Fil d'Ariane
République auto-proclamée longeant la frontière ukraino-moldave, la Transnistrie a toujours revendiqué sa russophilie. Le conflit en Ukraine ravive aujourd'hui la mémoire des tensions séparatistes qui ont opposé pendant des décennies la Moldavie à cette région russophone.
Le conflit ukrainien pourrait-il s'étendre vers l'Ouest ? Mercredi 27 avril, le village frontalier de Kolbasna hébergeant un important dépôt de munitions de l'armée russe a été la cible de tirs. Le dépôt d'armes, datant de la période soviétique, se trouvait sous le contrôle de soldats russes déployés sur ce territoire. Quel est le lien entre la Transniestrie et la Russie ? Quelle est l’histoire de cette région ?
Après l’effondrement de l’URSS en 1991, la Moldavie devient indépendante. Le nouveau pays choisit le roumain comme langue officielle. La Transnistrie, étroite bande de terre de 4000 kilomètres carrés coincée entre la frontière ukrainienne et moldave, décide, elle, de faire sécession. Sa population majoraitement russophone souhaite un rattachement à la fédération de Russie.
C’est le début de longues tensions entre les deux parties. Au terme d'une guerre entre mars et juillet 1992 qui fera près de 800 morts, la Moldavie ne parviendra pas à rattacher la Transnistrie à son territoire.
Aujourd’hui, la Transnistrie n’est pas reconnue sur le plan du droit international bien qu’elle affiche une certaine autonomie. « La Transnistrie n’a jamais vraiment fait partie de la Moldavie. » explique Florent Parmentier, chercheur associé au Centre de géopolitique de HEC et auteur de La Moldavie à la croisée des mondes, chez Non Lieu Editions. « Aujourd’hui, il y a un rouble, un Parlement et un président transnistriens. Pour autant la Transnistrie n’est reconnu par personne, pas même la Russie dont elle se revendique pourtant proche. » poursuit le chercheur.
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Début mars, la demande officielle de la Moldavie d’intégrer l’Union européenne a relancé les revendications sécessionnistes transnistriennes. Dans les pages du quotidien russe Kommersant, rapporte le Courrier International, le ministère des Affaires étrangères de la république auto-proclamée déclarait vouloir entériner définitivement son “divorce” avec Chisinau. Il en a également profité pour adresser à l’ONU et à l’OSCE une demande de reconnaissance d’indépendance de cette entité politique “qui constitue une réalité depuis trente ans”.
Si la Moldavie est roumanophone, la Transnistrie est, elle, russophone. Les liens entre la région et la Russie sont d’abord militaires. Plus de 1500 soldats russes sont présents depuis 40 ans sur le territoire afin de garantir un maintien de la paix depuis la fin du conflit de 1992.
Ils sont également politiques. « La plupart des dirigeants transnistriens ont un lien direct avec l'appareil d'État administratif de renseignement russe », soulève Florent Parmentier. La Russie fait aussi affluer son gaz dans la région par l’intermédiaire de son géant Gazprom.
L'ukrainien est aussi une langue officielle de la Transnistire et un certain nombre de dirigeants transnistriens ont des origines ukrainiennes.
Florent Parmentier, chercheur associé au Centre de géopolitique de HEC
Mais cette proximité avec la Russie n’empêche toutefois pas la Transnistrie d’être aussi connectée à l’Ukraine rappelle le géopolitologue. « Le principal débouché économique de la Transnistrie est le port d'Odessa. L'ukrainien est aussi une langue officielle et un certain nombre de dirigeants transnistriens ont des origines ukrainiennes, » précise-t-il.
Depuis le début du conflit, l’expansion du conflit à la Moldavie (et donc à la Transnistrie) est au coeur de toutes les préoccupations. Les capacités militaires moldaves limitées font craindre une rapide invasion du pays soit par l'Ukraine soit par la Russie. Ni la Moldavie, ni la Transnistrie ne se sont impliqués dans le conflit depuis fin février.
Voir aussi : Face la menace russe, Moldavie et Géorgie demandent leur adhésion à l'Europe
« La Transnistrie accueille plusieurs milliers de réfugiés ukrainiens mais le gouvernement ignore volontairement de mentionner la raison de leur fuite. » explique Florent Parmentier. « Dans ses déclarations le président transnistrien Vadim Krasnoselsky ne condamne ni ne soutient le conflit. La Transnistrie et la Moldavie cherchent à sortir de cette situation avec le moins de dommage possible. » analyse-t-il.