Fil d'Ariane
Extrait de la proposition de loi du 20 février 2019 "visant à préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale de la France dans le cadre de l’exploitation des réseaux radioélectriques mobiles" :
"La menace à laquelle doit répondre la proposition de loi est celle de l’exploitation d’une faiblesse des équipements de desserte 5G (stations de base et ensemble des dispositifs d’interconnexion au cœur de réseau), afin de porter atteinte à la sécurité nationale. La faiblesse considérée pourrait résulter d’un défaut de conception, volontaire ou non, d’erreurs de configuration dans leur déploiement par les opérateurs, ou encore d’actions illégitimes ou d’erreurs des opérateurs ou de leurs sous-traitants dans le cadre de la maintenance et de l’administration de ces équipements. De telles faiblesses pourraient être exploitées à des fins d’espionnage, d’interruption du fonctionnement ou d’attaque informatique dirigée contre des services utilisant le réseau."
Mais si ce contrôle semble parfaitement justifié, pourquoi un rapport européen sur la lutte contre le terrorisme s'inquiète-t-il de la complexité et du trop bon niveau de sécurité des réseaux 5G ? Les cris d'alertes sur les risques environnementaux et sanitaires des épidémiologistes sont-ils pris en compte depuis leur demande de moratoire ? Les nouvelles technologies de communications ne sont décidément pas un long fleuve tranquille…
Le 6 mai 2019 un rapport —dévoilé par la chaîne autrichienne ORF — du coordinateur de l’Union européenne pour la lutte contre le terrorisme, Gilles de Kerchove, s'inquiète de l'architecture technique des réseaux 5G.
Il est bien plus difficile de pouvoir s'interposer entre une antenne et un terminal mobile en 5G. A moins que les opérateurs ne donnent des accès aux services de renseignement de police.
Bruno Spiquel, ingénieur réseaux et maître d'œuvre pour l'opérateur Internet Scani
Mais pas pour un manque de sécurité informatique : le document indique au contraire, qu'en matière d'interceptions, de surveillance des communications, les réseaux 5G posent des problèmes de par leur "conception décentralisée".
Réseaux 5G : décentralisation et virtualisation, un problème pour les écoutes
Avec l'actuelle technologie mobile 4G, il est simple de surveiller et intercepter des communications puisque que le trafic passe obligatoirement par des "cœurs de réseau" le tout basé sur des procédures d'authenfications faibles entre antenne relai et terminal mobile. Les services de renseignements peuvent donc, par exemple, littéralement prendre la place d'une antenne relai et écouter les conversations d'un téléphone mobile (système d'"Imsi catcher") dans la rue, sans que l'utilisteur ne s'en aperçoive. Cette opération n'est visiblement plus possible en 5G : la fausse antenne relai ne sera plus authentifiée par les mobiles, ou le changement de relai sera signalé à l'utilisateur qui saura qu'il est potentiellement écouté par une fausse antenne relai.
L'interception de communications avec "les valises Imsi Catcher" sera donc inopérante. De plus, avec la 5G, en mode "Stand Alone" (pas la première version qui sera reliée à des matériels 4G et des fréquences similaires, mais la future 5G permettant des débits supérieurs à 1 Gigabit par seconde, en ondes milimétriques sur des bandes de fréquence supérieures à 24 Ghz), les données pourront être traitées en périphérie du réseau, au plus près des utilisateurs, avec un système de "virtualisation par tranches" : ces possibilités de complexification du réseau 5G mettraient alors les systèmes d'écoute et de surveillance des services de police et de renseignement à rude épreuve. Au point de les rendre obsolètes ?
Les lois européennes et françaises pour permettre la surveillance des réseaux imposent à tous les fournisseurs de services d’un territoire "d’extraire une copie de surveillance complète et déchiffrée des communications (…) de structurer leurs réseaux de telle façon que les données de localisation soient toujours disponibles" ou encore "de faire en sorte que des mesures techniques comme les IMSI Catcher puissent être implémentées" : Le rapport du coordinateur de l’Union européenne pour la lutte contre le terrorisme estime que ces conditions devront toujours être remplies par les opérateurs 5G, ce qui techniquement, risque d'être très compliqué. Voire impossible.
Quelles solutions restent alors ? Installer des accès privilégiés sur tous les matériels réseaux pour les services de renseignement, avec tous les risques de sécurité et la complexité logistique que cela comporte ? Bruno Spiquel, ingénieur réseaux et maître d'œuvre pour la coopérative Scani (opérateur Internet par antennes Wifi longue distance) explique les limites techniques à la surveillance, inhérentes à la 5G : "Sur l'authentification, avec la 5G, on est plus proche des systèmes d'authentification avec clés asymétriques chiffrées que d'autre chose, donc oui, c'est bien plus difficile de pouvoir s'interposer entre une antenne et un terminal mobile. A moins que les opérateurs ne donnent des accès aux services de renseignement de police. La technologie 5G oblige à couvrir le territoire de relais puisqu'à partir des bande de fréquence de 24 Ghz, les portées sont faibles, moins d'un kilomètre. La difficulté pour les interceptions de communications va donc être très importante, effectivement : il y aura quasiment des communications pair-à-pair, qui ne passeront plus par le cœur de réseau, avec de plus en plus d'émetteurs. Les sondes d'interception (des services de renseignement, ndlr) ne pourront pas être installées de partout, c'est impossible."
