Réfugiés en Europe : le compromis impossible ?

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Migrants Hongrie
Des réfugiés arrivent à la gare de Schoenefeld, près de Berlin, dimanche 13 septembre 2013.
© Kay Nietfeld/AP
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L’Union européenne fait face à la plus importante crise migratoire depuis la seconde guerre mondiale. Quotas, obligatoires ou pas, contrôles aux frontières, accords de Schengen, autant de règles fragilisées voire menacées à l’aune de cette nouvelle situation. L’expertise de Joanna Pétin, spécialiste des crises migratoires.

Joanna Pétin est doctorante au Centre de Documentation et de Recherches Européen de la faculté de Bayonne (UPPA). Elle est aussi juriste consultante sur les questions liées à l'asile et de l'immigration en Europe. Elle  signe un rapport « Crise migratoire en Méditerrannée, le droit européen de l’asile et la solidarité remis en question »
 

Votre réaction après la décision de l’Allemagne de rétablir son contrôle des frontières ? 

La volonté de suspendre les accords de Dublin et de dire que le territoire était ouvert, c’était inévitable, cela ne pouvait que provoquer une sorte d’appel d’air, alors parler de volte-face, le mot est un peu fort surtout après l’annonce de l’accueil par l’Allemagne d’un millier de réfugiés en 2015.

Migrants Hongrie
Des soldats déployés à la frontière entre la Hongrie et la Serbie, à 180 km au sud-est de Budapest, lundi 14 septembre 2015.
©Balazs Mohai/MTI via AP

 La question d’instaurer des quotas semble incontournable, c’est ce qu’il faut attendre de la réunion de Bruxelles ?

C’est dans les propositions de solution , mais l’idée de quotas obligatoires en revanche ne passe pas auprès de certains Etats membres, qui militent pour du volontariat. Et pourtant, ce serait sans doute « la » solution.

Faut-il casser le système Dublin ?

La solution la plus viable serait de suspendre la disposition Dublin ou du moins d’appliquer les dispositions dont le règlement dispose déjà, et notamment la clause de souveraineté, (qui permet à un Etat Membre de l’UE de se déclarer lui-même responsable d’une demande.) Faire peser la charge sur les Etats qui se trouvent en ligne de front, ce serait déraisonnable. Le plus sage serait de pérenniser un système de relocalisation. La situation dans les pays que fuient ces réfugiés n’est pas prête de s’améliorer, donc le flux ne va pas s’arrêter, il va peut-être rester identique à celui qu’on connait actuellement.

En quoi consisterait-il ce système, qui pour le gérer et comment fonctionnerait-il?

Il s’agirait tout d’abord de déterminer concrètement ce qu’est afflux massif, ce qui n’est pas fait actuellement, puis suspendre le système Dublin. Les clés de répartition envisagés seraient basées sur le taux de PIB, le taux de chômage, mais aussi pourquoi pas le nombre de personnes déjà protégées par le statut de réfugiés dans chaque pays.

L’Union européenne n’était pas préparée du tout à ce genre de crise ?

Le système est inadapté à la situation actuelle, malgré tout elle a des instruments. Une directive n’a pas été exploitée, celle de la protection temporaire, créée en 2001, elle est spécifique et elle a été créée pour faire face à un afflux massif de réfugiés fuyant des pays en guerre. Cet instrument n’a pas été sollicité aujourd’hui, pourquoi ? Cela aurait sans doute permis de désamorcer la bombe plus tôt. Cette directive propose une reconnaissance primafaciée. Et c’est ce qui est proposé aujourd’hui. C’est à dire que lorsque une personne arrive et se présente comme originaire de Syrie, on va lui offrir sur la base de son identité une protection.

L’idée de mettre en place des centres de contrôle pour faire le tri parait indispensable ? Que va-t-il advenir des réfugiés qui ne remplissent pas ces conditions ?

En Europe, le droit d’asile est plus qu’un droit, il s’agit d’un devoir voire une obligation pour les Etats membres d’accueillir ces demandeurs d’asile. Ils ont pour devoir de ne pas renvoyer vers ces territoires des personnes qui ont besoin de protection, et de traiter leurs demandes.

L’espace Schengen est-il menacé ?

Les frontières n’ont jamais empêché l’immigration irrégulière. D’ailleurs le rétablissement provisoire des frontières est prévu par les accords de Schengen. Les routes migratoires le montrent, il suffit de bloquer une route, et c’est une autre qui se crée.