Le code du Travail réformé ? une "rénovation" plutôt qu'une révolution des relations salariés - employeurs, selon la presse française. Et une réforme "taille patrons". Les Français, eux, seraient plutôt opposés aux ordonnances, si l'on en croit une enquête de l'institut Harris Interactive. Mais avec des nuances importantes : les électeurs d'Emmanuel Macron y sont très largement favorables.
C'était une réforme très attendue après le mécontentement suscité à gauche par la loi ElKhomri en 2016. Et la première de cette rentrée politique et sociale en France.
Il ne s'agissait pas pour Emmanuel Macron devenu président de renier la réforme mise en place par son prédécesseur mais d'aller plus loin. Et de donner un coup de pouce aux entreprises, notamment aux petites et moyennes entreprises, les TPE-PME.
C'est donc ce qu'ont présenté le Premier ministre, Edouard Philippe, et la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, jeudi 31 août, à l'issue d'une concertation avec les partenaires sociaux. Enjeu déclaré : "changer l'état d'esprit du code du travail, en faisant confiance aux acteurs de terrain pour savoir ce qui est bon pour les entreprises, ce qui est bon pour les salariés"
La "transformation", pour reprendre les mots d'Emmanuel Macron confronté à une baisse de popularité de plus de 20 points depuis son élection - "les Français détestent les réformes" - s'appuie sur cinq ordonnances, baptisées "Renforcement du Dialogues social" et consultables en ligne, ici.
Les Français majoritairement défavorables aux ordonnances
Or, un premier sondage permet de cerner l'opinion des Français. A chaud, elle est globalement négative.
58% des Français sont défavorables aux ordonnances réformant le droit du travail, contre 42%, selon l'enquête réalisée par Harris Interactive pour RMC et Atlantico (1004 personnes de 18 ans et plus interrogées en ligne le 31 août selon le système des quotas)
- Les électeurs d'Emmanuel Macron y sont en revanche largement favorables (82% contre 18%).
- Pour une majorité encore plus large des personnes interrogées (71% contre 29%), la réforme va "réduire le pouvoir des syndicats dans les entreprises".
- Pour 54% (contre 46%), elle va "détériorer les conditions de travail des salariés".
- A peine 43% (contre 57%) pensent qu'elle va "améliorer la compétitivité des entreprises", 36% (contre 64%) qu'elle va "améliorer la croissance" et 31% qu'elle va "permettre de réduire le chômage".
Une loi sur mesure pour les patrons
La presse de son côté évoque une victoire pour le patronat.
Pour
Libération,
le Medef ne pouvait espérer mieux. Les ordonnances dévoilées jeudi par le gouvernement parviennent à "
faire droit aux revendications les plus anciennes, les plus traditionnelles - les plus éculées ? - du Medef", critique Laurent Joffrin dans son éditorial.
Le Figaro, lui, se rejouit.
"La main du chef de l'État n'a pas tremblé ! Emmanuel Macron avait promis d'engager une vaste réforme du Code du travail : elle est en bonne voie", écrit Jacques-Olivier Martin.
Les Echos saluent une
"une rénovation profonde, sans précédent, du droit du travail", même si ce n'est pas la "révolution copernicienne" promise par Emmanuel Macron, souligne Jean-Francis Pécresse.
Dans
La Croix, Guillaume Goubert compare la réforme à
"une décentralisation", l'idée étant "
qu'employeurs et salariés puissent discuter plus directement, en premier lieu dans les entreprises de petite taille".
"
A la confrontation voulue dans les années antérieures, le gouvernement a cette fois préféré miser sur un lien de confiance entre entrepreneurs et salariés", écrit Nicolas Beytout dans
L'Opinion.
L'Humanité, sous la plume de Sébastien Crépel, n'y croit pas du tout et dénonce
"le concept frelaté de "codécision". Les salariés "
savent mieux que quiconque que le Code du travail n'a de sens que s'il sert à les protéger de la position dominante de l'employeur", écrit l'éditorialiste du journal communiste.
"
Quoi qu'en dise le gouvernement, la réforme du code du travail penche plus vers le libéral que vers le social", acquiesce Olivier Pirot dans la
Nouvelle République du Centre-Ouest.Dans la presse anglosaxonne, le
Wall Street Journal évoque "
une victoire pour Macron (avec) l'opposition modérée des syndicats, pour l'instant" ... Enfin, le
Financial Times souligne "
une claire victoire du patronat"
mais aussi la volonté du gouvernement
"de ne pas s'aliéner les syndicats alors que des réformes encore plus contestées sont en préparation".En attendant, si les organisations patronales se félicitent de cette réforme, "
une première étape importante dans la construction d'un droit du travail plus en phase avec la réalité quotidienne des entreprises", pour le patron du Medef, Pierre Gattaz - les syndicats sont divisés.
La CFDT se dit "déçue". Elle dénonce "
le dogmatisme qui l'a emporté" et s'inquiète d'une perte d'influence, note
The Guardian, sans pour autant appeler à manifester, tout comme FO qui réserve son avis définitif.
Il n'en va pas de même pour la CGT qui condamne "
la fin du contrat de travail" et appelle "
les travailleurs, les retraités et les jeunes à participer à la journée de mobilisation du 12 septembre", note
Le Point.