Juliana Deguis-Pierre, Dominicaine de 29 ans, mère de 4 enfants et fille d’immigrés haïtiens,s’est vue refuser sa carte d’identité sur décision du Tribunal constitutionnel dominicain. Son cas a été donc médiatisé et source de la colère des associations. Son avocat, Manuel Dandré raconte son histoire, un exemple d’une mesure qui concerne plus de 250 000 Dominicains haïtiens dans le pays.
« La sentence prononcée par le Tribunal constitutionnel, entérine le rejet de sa nationalité dominicaine qu’elle a depuis 1984, date à laquelle elle est née en République dominicaine. Sa naissance a été enregistrée dans le registre civil dominicain qui accrédite sa nationalité. Son père et sa mère nés en Haïti sont venus il y a plus de 30 ans pour travailler dans une industrie sucrière. Ils se sont installés en vertu de l’accord de travail bilatéral signé entre la République dominicaine et Haïti. C’est un accord sur la migration et l’embauche des travailleurs haïtiens pour les coupes de cannes à sucre.
La constitution de la République dominicaine jusqu’en 2010, mais qui a été amendée depuis, stipule que les personnes nées dans le pays sont dominicaines, sauf les enfants de diplomates ou de personnes en transit sur le territoire dominicain jusqu’à 10 jours (voir notre article). C’était la norme légale dominicaine en vigueur à la naissance de Juliana. Ses parents avaient pour destination finale la République dominicaine. Ils n’étaient pas en transit pour aller dans un autre pays.
Illégale
Avec sa décision, la cour constitutionnelle a fait une interprétation hors de la loi. Ça veut dire que la personne migrante qui est en condition migratoire légale ne jouit pas de la nationalité dominicaine. Or cette précision n’était pas dans la constitution au moment de la naissance de Juliana Deguis. C’est à partir de la Constitution de 2010 qu’il y a une exception convoquant la condition migratoire des parents de la personne qui veut obtenir la nationalité dominicaine (voir notre article)
En 1984, c’était la constitution de 1966 qui était en vigueur, et il n’y avait pas la condition migratoire comme exception pour obtenir la nationalité. La cour constitutionnelle devrait juger avec la constitution qui était en vigueur au moment de la naissance.
Tous les gens nés à partir de 1929, d’après la nouvelle décision, tombent dans la situation des apatrides. Ils sont déchus de tous leurs droits politiques et civils et ne peuvent plus participer à la vie électorale, ni obtenir un travail.
Mobilisation
Nous commençons à nous mobiliser pour que cette décision soit révoquée. Le Tribunal demande que chaque acte de naissance soit soumis au tribunal ordinaire pour prononcer la nullité. Nous sommes en train de déposer notre dossier devant ce tribunal ordinaire pour réfuter la décision de l’Etat dominicain. Mais avec les avocats de Juliana, nous avons décidé de soumettre ce cas à la
Cour inter-américaine des droits de l’homme(CIDH). Sa commission a prononcé des mesures protectrices en faveur de Juliana Deguis. La République dominicaine se trouve dans une position difficile car le pays ne reconnaît pas ses responsabilités et ses obligations en matière de droit international. La décision de l’Etat est complètement absurde. Elle est très dangereuse pour un système démocratique en s’attaquant ainsi à une partie de la population.
La semaine prochaine, un dossier déposé devant la Cour inter-américaine des droits de l’homme va juger de l’expulsion massive de ressortissants haïtiens nés et ayant un acte de naissance de la République dominicaine. Cela concerne une dizaine de personnes expulsées en 2002. En 2005, la CIDH a jugé un cas de petits enfants, descendants d’Haïtiens qui avaient été rendus apatrides par la République dominicaine alors qu’ils étaient nés dans le pays. La CIDH a statué que la condition migratoire des parents ne peut être transmises à leurs enfants. Si les parents sont dans une situation migratoire illégale, elle n’affecte pas les enfants nés en République dominicaine. C’est une décision déjà prise par le tribunal international. »