Ces constats techniques mènent le spécialiste à penser "qu'à moins de forcer les opérateurs à recentraliser le trafic, il n'y a pas beaucoup de solutions pour surveiller le trafic de la 5G… à part surveiller les terminaux." Et de conclure sur ce qu'il estime être "la prochaine bataille à venir" : "Tout va se critalliser sur les fabricants de terminaux, les smartphones au premier chef, avec la DGSI (Direction générale du renseignement intérieur, ndlr) qui va demander à Monsieur Google, Monsieur Samsung ou Monsieur Apple d'installer des bouts de logiciels sur leurs smartphones qui permettront [aux services d'Etat] d'écouter seulement ce qui les intéresse."
Avec la 5G, vous ne pourrez pas ne pas être exposé, même sans téléphone portable. Il y aura une antenne pour chaque rue.
Annie Sasco, Médecin et chercheuse, experte internationale en épidémiologie des cancers
La 5G ne pose pas seulement problème d'un point de vue sécuritaire mais aussi sanitaire : en septembre 2017, plus de 230 scientifiques dont une centaine issue de l'Union européenne ont réclamé un moratoire sur le déploiement de la 5G. Annie Sasco, Médecin épidémiologiste des cancers (pour l'OMS au CIRC durant la plus grande partie de sa carrière) expliquait en décembre 2018 sur TV5MONDE, en quoi la technologie 5G était différente des autres, avec des effets nocifs sur la santé et l'environnement potentiellement très importants. Annie Sasco est signataire de l'appel pour le moratoire sur la 5G :
Face à la mise en garde des scientifiques, exprimée ainsi : "Nous, soussignés scientifiques, recommandons un moratoire sur le déploiement de la 5G, la cinquième génération de support hertzien pour les communications mobiles, jusqu’à ce que les dangers potentiels pour la santé humaine et l’environnement aient été complètement évalués par des scientifiques indépendants de l’industrie. La 5G augmentera considérablement l’exposition aux champs électromagnétiques de radiofréquence (CEM-RF) par rapport aux réseaux existants 2G, 3G, 4G, Wi-Fi etc. Il est prouvé que les émissions CEM-RF sont nuisibles à l’homme et à l’environnement", suivie d'une demande de constitution d'un groupe de travail de parlementaires, la réponse de l'Union européenne a pour l'heure été très laconique et… négative : "Conformément à l’article 168 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, la responsabilité première de la protection de la population contre les effets nocifs potentiels des champs électromagnétiques incombe aux États membres, y compris le choix des mesures à adopter en fonction de l’âge et du statut sanitaire".
L'être vivant, humain ou animal, n'est pas fait pour être exposé à des champs électromagnétiques pulsés. Etre exposé à un champ qui passe en "on/off" en permanence à une vitesse extraordinaire, empêche nos cellules, nos organes, de s'adapter.
Annie Sasco, médecin et chercheuse, experte internationale en épidémiologie ds cancers
Les effets sur l'homme et l'animal des champs électomagnétiques pulsés sont très peu connus, mais les scientifiques expliquent que le phénomène de coupures et de reprises très rapides de ces ondes — inhérent à la technologie — pourrait empêcher une adaptation des cellules et des organes, avec des risques accrus de tumeurs du cerveau, de problèmes de rythme cardiaque. Le gouvernement français s'est engagé à travailler avec l'Agence nationale des fréquences et l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), "afin qu’elles puissent examiner d’une part, l’exposition aux ondes électromagnétiques et d’autre part, l’impact sanitaire éventuel de ces nouveaux développements technologiques, dès la phase des expérimentations". Aucun rapport n'a encore été publié.
En Suisse, le déploiement de 10 000 nouvelles antennes 5G a fait craindre une augmentation considérable de l’exposition aux rayonnements par radiofréquences. Une pétition demandant un moratoire a recueilli plus de 56 000 signatures dans le canton de Vaud, qui a suspendu le déploiement de ses antennes 5G.
La 5G est un saut technologique très important, empli de promesses en terme d'usages numériques futuristes, mais les problèmes posés par cette technologie, à de nombreux niveaux, sont loin d'être résolus. Les premiers tests ont lieu depuis peu en France, sur des fréquences de 3,5 Ghz. Bien que prometteurs d'un point de vue technique, ils ne doivent pas faire oublier les inconnues sécuritaires, sanitaires et environnementales non résolues, que cette technologie amène avec elle.
5G : même la météo pourrait être affectée…
Des spécialistes en prévisions météorologique américains ont alerté les autorités sur l'utilisation par la 5G des très hautes fréquences qui sont utilisées par les satellites météo. La bande de fréquence de 24 Ghz a été mise en vente en mars 2019 pour la 5G par la Commission fédérale des communications (FCC) et elle est très proche de celle utilisée par certains satellites météo de prévision : 23,8 Ghz. D'autres bandes pourraient être allouées proches des 36 gigahertz (utilisée pour prévoir la pluie et la neige), ou celle des 50,2 gigahertz (pour le calcul des températures) ou encore la bande de 80 gigahertz (pour les nuages et la glace).
Les scientifiques américains s'inquiètent des conséquences de ces interférences : les prévisions pourraient baisser de 30% et revenir au niveau de 1980. Anticiper certains ouragans pourrait alors devenir aléatoire. Avec toutes les pertes humaines que cela pourrait engendrer, par manque d'anticipation. En France, les fréquences pour les satellites météo on été réservées, le problème ne devrait pas se poser.