Fil d'Ariane
Elle est proposée par une partie de la gauche pour Matignon. Laurence Tubiana est une universitaire engagée, architecte de l'accord de Paris sous Hollande puis de la Convention citoyenne sur le climat sous Macron. Ces deux fonctions font d'elle une négociatrice hors-pair. Mais celles-ci attisent l'opposition des Insoumis.
Laurence Tubiana lors d'une réunion dans le cadre de la Conférence mondiale sur le changement climatique 2015 (COP21) au Bourget, en France, le 5 décembre 2015.
Elle se définit comme "femme de gauche et écologiste", mais cette diplomate du climat, âgée de 73 ans, réussira-t-elle l'exploit d'unir le Nouveau Front populaire derrière elle ?
"C'est une diplomate engagée à la fois sur le terrain écologique et sur le terrain social", qui n'a "jamais transigé avec ses convictions", souligne ainsi Olivier Faure mardi 16 juillet. Le patron du Parti socialiste est à l'origine de la proposition de sa candidature comme Première ministre, une option soutenue par les écologistes et les communistes.
Mais La France insoumise (LFI) voit en cette cheville ouvrière de la COP21 - la conférence de l'ONU qui a donné naissance à l'accord de Paris sur le climat - un profil susceptible de faire "rentrer par la fenêtre les macronistes" dans le gouvernement. C'est ce qu'affirme le coordinateur LFI Manuel Bompard.
Le 11 juillet, Laurence Tubiana cosignait dans Le Monde une tribune exhortant le NFP à "sans tarder tendre la main aux autres acteurs du front républicain pour discuter d'un programme d'urgence républicaine".
(Re)voir → France : la poussée du RN enrayée par le front républicain
Et beaucoup rappellent que son nom circulait en macronie en 2020 pour le ministère de la Transition écologique... Une hypothèse qu'elle avait elle-même rejeté par avance : "Je ne crois plus à la politique des petits pas".
Très connue et respectée dans la sphère environnementale mais aussi dans les milieux économique et diplomatique, cette économiste a déjà agi aux côtés de la gauche dans le passé.
En 1997, elle rejoint ainsi le cabinet du Premier ministre socialiste Lionel Jospin, comme conseillère sur le développement durable, plongeant dans les négociations du protocole de Kyoto.
Quinze ans plus tard, en 2013, c'est également elle qui facilite le débat national voulu par le président François Hollande pour ébaucher l'avenir de l'énergie en France, avec des participants aussi divers que syndicats, ONG, élus et Medef.
Mais l'œuvre majeure de Laurence Tubiana reste avant tout la construction complexe d'un compromis autour de l'accord de Paris sur le climat.
(Re)voir → Cinq ans après l'Accord de Paris, l'état d'urgence climatique
Elle consacre deux ans de sa vie à ces tractations historiques, sillonnant la planète pour élaborer un texte au langage parfois obscur mais capable de recueillir les signatures de la Chine comme des États-Unis.
Objectif : "pousser chaque pays à faire mieux", expliquait alors celle que tout le monde appelle "Laurence", petite femme aux cheveux argent et au sourire facile, qui au besoin sait aussi ne pas mâcher ses mots.
Laurence Tubiana, ambassadrice française pour le changement climatique, lors de la conférence sur le changement climatique COP22, à Marrakech, au Maroc, le 17 novembre 2016.
"Elle incarne un équilibre entre souplesse et assurance", relevait Christiana Figueres, alors responsable climat de l'ONU, pointant son "CV unique" : "une universitaire, qui a compris la science du climat et fait assez de recherche économique pour anticiper les transformations à venir -et qui a travaillé pour des gouvernements".
Le climat, et son corollaire - la question énergétique - Laurence Tubiana y est venue "naturellement" par ses recherches sur l'agriculture et le développement, raconte l'intéressée, qui créa aussi une ONG, Solagral, et un institut de recherche, l'Iddri (Institut du développement et des relations internationales).
Intellectuelle assumée, maîtrisant parfaitement l'anglais, professeure à Columbia et Sciences Po, Laurence Tubiana aime la politique "mais d'une certaine façon".
Elle est née à Oran (Algérie), d'un père juriste qui travailla dans le tabac et le cinéma et d'une mère importatrice de meubles scandinaves.
Son action résolue pour la lutte contre le dérèglement climatique s'élargit en 2020 aux citoyens "lambda" avec la Convention citoyenne pour le climat, qu'elle a co-organisé.
Une expérience politique inédite qui débouche selon elle sur un "vrai projet de société", mais dont elle critique la reprise très partielle par le gouvernement d'Emmanuel Macron.
L'experte est aussi membre depuis sa création en 2019 du Haut Conseil pour le climat (HCC), organisme indépendant chargé d'évaluer les politiques climatiques de la France.