Depuis votre dernière rencontre avec TV5Monde en décembre 2009, après les émeutes de la même année, comment la situation a-t-elle évolué au Xinjiang ? Avant les
événements de 2009, nous dénoncions les discriminations, la politique d’assimilation et la menace qui pesait sur notre culture. Mais, depuis, la situation s’est tellement aggravée que nous en sommes réduits à revendiquer notre droit à la survie. Ce qui a changé en quelques années, c’est qu’aujourd’hui la Chine ne cache même plus ses intensions d’éradiquer les Ouïghours. Elle n’a plus peur des réactions internationales. Actuellement, la région du Xinjiang est sous surveillance totale. Partout dans les rues, des caméras vidéo ont été installées. Tout mouvement, toute activité est scrutée. Dans les villes principales telles que Kashgar ou Urumqi, l’armée et les forces spéciales ont été dépêchées. On se croirait en période de guerre. Depuis 2009, la répression s’est considérablement durcie. Les arrestations et les condamnations se sont multipliées. D’après un
rapport d’Amnnesty International, plus d'un millier de personnes ont été détenus et 198 condamnées, dont au moins une vingtaine à mort. Ce mois-ci, encore, 22 Ouïghours ont écopé de la peine capitale. Ces informations sont ouvertement communiquées par les autorités chinoises. Être ouïghour dans la région, est devenu aujourd’hui tellement problématique que la plupart tentent de s’enfuir. Certains parviennent à rejoindre l’étranger et à obtenir l’asile d’autres, sous la pression des autorités chinoises, sont renvoyés en Chine. Qui est visé par cette répression ? Les jeunes sont particulièrement visés par les arrestations. Parmi ces détenus, se trouve aussi
mon fils dont je suis sans nouvelles. La situation est très préoccupante car nous savons que, dans ces prisons, la torture est pratique courante. Les jeunes sont aussi victimes de disparitions forcées. Un rapport de
Human Rights Watch fait état de 43 disparus, dont des adolescents. Le Congrès mondial ouïghour en a identifié 23 de plus. Cependant, nous pensons qu’il existe des centaines d’autres cas. Le travail de vérification est difficile. Les informations filtrent peu et les parents n’osent pas parler par peur des représailles. Les blogeurs, les journalistes et les intellectuels sont également dans la ligne de mire de Pékin. Depuis quelques années, on constate par ailleurs une « genrisation » des arrestations, avec une répression qui s’attaque plus particulièrement aux femmes.