Au nom de la réussite économique
"Si, aujourd’hui, Erdogan se sent légitime dans ses manifestations d’autorité, c’est aussi parce qu’il est à la tête d’un pays qui va bien et qui occupe une place centrale au Moyen-Orient," explique Dorothée Schmid. De fait, la
croissance turque s’est rapidement accélérée après l’ouverture économique introduite par Turgut Özal dans les années 1990, puis l’accord d’Union douanière avec l’Union européenne en 1995, sur fond d'un libéralisme favorisé et encouragé par l'AKP. En 2010, elle était supérieure à celle du Brésil. Même si, depuis, le contexte régional a freiné ce développement, les prévisions annoncent encore 3 % ou 4 % de croissance cette année.
Forts de leur grande ‘agressivité’ commerciale à l’export, les Turcs sont présents en
Asie centrale, mais surtout
en Afrique et au Moyen-Orient, à commencer par l'Irak. Depuis les révolutions arabes, ils reviennent en force au Maghreb, en particulier dans les secteurs du bâtiment, des infrastructures, du transport aérien, mais aussi des produits de consommation. "On a vu émerger une classe de petits entrepreneurs originaires du centre anatolien qui excellent à explorer des marchés laissés en friche par les grands groupes, surtout en Afrique," explique Dorothée Schmid. Si certains géants industriels turcs sont proches du pouvoir, beaucoup restent de grands groupes familiaux issus du
patronat stambouliote traditionnel. "Très souples en termes de management, ils sont enclins à prendre des risques sur des marchés difficiles, ébranlés par les crises politiques. Là où les opérateurs économiques traditionnels n’osent plus aller, les Turcs occupent la place," constate la chercheuse.