Fil d'Ariane
Dans quelle mesure la France peut-elle gérer cet accueil à court, moyen et long termes ? Certains élus veulent « choisir » les réfugiés qu’ils accueilleraient, d’autres y voient une chance : celle de repeupler les campagnes délaissées. Etat des lieux, alors que les maires de France se réunissent ce samedi à Paris.
L’idée est généreuse : mettre en place un réseau de villes solidaires, une idée lancée par le premier secrétaire du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis, un réseau qui se veut au-delà des partis politiques et appellerait à la solidarité de tous.
Car ces campagnes ne manquent pas de locaux vacants, abandonnés faute d’occupants et d’activité. Des casernes, des foyers désaffectés voués à la démolition qui pourraient être réhabilités et réaménagés.
Mais plutôt que de parler de chance, le maire de Mauprévoir, (Vienne, 670 habitants), préfère parler d’opportunité, « car il y a beaucoup de malheur derrière
tout ça ». Pour Jean-Michel Faroux (élu en 2014, sans étiquette politique), « ça pourrait être gagnant-gagnant ». Car à Mauprévoir, le problème, c’est l’école. Le pôle scolaire peut accueillir jusqu'à une centaine d’élèves. Or ils ne sont à ce jour qu’une trentaine. Le maire raconte sa dernière rencontre avec la directrice de l’Académie : « trouvez-moi des enfants ! » lui assène-t-elle, lorsqu’il demande si cet établissement scolaire est potentiellement menacé.
Donc, en réponse à ces maires qui font de la discrimination en disant oui à l’accueil de réfugiés uniquement s’ils sont chrétiens. Mr Faroux , lui, prône une discrimination positive : « oui à l’accueil de réfugiés et encore mieux s’ils ont des enfants et rien à faire de leur religion ! » Concrètement, chez lui, la mairie dispose d’un logement communal vacant, et par ailleurs un habitant vivant seul dans sa maison s’est dit prêt à recevoir une famille de réfugiés.
Quant au problème de langue, Mr le Maire évoque l’exemple d’un couple de jeunes Polonais, hébergés depuis peu dans un autre logement communal, et ne parlant pas un mot de français. « On y arrive quand même ! Nous sommes en train d’étudier les possibilités de formation ». Pour lui, cette « crise » pourrait donc avoir des aspects positifs. Parmi ces réfugiés se trouvera peut-être celui qui remplacera l’unique médecin du village. Il doit partir à la retraite dans 3 ans et pour l’instant, aucun successeur ne s’est présenté.
Une opportunité qu’il faut saisir, selon le démographe et géographe Gérard Dumont. Il estime qu’elle irait dans le sens de ce qu’il se passe actuellement dans les campagnes françaises, qui connaissent un nouvel engouement et un phénomène de « re-ruralisation ».
On recense actuellement 14 millions de ruraux en France (c'est-à-dire de personnes vivant dans des communes de moins de 2 000 habitants) et 18 500 communes, soit exactement une commune sur deux, composent le tissu rural. Elles couvrent 59% du territoire métropolitain.
Après une longue période de déclin puis de stagnation entre 1975 et 1990, la population des espaces ruraux français augmente à nouveau.
« Le taux de croissance démographique de la ruralité française est désormais plus élevé que le taux moyen national, dans la mesure où un certain nombre de personnes considèrent que la vie dans les villes s’est considérablement détériorée. Il y a un certain nombre de campagnes qui, pendant des décennies, ont eu un solde migratoire négatif, et qui, aujourd’hui, gagnent des habitants. (...) Parfois c’est un peu masqué, car il peut y avoir des territoires où la population diminue parce qu’elle vieillit, mais qui en même temps connaissent un phénomène de régénération avec l’arrivée de populations plus jeunes » .
De près de 8 000 habitants supplémentaires chaque année entre 1990 et 1999, on est passé à près de 75 000 entre 1999 et 2007. Sept régions comptabilisent 81% des gains. Les territoires où la part des personnes âgées est la plus forte sont le massif central, les Pyrénées, et le cœur de la Bretagne. Elles enregistrent un solde naturel négatif : les décès y sont plus importants que les naissances.
« Dans d’autres pays d’Europe, la situation est différente, ces pays n’ont pas mis en place des politiques négatives vis à vis de la ruralité ou bien ils ont des densités de population bien plus importantes qu’en France ».
24 000 réfugiés accueillis en 2 ans, est-ce une promesse tenable ? Selon Michel Vergnier, député et maire de Guéret (Creuse) et membre de l’Association des Maires de France, interrogé sur Montagne.fr , il faut se concentrer sur l’urgence , « cela relève de l’assistance à personne en danger (...) Des fonds européens vont être débloqués, nous a promis le ministre de l’Intérieur, car pour les élus locaux , il n’est évidemment pas question de supporter de nouvelles charges, à l’heure de la baisse drastique des dotations. »
Dans un premier temps, les familles ne vont pas forcément débarquer directement du Moyen-Orient dans ces logements mis à disposition par les collectivités, comme le décrit Michel Vergnier, « l’idée, c’est plutôt de désengorger les places d’urgence dans les centres d’accueil, en installant de façon plus pérenne des demandeurs d’asile déjà présents sur le territoire ».
L’émotion passée, les communes volontaires vont devoir organiser un accueil sur la durée. Selon Michel Vergnier, « il faut éviter qu’une famille soit envoyée toute seule. Ces gens seront amenés à rester. Certains auront peut-être, par leur formation, par exemple, plus de facilité à s’intégrer dans un département rural comme la Creuse, même dans des petites communes » plutôt que dans de grandes villes. Voilà peut-être enfin l’occasion pour les campagnes d’une revanche tout en réveillant une tradition «française » ?