Fil d'Ariane
Depuis le début des hostilités entre Israël et le Hamas palestinien, suite aux massacres perpétrés par ce dernier le 7 octobre et la riposte israélienne, le trafic maritime en mer Rouge est sérieusement menacé. Depuis le Yémen, les rebelles Houthis font peser un danger grandissant tant sur les navires militaires que civils. Qui sont-ils et quel rôle jouent-ils ?
Cette photo publiée par le Houthi Media Center montre des forces houthies en train de monter à bord du cargo Galaxy Leader, le 19 novembre 2023.
À l’instar de la mer Noire qui borde l’Ukraine en guerre avec la Russie, la mer Rouge connaît un climat tempétueux. La zone, où transite un dixième du trafic maritime mondial, a rarement connu ciel aussi menaçant. En solidarité avec leurs « frères de Gaza », les rebelles Houthis ciblent, depuis le Yémen, les bâtiments civils et militaires indifféremment de leur pavillon, à l’aide de drones et de missiles balistiques.
Le 9 décembre, un communiqué houthi prévenait que « tous les navires liés à Israël ou qui transporteront des marchandises » vers le pays « deviendront une cible légitime pour nos forces armées » si la population de Gaza ne recevait pas davantage d’aide humanitaire. Et « les forces armées yéménites […] continueront à mener des attaques de missiles et de drones jusqu’à ce que l’agression israélienne s’arrête. »
Outre de multiples attaques et la prise spectaculaire d’un navire, propriété d’un homme d’affaires israélien, le 19 novembre, les Houthis ont notamment ciblé, dans la nuit du 10 au 11 décembre la frégate française Languedoc, en patrouille dans la zone. Le 16 décembre, le géant danois du fret maritime, Maersk, et l’armateur français CMA CGLM suspendent la traversée du détroit de Bab al-Mandab « jusqu’à nouvel ordre. » Ce point de passage compte parmi les quatre plus importants de la planète pour les pétroliers.
Parmi les formes d’extension régionale du conflit, redoutée par la communauté internationale, la liberté de navigation en mer Rouge s’en retrouve menacée. Vendredi 15 décembre, Washington a indiqué, par la voix de son conseiller à la sécurité nationale, Jake Sullivan, prendre la menace au sérieux. « Les États-Unis travaillent avec la communauté internationale et leurs partenaires dans la région pour faire face à cette menace. »
Le détroit de Bab el-Mandeb.
Les Houthis yéménites comptent parmi les membres de « l’axe de la résistance », groupement informel de nations et groupes politico-militaires ennemis affirmés d’Israël et des Etats-Unis et coalisé par l’Iran. Le 7 octobre, après les massacres du Hamas sur le sol israélien, ils ont affiché leur soutien à « l'opération héroïque des djihadistes », une « bataille de la dignité, de la fierté et de la défense. »
À plusieurs reprises depuis octobre, des missiles lancés depuis le Yémen ont « potentiellement » visé Israël, selon le Pentagone. Une façon d’ouvrir un nouveau front, bien qu’éloigné, et de mobiliser des ressources israéliennes. Mais aussi, selon les chercheurs, de fédérer une population en proie à toutes les souffrances sous leur joug. Dans un Yémen ravagé, ils contrôlent aujourd’hui, ainsi que l’indique le journal Le Monde, quelque 30 % du territoire, dont la capitale Sanaa, et les deux tiers de la population.
À l’origine, la mouvance houthiste, branche de l’islam chiite au sein d'un pays majoritairement sunnite, prend racine dans les années 90 dans un Yémen fraîchement réunifié. Les Zaydites, forte minorité implantée notamment dans le nord, contestent alors le pouvoir central. La fronde s’érige autour de la figure du chef religieux, Hussein Badreddine al-Houthi, dont le mouvement tirera son appellation.
Après des années de lutte armée, la guerre civile déclenchée en 2014 les porte progressivement au pouvoir. Le président d’alors, Abd-Rabbo Mansour Hadi, fuit le pays. Dans leur avancée, les Houthis s’emparent de pans de territoire frontaliers de l’Arabie Saoudite. Inquiète, Riyad, sous l'impulsion du prince héritier Mohammed ben Salmane, déclenche « Tempête décisive », une opération militaire soutenue par plusieurs pays arabes. Le conflit, dont l’Arabie Saoudite essaye tant bien que mal de s’extraire, s’enlise et conduit à la mort de 400.000 personnes et, selon les termes des Nations unies, à « la plus grave crise humanitaire au monde ».
Missiles balistiques et de croisière, drones, mines marines... l’arsenal militaire houthiste s’est étoffé au fil des ans et du soutien iranien. Téhéran est accusée par les États-Unis et l’Arabie Saoudite de fournir du matériel aux rebelles. L’Iran dément tandis que les Houthis revendiquent une production autonome.
Dans la gamme d’armement, figurent notamment, selon Fabian Hinz, spécialiste de l'armement au sein de l'International Institute for Strategic Studies, des missiles Typhoon, une version remodelée des missiles iraniens Qadr, d'une portée de 1.600 à 1.900 km. Les Houthis disposent également de versions modifiées des missiles de croisière iraniens Qods.
Ils envoient également des drones Shahed-136 et Samad-3, d’une portée respective de 2.000 et 1.600 km. De quoi, théoriquement, frapper directement Israël.