référence. Le parti essaye sans doutes d’élargir sa manne électorale, d’aller chercher plus loin que ces gens qui sont séduits par son discours sur l’immigration. D’après ce qu’on voit dans les enquêtes, ça a fonctionné. 

Que disent les derniers sondages ?

  • Selon le dernier baromètre électoral de Sotomo daté du 12 octobre, l'UDC est créditée de 28,1% des intentions de vote.
  • Le PS arrive en 2e position, avec 28,1% des intentions de vote, suivi par Le Centre avec 14,3% et le Parti Libéral Radial (14,1%).
  • Les Verts (9,7%) et le Parti Vert Libéral (6,8%) arrivent ensuite.
  • Enfin, le Parti Evangélique Suisse (2,1%) arrive en fin de classement, et le reste des partis est crédité de 6,6% des intentions de vote.

Troisième élément, l’insécurité globale avec la guerre en Ukraine et plus récemment les problèmes en Israël et dans la bande de Gaza sont des phénomènes qui sont propices à favoriser des partis qui sont plus à droite. Ces derniers prônent le renforcement de la sécurité et l’armement pour rassurer la population. Ce contexte joue en faveur de l’UDC. 

TV5MONDE : Y a-t-il des partis mieux placés que d’autres pour remporter ces élections ?

Pascal Sciarini : D’après les toutes dernières enquêtes, les socialistes semblent se redresser par rapport à 2019, où ils avaient reculé par rapport à 2015. Cela s’explique en partie par le fait qu’en Suisse, entre les socialistes et les Verts, il y a un jeu de vases communicants. Leur électorat est très similaire, ils se partagent un peu l’électorat de gauche. Leurs deux programmes sont aussi très proches. 

Un paysage politique plutôt stable

  • Les élections suisses sont rarement le théâtre de grands bouleversements. 
  • D’une élection à l’autre, ce sont des changements qui restent mesurés”, note Pascal Sciarini.
  • Une progression de près de 3 points de pourcentage est spectaculaire pour ce pays. 
  • On parle de petits changements mais qui, selon les standards suisses, sont assez significatifs”, analyse-t-il. 
  • En revanche, il ne faut pas oublier qu’il y a deux chambres au Parlement Suisse. 
  • Le Conseil des États, élu au scrutin majoritaire a un effet stabilisateur très important sur le Conseil national, élu à la proportionnelle, dans la mesure où il y a très peu de changements de rapports de force dans cette chambre”, détaille le professeur de sciences politiques.
  • Les partis les plus modérés sont fortement surreprésentés dans cette chambre par rapport à leur force électorale réelle, ce qui tempère les changements observés dans l’autre chambre”, poursuit-il. 

En 2019, une partie du succès des Verts de l’époque est dû à des électeurs de gauche qui avaient quitté les socialistes pour voter vert. On s’attend un peu à un retour de manivelle cette fois-ci, c’est-à-dire des électeurs qui ont voté Vert en 2019 qui vont voter socialiste. Le Centre, issu de la fusion entre le Parti démocrate chrétien et un petit parti appelé le Parti bourgeois démocratique, semble également avoir un peu le vent en poupe. 

En revanche, on s’attend à un recul des Verts, à gauche,  et des Verts libéraux, à droite. Si les Verts ont presque doublé leur force électorale lors des élections de 2019, on s’attend à un reflux de la vague verte assez marqué. Mais ces deux partis devraient réaliser leur deuxième meilleur score historique.