Fil d'Ariane
Communément dénommé « gaz hilarant », le protoxyde d'azote (N2O) n’a pourtant rien d’amusant. Il est le troisième plus important gaz à effet de serre réglementé par le Protocole de Kyoto après le dioxyde de carbone (CO2) et le méthane (CH4). Bien que moins présent dans l'atmosphère en termes de masse (il engendre 5% des émissions contre 55% et 15% pour le CO2 et CH4), le protoxyde d'azote a néanmoins un impact majeur sur le réchauffement climatique mondial. A ce titre, il doit être au programme des discussions de la COP21.
Le protocole de Kyoto, un accord international bâti sur la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques, vise principalement la réduction de sept gaz à effet de serre (GES). Source : ministère de l'Ecologie français
Peu connu du grand public, le N2O est pourtant un puissant gaz à effet de serre... 25 fois plus « réchauffant » que le méthane et 300 fois plus le C02 ! Sa durée de vie dans l’atmosphère est également la plus longue des trois. Elle est de 120 ans en moyenne contre 100 ans pour le C02 et 12 ans pour le méthane. Lors d'une conférence en 2013, le directeur exécutif du programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), Achim Steiner, a d'ailleurs souligné qu'« une action sur ces émissions offrait une nouvelle occasion de maintenir le monde en dessous d’une hausse de la température de 2°C ».
Dans un rapport publié en 2013, intitulé « Baisser le N2O pour protéger le climat et la couche d'ozone » -en anglais-, le PNUE met en garde contre un « polluant peu pris en compte » qui présente des risques non seulement pour le climat mais aussi pour… l'ozone. En effet, selon ce rapport, le N2O est désormais devenu « l'émission appauvrissant le plus la couche d'ozone ».
Jusqu’à présent, la destruction de la couche d’ozone était principalement due aux chlorofluorocarbones et autre produits chimiques halogénés (contenant du chlore et du brome). Or depuis le protocole de Montréal (un traité international élaboré pour protéger la couche d’ozone) ces produits chimiques ont été largement encadrés, permettant ainsi d’enrayer le phénomène et même de réduire le « trou » de la couche d’ozone. Mais le N2O, lui, ne figure pas dans ce protocole et d'après les estimations ses émissions pourraient doubler d'ici 2050. Des prévisions alarmantes qui potentiellement pourraient « compromettre les progrès réalisés pour rétablir la couche d'ozone et exacerber le changement climatique ».
Le protoxyde d’azote, également appelé oxyde nitreux, est un gaz naturellement présent dans l’atmosphère en d’infimes quantités. Mais depuis le XIXe siècle, les activités humaines ont augmenté de manière significative ses émissions et sa concentration.
A l’échelle mondiale l'agriculture est de loin la plus grande source d'émissions de N2O causée par l'être humain et représente 2/3 de ces émissions. En France, les activités d'agriculture/ sylviculture seraient à elles seules responsables de 89% des émissions, selon le Citepa (Centre Interprofessionnel Technique d'Etudes de la Pollution Atmosphérique). Produites principalement par les sols, ces émissions sont particulièrement attribuables à l'épandage d'engrais azotés (engrais chimiques ou d'origine animale : fumier, lisier) qui permettent de fertiliser les sols, notamment ceux des cultures intensives.
Le reste des émissions proviennent essentiellement de l'industrie chimique, en particulier de la production d'acide nitrique (très utilisé dans la fabrication d’engrais de synthèse mais aussi dans la métallurgie ou encore la microélectronique) et d’acide adipique (utilisé dans la fabrication du nylon, de produits cosmétiques ou comme additif alimentaire servant à acidifier des pâtisseries ou des boissons). A eux deux, ces produits chimiques représenteraient environ 5 % des émissions globales de N2O.Viennent ensuite le traitement des déchets et des eaux usées, la combustion de carburant et le transport routier, notamment depuis l’équipement de véhicules en pots catalytiques.
Afin de réduire les émissions de N2O, le rapport, réalisé avec le concours d’experts et de scientifiques issus de 35 organisations, émet des préconisations. Au niveau de la production agricole, il suggère notamment de freiner « l'utilisation excessive ou la mauvaise utilisation des engrais azotés » et prône l'adoption de techniques permettant d'utiliser l'azote de manière plus efficace tout en minimisant sa perte dans l'environnement. Le rapport encourage également la réduction de la «consommation excessive de viande - dans la mesure où la production de protéine animale conduit à des émissions de N2O plus élevées que les protéines végétales - et du gaspillage alimentaire. »
Concernant le secteur industriel, l'organisation estime que d’importants gains pourraient être obtenus rien qu’en limitant les émissions d'acide adipique et d'acide nitrique. Elle recommande par ailleurs de baisser la teneur en azote des eaux usées et de réduire l'utilisation du feu pour le défrichement des forêts, une pratique particulièrement répandue en Asie du Sud-Est.
Une étude citée dans le rapport indique « qu'une amélioration générale dans l'efficacité de l'utilisation de l'azote de 20 % coûterait 12 milliards de dollars par an, mais permettrait d'économiser 23 milliards de dollars par an au niveau des coûts des fertilisants ». Et, au final, ces mesures de réduction apporteraient des « bénéfices additionnels sur l'environnement, le climat et l'homme estimés à 160 milliards de dollars par an. »