Rétrocession de Hong Kong à la Chine : retour sur 25 ans de reculs démocratiques

Pékin célèbre le 25ème anniversaire de la rétrocession de Hong Kong à la Chine. La ville devait conserver pendant 50 ans une autonomie. L'heure est aujourd'hui à une reprise en main du pouvoir chinois. Retour sur 25 ans de reculs démocratiques.
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HONG KONG
Le président Xi Jinping avec le nouveau président de l'exécutif de Hong Kong, l'ancien policier John Lee ce premier juillet 2022 pour le 25ème anniversaire de la rétrocession de la Chine à Hong Kong.
 
Gouvernement de Hong Kong via AP.
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Nous sommes le 30 juin 1997. Le dernier gouverneur de Honk Kong de sa majesté britannique, Chris Patten, quitte le port de la ville, le drapeau britannique à la main en présence du prince Charles et du Premier ministre Tony Blair. C'est la fin de 158 ans de présence britannique sur ce territoire. Le président de la République populaire de Chine Jiang Zemin promet alors le maintien de l'autonomie de la cité portuaire, qui est aussi une place financière internationale.
CHRIS PATTEN 1997
Chris Patten reçoit le drapeau britannique lors de la rétrocession de Hong Kong à la Chine ce 30 juin 1997.
AP Photo/Eric Draper

La ville est alors dirigée par un chef de l'exécutif, élu par un collège de grands électeurs majoritairement acquis à Pékin. Les lois sont débattues et votées au Conseil législatif, dont une minorité de députés sont élus démocratiquement.

"Un pays, deux systèmes"

La Chine retrouve donc sa souveraineté sur Hong Kong, perdue lors de la guerre de l'opium en 1939-1842. Pékin consent toutefois à maintenir certaines spécificités de la vie politique locale hongkongaise comme la liberté de manifester ou de presse.  Le principe "Un pays, deux systèmes", énoncé dans la mini-constitution de Hong Kong, promettait un haut degré d'autonomie, un pouvoir judiciaire indépendant et la nomination du dirigeant de la ville par Pékin sur la base d'élections ou de consultations locales. Hong Kong devait rester autonome pendant 50 ans.
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Mais dès les premières heures, les lignes de fracture qui allaient traverser la politique de Hong Kong pour les deux décennies suivantes étaient tracées.

Expulsion de députés pro-démocratie dès le 1er juillet 1997

Furieuse des tentatives de dernière minute du gouverneur britannique sortant Chris Patten d'introduire des éléments de démocratisation, la Chine annonce l'expulsion de tout député ayant ouvertement soutenu celles-ci. Ainsi, à l'aube du 1er juillet, Lee Wing-tat et nombre de ses collègues sont alors démis de leurs mandats.  "Nous n'étions plus aussi optimistes, je ne croyais plus que nous aurions une vraie démocratie", déclarait alors Lee Wing-tat.

Vingt-cinq ans plus tard, il ne reste plus aucun député de l'opposition au Conseil législatif de Hong Kong. Certains ont été arrêtés en vertu de la loi sur la sécurité nationale imposée par Pékin en 2020, et beaucoup disqualifiés au nom de nouvelles règles réservant les élections aux "patriotes". Lee Wing-tat, vit désormais au Royaume-Uni. Pourtant, il était pourtant plein d'espoir en 1984, lorsque la déclaration sino-britannique a ouvert la voie à la fin de 150 ans de domination coloniale. Mais la répression de Tiananmen en 1989 a ébranlé sa foi dans le parti communiste (PCC).

Au cours des années suivant la rétrocession, la méfiance s'accroît entre un camp pro-démocratie, qui voyait en Pékin un pouvoir autocrate déterminé à priver les Hongkongais des droits promis, et le PCC qui considérait leurs revendications comme un défi à la souveraineté chinoise. Peu après la rétrocession, la crise financière asiatique s'abat sur Hong Kong, plongeant le territoire jusqu'alors florissant dans un ralentissement économique majeur. Le marasme s'accentue fin 2002 avec l'apparition du virus du SRAS. L'épidémie fait 299 morts à Hong Kong et 1 800 dans le monde, dévastant les économies asiatiques.

Échec d'une première loi anti-subversion en 2003

Pékin adopte une série de mesures visant à relancer l'économie hongkongaise avec la signature, fin juin 2003, d'un accord levant progressivement les barrières douanières sur les produits hongkongais exportés en Chine.

