Qu'est ce que le monde arabe ? Une entité réelle ou un artifice ?

Depuis le début de l'année 2011, alors que les révoltes explosent dans les pays du Maghreb, du Machrek et du Moyen Orient, une expression revient sans cesse : "monde arabe", que l'on pourrait presque écrire désormais "mondarabe". Le concept est employé sans discernement, presque aveuglement, par des commentateurs qui mettent dans un même pot le Maroc, la Libye, l'Égypte, la Turquie ottomane ou l'Iran perse. Quelle est la réalité de ce "mondarabe" ? Les réponses de Slimane Zeghidour.
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Décembre 2010 - mars 2011, la carte des soulèvements arabes
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La désunion arabe

La désunion arabe
Le logo de la ligue arabe, organisation internationale qui peine à parler d'une seule voix...
“Du golfe à l’océan!”.C’est ainsi que les Arabes désignent “leur” monde, ce fabuleux semi-désert qui s’étend des eaux du Golfe persique à celles de l’Atlantique. Un “monde arabe” que la grande presse n’ a jamais autant évoqué… Et aussi mal jaugé, le situant vaguement du Maroc au Pakistan, en passant par Istanbul la Turque et Téhéran la persane ! "Monde arabe", et maintenant l'on pourrait presque écrire en un seul mot "mondarabe" et même "mondarabomusulman", tant l'expression est employée à foison et à contresens. Le concept n'est pourtant apparu que récemment, inventé dans l'entre-deux-guerres au Royaume Uni par des Britanniques qui voulaient f-garder leur emprise sur cette zone stratégique, ouvrant la route des Indes. Il aura donc fallu ce printemps des peuples qui y habitent pour en faire ressortir, au-delà d’une même aspiration à la liberté, la formidable diversité. UNITÉ GÉOGRAPHIQUE - ÉCLATEMENT POLITIQUE 14 millions de km2, 3 60 millions d’âmes, plus de la moitié du stock d’or noir mondial, presque le quart du gaz, 2000 km d’ouverture sur l’Atlantique, 4000 sur la Méditerranée, 2300 sur la mer Rouge et l’océan Indien, voilà le paysage que déroule l’ample “tapis” arabe, un pays encore plus grand que la Chine, le Brésil ou les États-Unis. Et presque aussi riche, dans le sous-sol et sur le papier du moins. Sur la carte géopolitique s’y alignent, sans autre interruption spatiale que la zone Israël-Palestine, vingt-deux Etats, dont huit royaumes plus ou moins absolutistes : Algérie, Arabie saoudite, Bahreïn, Djibouti, Comores, Egypte, Emirats arabes unis, Irak, Jordanie, Koweit, Liban, Libye, Mauritanie, Maroc, Oman, Palestine, Qatar,Somalie, Soudan, Syrie, Tunisie, Yémen. Des États plutôt “jeunes”, si l’on se rappelle qu’ils ont vu le jour au milieu du siècle dernier, au lendemain d’une “nuit coloniale”, britannique au Machrek, française au Maghreb et au Levant (Syrie et Liban). Plus en amont, tous, hormis le Maroc, furent des provinces de l’Empire ottoman, quatre siècles durant (1517-1917). Deux Arabes sur trois vivent en Afrique, un sur quatre est égyptien. Si l’Egypte est le pays le plus peuple, 84 millions d’âmes et l’Algérie le plus vaste –le Soudan a perdu début 2011 son titre de “plus grand pays d’Afrique”, suite à l’ablation du Sud-Soudan-, le Bahreïn est le plus petit -665 km2- et le Qatar le moins peuplé. DÉSÉQUILIBRES ÉCONOMIQUES AUSSI On retrouve le même déséquilibre quant à la répartition de l’or noir. Quatre pays producteurs –Qatar, Émirats arabes unis, Bahreïn, Koweït- qui englobent à peine 3% des Arabes en captent plus du tiers. Sept États, les plus pauvres, où vivotent les trois-quarts d’entre eux, en possèdent à peine plus du quart. Ces écarts criants de niveau de vie ont pour corollaires des options idéologiques irréconciliables –laïcité en Tunisie, charia en Arabie saoudite- et des oppositions politiques non moins insurmontables, notamment vis à vis d’Israël, des États-Unis et de l’Iran. Cela se traduit par une désunion arabe, manifeste au sein même de la Ligue arabe, un état de fait que le tsunami démocratique en cours aura fait éclater au grand jour. Ce ne sera pas le moindre de ses mérites.

Décembre 2010 - mars 2011, la carte des soulèvements arabes

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