Aujourd'hui, votre mobilisation passe essentiellement par Facebook et les réseaux sociaux. Pourquoi ce choix ? L'année dernière, nous nous sommes fait connaître en organisant un pique-nique en plein Ramadan. Maintenant, nous voulons ouvrir le débat et l'approfondir pour faire évoluer les mentalités au Maroc. C'est notre priorité, notre action. Mais dans les médias traditionnels, c'est impossible de parler de ce problème. C'est tabou. On s'est donc tourné vers
Facebook où l'on a ouvert des groupes. Chacun peut intervenir de manière ouverte ou anonyme en utilisant un pseudonyme. Tous les Marocains qui mangent en cachette chez eux peuvent enfin s'exprimer. Au Maroc, les réseaux sociaux sont devenus des médias à part entière et les jeunes y sont très actifs. Aujourd'hui, le groupe que j'anime depuis le début du Ramadan compte plus de 1200 membres, la plupart ayant entre 18 et 32 ans. C'est très encourageant.
Craignez-vous d'être censuré sur Facebook ? Non, cela ne me semble pas possible. Mais j'ai reçu des centaines de mails d'insultes et de nombreuses menaces de mort notamment après les interviews que j'ai faites sur des chaînes arabes comme Al Jazeera.
Avez-vous obtenu des soutiens d'associations ou de mouvements politiques marocains ? Non. Au Maroc, nous sommes assez seuls. L'année dernière, après l'action que nous avons menée pour nous faire connaître, le Conseil du roi a demandé aux partis officiels de signer un manifeste condamnant notre mouvement. Ce qu'ils ont tous fait. Même la gauche, qui est pourtant censée soutenir la modernité et les libertés individuelles, l'a fait. Quant aux intellectuels marocains, ils ne prennent pas position. C'est le grand silence. Seule
l'Association marocaine des droits humains nous soutient. On a aussi obtenu le soutien un peu étrange d'un détenu politique marocain condamné pour terrorisme. Il est islamiste et ne partage pas nos opinions au sujet des libertés individuelles. Mais par l'intermédiaire d'un journal, il participe au débat et défend comme nous la liberté de conscience et de culte ! C'est assez inattendu, mais ça me plaît.
Votre mouvement a t-il fait tâche d'huile dans d'autres pays musulmans ? En Algérie, après l'arrestation de deux ouvriers du bâtiment qui ont rompu le jeûne en buvant de l'eau, des camarades commencent à se mobiliser. En organisant une manifestation devant le tribunal, ils ont réussi à faire reporter le procès.