Le pouvoir chinois tente également de restreindre les libertés publiques dès 2003 à travers une loi anti-suberversion. Le premier juillet 2003 un demi-million des sept millions de Hongkongais manifestent contre ce projet de loi. Pekin recule. Le projet est alors abandonné. Mais Pékin garde la main sur l'exécutif de Hong Kong. Le 1er janvier 2004, 100 000 manifestants réclament l'élection directe de l'exécutif dès 2007 et du législatif dès 2008.

La mini-Constitution de Hong Kong prévoit en effet la possibilité de l'élection directe du chef de l'exécutif et du Parlement, mais sans calendrier. En avril 2008 les autorités centrales leur opposent un refus, au moins pour les prochaines échéances.
Le 1er juillet des centaines de milliers de manifestants exigent à nouveau la démocratie.
Mouvement parapluies
Manifestation du mouvement pro-démocratie "des parapluies" ce 28 octobre 2014 pour demander l'instauration du suffrage universel direct.
AP Photo/Kin Cheung,

"Mouvement des parapluies" en 2014 pour l'instauration d'un véritable suffrage universel


Fin 2007, Pékin fixe finalement à 2017 les premières élections démocratiques du chef de l'exécutif et à 2020 celles du Conseil législatif, suscitant l'ire des mouvements prodémocratie qui réclamaient le suffrage universel dès 2012. En septembre 2014, débute le "mouvement des parapluies". Des pro-démocratie occupent pacifiquement le coeur financier et politique de la ville pour réclamer l'instauration d'un véritable suffrage universel.
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En dépit de l'écho international que suscite ce "mouvement" qui dure 79 jours, la Chine n'a rien cédé mais il marque l'émergence d'une mobilisation pour l'autonomie voire l'indépendance vis-à-vis de Pékin.

Loi autorisant les extraditions vers la Chine

À partir de juin 2019, l'ex-colonie est le théâtre d'un mouvement de contestation sans précédent, avec des manifestations monstres et de violents affrontements entre radicaux et policiers. Le mouvement pro-démocratie se regroupe autour de l'organisation politique pro-démocratie Demosistō. Elle est dirigée par de jeunes étudiants, Joshua Wong, Agnes Chow et Nathan Law.
MANIFESTATION PRO DEMOCRATIE
Les manifestants pro-démocratie manifestent contre la loi sur l'extradition le 16 juin 2019.
AP Photo/Vincent Yu, File)
Née du rejet d'un projet de loi qui devait autoriser les extraditions vers la Chine continentale, abandonné en septembre, la contestation se mue en un mouvement dénonçant les ingérences de la Chine et réclamant des réformes démocratiques.
En janvier 2020, Hong Kong est un des premiers territoires touchés par l'épidémie de coronavirus.
Agnes chow
Agnes Chow, une des figures du mouvement pro-démocratie, lors de sa condamnation à de la prison ferme le 11 juillet 2021.
AP Photo/Vincent Yu
L'exécutif prend des mesures drastiques, parmi lesquelles des interdictions de se rassembler en public, entraînant de fait la fin des manifestations prodémocratie.
Le 30 juin 2020, la Chine impose une nouvelle loi drastique sur la sécurité nationale, sans même la soumettre au Parlement local.
 
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Fuite de la plupart des figures du mouvement prodémocratie

Le texte vise à sanctionner "la subversion, la sécession, le terrorisme et la collusion avec les forces étrangères", des faits passibles de la prison à perpétuité. Il donne aux agents de sécurité chinois la possibilité d'opérer sur le sol hongkongais. Depuis, la plupart des figures du mouvement prodémocratie sont en prison, ont quitté la politique ou ont fui à l'étranger. De nombreuses puissances occidentales estiment que cette loi a sonné le glas du principe "Un pays, deux systèmes" qui avait présidé à la rétrocession et devait garantir au territoire une très large autonomie jusqu'en 2047.
 
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En mars 2021, la Chine approuve une réforme radicale du système électoral hongkongais qui marginalise totalement l'opposition. Le 8 mai 2022, l'ex-patron de la sécurité de Hong Kong John Lee, qui avait supervisé la répression du mouvement prodémocratie de 2019, est désigné à la tête de la ville.