"A Bautzen, des badauds crient leur joie devant l'incendie d'un futur foyer pour demandeurs d'asile. A Clausnitz, des manifestants tentaient de bloquer un bus de réfugiés - et la police s'en prend aux passagers du bus."
Fil d'Ariane
L'attitude de la police a fait l'objet de critiques ce week-end, émanant notamment des partis d'opposition, les Verts et la gauche radicale Die Linke. Le chef de la police locale a défendu ses hommes, arguant que des réfugiés avaient adressé des gestes obscènes aux manifestants. Selon la chaîne publique ZDF et un élu local Die Linke, le directeur du foyer de réfugiés de Clausnitz serait membre du parti populiste AfD ("Alternative pour l'Allemagne"), qui surfe sur la crise des réfugiés et grimpe dans les sondages.
"Il est totalement inacceptable que de gens venus chercher une protection contre les persécutions soient accueillis par la haine", s'est indigné le ministre de l'Intérieur, Thomas de Maizière. Ce lundi, la presse et l'ensemble de la classe politique allemande réagissent à l'unisson à ces deux événements de cette fin de semaine - les applaudissements devant l'incendie à Bautzen et la manifestation anti-réfugiés de Clausnitz.
Les actes de ces derniers jours soulignent une nouvelle fois l'écho que rencontre le discours hostile aux migrants auprès d'une frange radicalisée de l'opinion dans l'ex-RDA. "La haine et la violence sont davantage visibles à l'Est", a reconnu lundi l'ancien président de la chambre des députés, Wolfgang Thierse, lui-même issu de RDA. "Ceux qui au cours des 25 dernières années ont dû surmonter tant de changements ont manifestement des convictions démocratiques et morales moins solides" qu'à l'Ouest.
Le phénomène n'est pas nouveau, mais avec l'afflux d'un nombre record de migrants, il prend une nouvelle dimension. Sur les 231 agressions d'extrême droite recensées depuis le début de l'année dans le pays, 47 se concentrent en Saxe, selon un décompte de deux ONG allemandes. Globalement, selon les statistiques officielles pour 2015, les actes de violences d'extrême droite en Allemagne ont doublé par rapport à 2014, à environ un millier. Et si la répartition par régions n'est pas encore connue, la tendance affichée en 2014 était claire: près la moitié de ces actes avaient été commis à l'Est, pourtant nettement moins peuplé.
Manque de contact avec les étrangers et de culture démocratique du temps de la RDA ? Retard économique ou sentiment de déclassement exacerbé à l'Est ? Les tentatives d'explication sont nombreuses, sans qu'aucune à elle seule ne suffise. Le facteur économique, par exemple, ne tient que partiellement en Saxe, région économiquement la plus dynamique de l'ex-RDA avec la Thuringe voisine.
"Il y a dans l'Ouest de l'Allemagne une société civile forte avec une culture du débat solide, qui montre clairement aux extrémistes de droite qu'ils sont à la marge, estime le sociologue spécialiste de l'extrême droite Matthias Quent. A l'Est en revanche, Pegida et d'autres groupes se sont emparés de l'espace public et l'ont déplacé vers la droite. Les slogans d'extrême droite sont acceptés (...) les gens économiquement déclassés ont moins à perdre et il y en a plus actuellement à l'Est".