Fil d'Ariane
A la veille d'une sixième journée d'actions qui s'annonce massive contre la réforme des retraites et son report de l'âge légal de départ de 62 à 64 ans, les Français, toujours majoritairement hostiles au projet de l'exécutif, selon les sondages, doivent se préparer à vivre 24 heures d'un pays "à l'arrêt" comme l'ont promis les syndicats.
Ceux-ci veulent faire mieux que le 31 janvier, où la police avait recensé 1,27 million de participants et l'intersyndicale plus de 2,5 millions dans les rues de France. La CGT a recensé 265 rassemblements.
"J'appelle les salariés de ce pays, les citoyens, les retraités à venir manifester massivement" demain, a dit le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, lundi sur France Inter qui demande qu'Emmanuel Macron réagisse enfin face à l'ampleur de la mobilisation.
"Le président de la République ne peut pas rester sourd", a exhorté le leader cédétiste.
Nous ferons tout pour que la réforme puisse être adoptée
Bruno Retailleau, patron des sénateurs LR
Si l'exécutif regarde ce qui se prépare dans la rue en exhortant les opposants à la "responsabilité" comme le ministre du Travail Olivier Dussopt ou son homologue en charge des Comptes publics Gabriel Attal, il a aussi un oeil sur le Sénat à majorité de droite. Au palais du Luxembourg, l'examen du texte doit se poursuivre lundi à partir de 10 heures, avec encore plus de 3.000 amendements au programme.
Les parlementaires se penchent lundi sur la proposition des rapporteurs de créer un CDI (Contrat à durée indéterminée) nouvelle formule pour inciter à l'embauche de seniors au chômage.
Les débats ont progressé à pas comptés pendant tout le week-end avec la suppression des régimes spéciaux pour les nouveaux entrants et la création d'un "index seniors" dans les entreprises, mais uniquement pour celles comptant plus de 300 salariés.
"Nous ferons tout pour que la réforme puisse être adoptée", a dit dimanche le patron des sénateurs LR, Bruno Retailleau, dont le soutien à la réforme est capital pour la Macronie. L'examen du texte doit se terminer le 12.
Bruno Retailleau a aussi vertement critiqué ceux qui veulent "mettre la France à genoux" en visant les opposants de la réforme qui ont annoncé des grèves reconductibles dans l'énergie, les raffineries ou les transports.
La Première ministre Elisabeth Borne doit s'exprimer lundi soir sur France 5.
Pour mettre "la France à l'arrêt" le 7 mars, objectif de la grande journée de mobilisation contre la réforme des retraites, l'intersyndicale compte sur un démarrage progressif des grèves lundi soir afin d'obtenir un mouvement massif mardi à l'aube en espérant qu'il s'inscrive dans la durée.
Les routiers ont déployé des barrages filtrants dès lundi matin ajoutant aux perturbations attendues dans les transports. La SNCF et la RATP ont averti que le trafic serait très affecté mardi. Les baisses de production se poursuivent dans le secteur électrique dont le mouvement a commencé vendredi.
Chantiers à l'arrêt, rideaux de magasins fermés, péages ouverts et routes bloquées font également partie de la panoplie d'actions des opposants qui trouveront le lendemain l'occasion de continuer à se faire entendre pour la Journée internationale des droits des femmes.
Le point sur les principales mobilisations attendues:
De très fortes perturbations sont prévues dans les transports urbains et ferroviaires, l'ensemble des syndicats ayant appelé à la grève reconductible à la RATP et à la SNCF, à partir de mardi. Pour le ministre des Transports, Clément Beaune, il s'agira d'"une des journées les plus difficiles qu'on ait connues". A la SNCF, le préavis de grève commence lundi à 19 heures.
Les routiers ont rejoint le mouvement, certains syndicats comme Force Ouvrière-UNCP appelant à se mobiliser dès dimanche soir avec des blocages de plateformes logistiques, de zones industrielles et des opérations-escargots autour des grandes métropoles.
Des barrages filtrants provoquaient dès lundi matin ralentissements et bouchons près de Lille ou Rouen.
SNCF et RATP ont annoncé dimanche une circulation des TGV et TER "très fortement perturbée" mardi, et "très perturbée" dans le métro et le RER en Ile-de-France.
