Fil d'Ariane
L'ONG Reporters sans frontières (RSF) vient de dévoiler ce lundi l'édition 2021 de sa galerie de "prédateurs de la liberté de la presse", désignant pour la première fois un dirigeant d'un pays de l'UE, le Premier ministre hongrois Viktor Orban, parmi 37 chefs d'Etat ou de gouvernement.
RSF unveils a list of "Press freedom predators", those of 37 heads of state or government who crack down massively on #PressFreedom – which for the first time includes two women and a European predator.https://t.co/GtUtI399Mf pic.twitter.com/QesecGWkz7
— RSF (@RSF_inter) July 5, 2021
Les membres de cette liste, dont la précédente actualisation remonte à 2016, "imposent une répression massive, via la mise en place d'appareils de censure, de l'incarcération arbitraire de journalistes, d'incitation à la violence contre ces derniers, quand ils n'ont pas (...) directement ou indirectement poussé à leur assassinat", déclare RSF dans un communiqué.
Victor Orban n'a eu de cesse, depuis son retour au pouvoir en 2010, de s'attaquer avec efficacité au pluralisme et à l'indépendance des médias.
Rapport de RSF sur les "prédateurs de la liberté de la presse" (2021).
Près de la moitié (17) "y figurent pour la première fois", aux côtés de "vieux tyrans" déjà qualifiés de "prédateurs" par RSF en 2001, à savoir le président syrien Bachar al-Assad, le guide suprême iranien Ali Khamenei, les présidents russe Vladimir Poutine et biélorusse Alexandre Loukachenko, ainsi que les présidents équatoguinéen Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, érythréen Issaias Afeworki et rwandais Paul Kagamé.
RSF souligne que dans le Rwanda de Paul Kagamé : "Tous les journalistes qui critiquent ouvertement le président ou le régime, qui questionnent le bilan du développement du pays ou évoquent les tueries des Hutus par le Front patriotique rwandais (RPF, parti au pouvoir) sont ciblés par le pouvoir."
Dans le Rwanda de Paul Kagamé, depuis 1996, RSF a recensé huit journalistes tués ou disparus, une douzaine de journalistes condamnés à de lourdes peines de prison et plus d’une trentaine de journalistes forcés à l’exil.
Rapport de RSF sur les "prédateurs de la liberté de la presse" (2021).
"Depuis 1996, RSF a recensé huit journalistes tués ou disparus, une douzaine de journalistes condamnés à de lourdes peines de prison et plus d’une trentaine de journalistes forcés à l’exil" , pousuit l'association de défense de la liberté de la presse.
Le rapport de RSF précise que l'Afrique est "la zone géographique où les prédateurs sévissent depuis le plus longtemps." Par exemple, cela fait 79 ans que Teodoro Obiang Nguema Mbasogo est à la tête de la Guinée Equatoriale. Outre lui et ses homologues érythréen et rwandais, le rapport épingle cinq autre leaders africains : Ismaïl Omar Guelleh, président du Djibouti, le président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi, Paul Biya, président camerounais, Salva Kiir, à la tête du Soudan du Sud et le président ougandais Yoweri Museveni.
Outre Viktor Orban, qui selon l'ONG "n'a eu de cesse, depuis son retour au pouvoir en 2010, de s'attaquer avec efficacité au pluralisme et à l'indépendance des médias", on trouve parmi les nouveaux entrants le prince héritier saoudien Mohamed ben Salmane, auteur d'"une répression multiforme" et "barbare" illustrée par "le terrible assassinat, en 2018, de l'éditorialiste Jamal Khashoggi".
Mais aussi le président brésilien Jair Bolsonaro "dont la rhétorique guerrière et ordurière à l'encontre de la presse s'est décuplée depuis le début de la crise sanitaire" selon les termes du rapport.
Autre nouveauté, l'apparition de deux femmes dans la liste, dont la cheffe de l'exécutif hongkongais, Carrie Lam. "Marionnette aux mains du président chinois Xi Jinping", elle soutient ouvertement ses "politiques liberticides" à l'origine de la disparition, en juin, "du principal quotidien indépendant hongkongais Apple Daily" et de "l'emprisonnement de son fondateur, Jimmy Lai", déplore RSF.
L'autre prédatrice, la Première ministre du Bangladesh, Sheikh Hasina, a quant à elle "notamment fait passer, en 2018, une loi sur la sécurité numérique qui a entraîné des poursuites contre plus de 70 journalistes et blogueurs". La moyenne d'âge des prédateurs est de 66 ans, la région Asie-Pacifique fournissant à elle seule "13 des 37 tyrans recensés", selon l'ONG.
RSF avait aussi publié en 2020 une liste des "prédateurs numériques de la liberté de la presse" et en publiera une regroupant les "prédateurs non-étatiques" avant la fin de l'année.