On sent quand même la diplomatie européenne toujours gênée aux entournures pour s'exprimer. Pourquoi ? Je trouve au contraire que l'on assiste actuellement à une normalisation de l'UE en tant qu'acteur international. Son comportement est identique à celui des autres acteurs de la scène internationale : un savant équilibre entre les préoccupations et dans cet équilibre, les valeurs démocratiques et les droits de l'homme passent après la sécurité, l'énergie et les intérêts économiques.
L'UE entend réviser sa politique d'aide pour les pays arabes, en la liant désormais aux progrès démocratiques. Il faut se souvenir que dans le
processus de Barcelone en 1995, on avait inclus des clauses liées à la démocratisation. Mais dans la pratique cet élan a été brisé, car on a préféré privilégier le partenariat avec les pays arabes, et donc avec plusieurs régimes autoritaires. Par exemple, l'UE voulait soutenir des ONG égyptiennes. Mais l'Egypte voulait que cette aide n'arrive qu'aux ONG qu'elle considérait comme légales. De facto, beaucoup d'ONG se retrouvaient hors de portée. Ou bien l'UE aidait en cachette toutes les ONG, ou bien elle respectait les dirigeants et aidait moins d'ONG. L'UE essayait donc de soutenir l'activisme pour les droits de l'homme en partenariat avec des gouvernements autoritaires, ce qui est paradoxal et même impossible !
Peut-on imaginer des sanctions en cas de « recul démocratique » ? C'est une question très controversée. Certains défendent le principe de la carotte et du bâton, d'autres pensent que le bâton est dangereux car il pénalise plus la population que les élites ou les personnalités politiques. Il faut donc être prudent. Le débat continue au sein de l'UE. Lors de la crise post-présidentielle en Côte d'Ivoire, les sanctions européennes ont visé spécifiquement Laurent Gbagbo et son clan, pour ne pas nuire à la population. En Afrique du nord, le même type de question se pose. Je pense que l'UE finira par sanctionner Kadhafi directement.