Seul un train sur cinq circulera pour les TGV Inoui et Ouigo, idem pour les TER, et deux trains sur trois en moyenne sur les liaisons internationales Thalys et Eurostar.
La circulation sera quasi à l'arrêt sur les Intercités et de nombreuses perturbations sont à prévoir sur les transiliens, avec entre un train sur trois et un sur dix selon les lignes.
A Paris, la circulation des métros sera restreinte sur la plupart des lignes principalement aux heures de pointe, excepté les lignes 1, 14 et 4. Les RER compteront entre un train sur deux et un train sur trois côté RATP, et entre un sur trois et un sur cinq côté SNCF.
Dans les airs, la Direction Générale de l’Aviation Civile (DGAC) a demandé aux compagnies de réduire leurs programmes de vols le mardi et le mercredi, de 20% à Paris-Charles-de-Gaulle et de 30% à Paris-Orly, Beauvais, Bordeaux, Lille, Lyon, Nantes, Marseille, Montpellier, Nice et Toulouse.
Air France prévoit d’assurer près de 8 vols sur 10, dont la totalité de ses vols long-courriers, sans toutefois exclure "des retards et des annulations de dernière minute" .
Les éboueurs, qui dépendent notamment de la branche des transports, sont appelés à la grève reconductible mardi, par la CGT.
Le gouvernement encourage ceux qui le peuvent au télétravail, une recommandation qui vaut davantage pour les cadres urbains que pour les ouvriers et employés.
Dans l'énergie, le mouvement a démarré vendredi après-midi à l'appel de la CGT, en raison du vote samedi soir par le Sénat de l'article 1 du texte sur la suppression des régimes spéciaux de retraite, dont celui des énergéticiens.
Les baisses de production touchaient encore de nombreuses centrales lundi matin. Dimanche, elles ont atteint plus de 5.000 mégawatts sur les centrales nucléaires et thermiques, soit l'équivalent de cinq réacteurs nucléaires.
Le mouvement "a vocation à s'étendre", "a minima jusqu'au 7 et a maxima jusqu'à la gagne", avait averti samedi la CGT Énergie, promettant "une semaine noire" avec coupures ciblées, blocages, occupations, et toujours "des opérations Robin des Bois" à destination de la population (comme la coupure de radars routiers).
Dans les raffineries, la CGT a également appelé à la grève reconductible avec pour objectif de "bloquer l'ensemble de l'économie", au niveau de la production, de la distribution et de l'importation de carburant.
Dans un premier temps, les grévistes entendent bloquer les expéditions des raffineries vers les dépôts. Si le mouvement venait à durer, il pourrait entraîner l'arrêt de raffineries. Certaines pourraient se mettre en grève dès lundi à la mi-journée, la plupart lundi soir.
Toute la branche pétrole et chimie est appelée à faire grève, y compris dans le secteur pharmaceutique, et chez les avitailleurs, chargés d'alimenter les avions en carburants.
Nouveauté dans l'industrie: l'appel à la grève dans l'ensemble de la métallurgie et notamment chez les géants du secteur aéronautique, automobile et sidérurgique. Le syndicat de branche espère voir le mouvement reconduit.
Dans l’agroalimentaire, la CGT appelle les grands sucriers français à se mettre à l'arrêt à partir de mardi.
Les enseignants seront aussi à nouveau en grève, avec des syndicats qui ont appelé à "fermer totalement les écoles, collèges, lycées". Des blocages lycéens sont également attendus même si la mobilisation peine à prendre dans la jeunesse. Organisations étudiantes et lycéennes ont donné rendez-vous le 9 pour "durcir le mouvement".
Le Snuipp-FSU, premier syndicat du primaire, prévoit que plus de 60% des enseignants du premier degré seront grévistes mardi, pour la sixième journée d'actions qui s'annonce massive contre la réforme des retraites, a-t-il indiqué lundi à l'AFP. A l'inverse, pas de chiffres attendus pour les collèges-lycées, les enseignants du second degré n'étant pas tenus de se déclarer 48 heures avant.
Le taux de grévistes le plus élevé chez les enseignants date du 19 janvier, lors de la première journée d'action, avec 42,35% dans le primaire et 34,66% dans le secondaire selon le ministère. Ce 19 janvier, les syndicats avaient eux recensé jusqu'à 70% d'enseignants grévistes dans le primaire et 65% dans les collèges et lycées.