Lundi 7 mars 2011, nombreux étaient les Iraniens à ne pas avoir assisté à la diffusion du premier épisode. Et contrairement aux inquiétudes de la présidente du projet Aladin, à l'origine de cette initiative, ce n’est pas à cause des fréquences parasites régulièrement envoyées par le gouvernement iranien pour brouiller toute chaine satellitaire indésirable. «
Pars TV n’est pas du tout suivie en Iran », affirme Shirine, étudiante de 26 ans qui n’était même pas au courant de la diffusion de Shoah. «
Cette chaine est trop politisée, et partisane du Shah d’Iran. Elle ne rassemble pas plus de quelques milliers de téléspectateurs dans le pays ». Ainsi, la jeune habitante des quartiers aisés du nord de Téhéran explique que pour s’évader du difficile quotidien iranien, beaucoup de foyers se réfugient dans les nouvelles chaines iraniennes familiales diffusant séries et émissions de téléréalité. Depuis près d’un an, les Iraniens n’ont d’yeux que pour
Farsi One, chaîne basée à Dubaï et doublant en persan « Prison Break » et « How I met your mother » ou Mano TV, basée à Londres, et diffusant les versions iraniennes de « La nouvelle Star » ou « Top chef », malgré les interdictions officielles de posséder une antenne satellite en Iran.
EN IRAN, LA 2ème COMMUNAUTÉ JUIVE AU MOYEN ORIENT Dès lors, les Iraniens sont-ils condamnés à rester dans l’ignorance et croire sur parole les violentes diatribes de leur président ? Shirin éclate de rire : «
Ahmadinejad lance tant de nouvelles sottises chaque jour que celle concernant l’Holocauste est déjà oubliée. D’autre part, même si les Iraniens ne sont pas d’accord avec les actions de l’État israélien, ils n’ont rien contre les Juifs. Il existe d’ailleurs en Iran la seconde communauté juive au Moyen-Orient ». En juillet 2008, Rahim Mashaei, premier Conseiller d’Ahmadinejad, s’est attiré la foudre des ayatollahs en annonçant que l’Iran était l’ami du “peuple américain et du peuple israélien”. Terré au fond de son magasin d’électronique du sud Téhéran, bien plus populaire, Reza, 27 ans, n’a pas eu vent non plus de la diffusion de Shoah, mais nous promet de pallier ce manque dès qu’il le pourra. Car en plus de son métier de vendeur importateur de matériel informatique, Reza revêt également la casquette de chauffeur de taxi collectif pour subvenir aux besoins de sa famille. En effet, depuis que le président iranien a décidé de supprimer les aides gouvernementales sur les produits de première nécessité (essence, électricité, pain…), les fins de mois sont assez compliquées. «
Le peuple n’a pas le temps de s’attarder à ce genre de programmes », explique-t-il. «
Et de toute façon, il ne sait même pas ce qu’est l’Holocauste ».
UNE DISTANCE IRRÉDUCTIBLE Depuis sa plus tendre enfance, Reza est confrontée à la diffusion en boucle par la télévision d’État d’images de crimes perpétrés par l’armée israélienne à Gaza. Durant toute sa scolarité, les instituteurs lui ont répété que toute personne qui n’était pas musulmane chiite était « différente ». «
Tout ceci provoque entre nous une distance difficilement réparable », soupire le taxi-vendeur.
RÉÉCRITURE Pour répondre aux accusations d’antisémitisme contre l’État iranien, la télévision officielle iranienne a diffusé en septembre 2007, tous les lundis pendant six mois, "Virage à degré zéro". Cette série, la plus chère jamais diffusée en Iran, passionnant des milliers de téléspectateurs à travers le pays, évoquait le génocide juif pendant la seconde guerre mondiale. Racontant l’histoire d’amour entre une jeune Française juive et un Irano-Palestinien, elle relatait l’épisode de la Seconde guerre mondiale durant lequel des diplomates iraniens en service en Europe ont offert près d’un millier de passeports iraniens aux juifs d’Europe pour fuir le nazisme.