Rencontre avec Graham Watson, député européen, né en Écosse mais élu pour le Parti libéral de la circonscription du Sud Ouest de l’Angleterre, membre de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe, au Parlement européen.
Une rareté britannique : Graham Watson est un député heureux et optimiste dans une Europe en marche. Les quelques « frustrations » des débuts de son mandat (1994) lui semblent déjà loin derrière : fini le temps où l’on envoyait au Parlement européen des députés nationaux en fin de carrière ; oubliée l’énergie « obsessionnelle » déployée pour parvenir à des outils constitutionnels fiables qui ont « permis à l’Europe de faire face aux défis du monde » ; dépassés les eurodéputés qui envisageaient un vieux continent « au pont levis dressé » face aux migrants ou aux marchés ! Graham Watson est membre du parti libéral britannique, une sorte de centre gauche, le seul vraiment européen de l’île, et qui semble détenir la clé du scrutin du 6 mai. Ouvert sur le monde, il s’émerveille des progrès de la diplomatie européenne (et des 3000 candidats aux nouveaux trois postes d’ambassadeurs) tout en regrettant l’alignement de l’Europe sur les États-Unis vis à vis de l’Iran, et en tempêtant contre l’absence de celle-ci aux sommets des nouvelles puissances émergentes du BRIC, Brésil – Chine – Inde – Russie. Il était à Paris, à l’invitation du Cercle des Européens, le soir même du premier débat électoral télévisé entre travaillistes, libéraux et conservateurs, entre Gordon Brown, Nick Clegg et David Cameron. Une joute qu’il n’a pu suivre, sans trop de regret, de peur de découvrir une nouvelle fois, l’absence de la question européenne dans les enjeux électoraux. Un constat qui contraste avec sa bienveillance volontariste.
La mauvaise éducation européenne de notre pays
« Les trois partis cherchent absolument à éviter la question de l’Europe, même le mien, pourtant résolument européen. Notre pays souffre non seulement d’une mauvaise éducation mais d’une non éducation sur ce thème. Alors que nous savons très bien que nous n’avons pas d’alternative à une plus grande intégration européenne. Et la façon dont l’Europe avait fait irruption au Royaume-Uni dans la campagne électorale des Européennes de 2009 a été particulièrement malheureuse. Le Parti conservateur avait annoncé son retrait du groupe PPE (Parti populaire européen – centre droit) au Parlement européen pour rejoindre le clan des eurosceptiques de l’ECR (Groupe des conservateurs et des réformateurs européens). Et David Cameron vient de réaffirmer cette position qui place nombre d’élus britanniques aux côtés d’extrémistes nationalistes lettons ou polonais, par exemple. Avec pour seul objectif, celui de récupérer les voix du BNP, Parti nationaliste britannique (équivalent du Front national français).»
Nous avons perdu le “common good“
Autour de Graham Watson, de gauche à droite : Paul Kavanagh, ambassadeur d'Irlande en France ; Noëlle Lenoir, présidente du Cercle des Européens ; et Nicole Fontaine, ancienne présidente du Parlement européen
Photo Cercle des Européens
Le populisme, cette maladie européenne en pleine expansion l’inquiète, d’autant plus qu’il en rend la construction européenne en partie responsable : « Nous avons voulu créé une démocratie européenne, mais sans le ‘demos’ (les citoyens). Que ce soit en France, ou chez nous au Royaume Uni, partout en Europe, le populisme se fait entendre de plus en plus fort. Les crises économiques sont toujours accompagnées de tels mouvements, mais nous ne savons pas comment les surmonter. Il nous manque un contrat social au niveau mondial, qui serait le pendant de l’économie globalisée. Nous avons perdu la notion de ‘ common good ‘ (que l’on peut traduire par bien commun, mais pas seulement d’un point de vue matériel) ». Graham Watson s’étonne aussi de ce paradoxe : « Qui seront les nouveaux députés propulsés par David Cameron ? Des jeunes, très opposés à la construction européenne, tout comme les jeunes loups de la City… » Et pourtant il se dit convaincu que la Grande Bretagne adoptera un jour l’Euro, et cela dans un avenir pas si lointain… Propos recueillis par Sylvie Braibant 15 avril 2010