Quand le banquier disparaît au profit d'un smartphone, cela donne naissance à ce qu'on appelle déjà les "néo-banques". Des établissements financiers totalement dématérialisés, innovants dans leurs fonctionnalités et qui revendiquent des coûts très bas, voire inexistants, pour le consommateur. Qu'en est-il réellement ?
En France, un opérateur téléphonique se prépare à changer de métier. Le groupe Orange -connu précédemment comme France Telecom et encore avant comme l'administration des PTT (jusqu'en 1988)- se lance dans la banque. Après plusieurs ratés au démarrage, Orange Bank devrait être mis sur le marché officiellement le 2 novembre 2017. Ce nouvel établissement financier s'annonce pilotable à 100% avec une application pour téléphone intelligent, qui regroupera toutes les fonctionnalités basiques d'un compte en banque et même quelques innovations. Le groupe espère attirer 2 millions de clients vers ses services bancaires.
Comme Orange Bank, d'autres "néo-banques" sont déjà présentes en France et ailleurs en Europe. La britannique Revolut s'est lancée discrètement en Suisse et en France cet été. Elle a récemment levé 66 millions de dollars auprès d'un capital risqueur genevois Index Ventures. L'allemande N26 revendique, elle, 100 000 clients en France en 9 mois de présence (et 500 000 utilisateurs dans 17 pays européens). Depuis 3 ans, il existe également en France l'offre Compte Nickel, désormais filiale de BNP Paribas, qui dénombre 700 000 fidèles après trois ans d'existence.
Ringardiser les banques traditionnelles ?
Ces banques sans guichet espèrent non seulement ringardiser les établissements traditionnels -comme Société Générale, HSBC ou Crédit Agricole-, mais elles comptent aussi donner un coup de vieux aux banques en lignes, que sont ING Direct, Boursorama ou Hello Bank (d'ailleurs toutes filiales d'établissements traditionnels). La différence réside dans le fait que les "néo-banques" ne proposent que des services limités, pas de crédits immobiliers par exemple, ou de portefeuilles boursiers.
Qui se cache derrière les "néo-banques" ?
Les "néo-banques" sont apparues en 2009 aux Etats-Unis, avant de débarquer en Europe. Certaines d'entre elles, comme Revolut, ne sont pas des banques mais des établissements de paiement. Elles doivent s'appuyer sur un groupe bancaire déjà existant pour les dépôts d'argent. Dans le cas de Revolut, les fonds versés par les clients sont placés dans les coffres de la Lloyds à Londres. Ces banques de poche ont souvent été lancées en mode start-up, sans groupe bancaire pour les appuyer. Revolut, par exemple, est née à Londres de la volonté de deux anciens cadres bancaires originaires des pays de l'est. L'allemande N26, elle, est apparue à Berlin en 2013 et depuis, a su lever près de 50 millions d'euros de financement, notamment auprès du fondateur de PayPal, Peter Thiel. Orange Bank, de son côté, sera issu de la volonté du groupe Orange, allié à Groupama Banque. A l'inverse, les banques en ligne sont toutes des filiales de banques traditionnelles : ING Direct, filiale du néerlandais ING, Boursorama, filiale de Société Générale, Hello Bank, filiale de BNP Paribas...
Premier argument de vente de ces banques mobiles, dont le modèle est déjà bien connu dans certains pays africains : l'innovation et la liberté. Leurs applications numériques permettent d'ouvrir un compte en quelques minutes, sans formalité, puis de le piloter finement : apparition instantanée des dépenses, paiement sans contact avec le mobile (type Apple Pay), blocage temporaire de la carte de crédit, choix du code PIN, modification des plafonds ou encore géolocalisation des paiements pour éviter les fraudes.
Aucun frais de change
Le système informatique tout nouveau de ces établissements leur offre une souplesse qui manque aux mastodontes bancaires traditionnels. Mais ces derniers rattrapent peu à peu leur retard et l'avantage des "néo-banques" sur ce point risque de disparaître progressivement.
Jusqu'ici, ce sont surtout les voyageurs qui trouvent leur compte dans ces banques nouvelles générations. Le paiement dans une autre devise y est souvent simplifié et surtout gratuit. N26 et Revolut ne ponctionnent ni commission de change ni frais sur les paiements dans une monnaie étrangère. Les "néo-banques" se contentent d'appliquer le taux de change en vigueur au moment de la transaction à l'étranger. D'importantes économies en vue si l'on passe régulièrement d'un pays à l'autre.
Des frais qui grimpent vite
L'argument financier est d'ailleurs le principal atout mis en avant par cette nouvelle catégorie de banques. Elles seraient quasi-gratuites. Pour le français Compte Nickel, il
faut débourser 20 euros d'abonnement chaque année. Mais chez Revolut comme chez N26, on souligne qu'aucun frais de tenu de compte ou de virement n'est prélevé au client. C'est vrai mais, comme souvent, le diable se cache dans les détails. Chez le premier, la carte de paiement est gratuite mais son envoi postal est facturé 6 euros. Chez l'autre, il en coutera 2,90 euros de frais si le client ne se fend pas de neuf transactions dans le trimestre. Les deux limitent le nombre ou le montant des retraits aux distributeurs automatiques : 2 euros de frais au-delà de cinq retraits chez N26 et carrément 2% de commission chez Revolut si on a la mauvaise idée de retirer plus de 200 euros dans le mois. S'ajoute à cela que les cartes de débit/crédit délivrées sont obligatoirement à "autorisation systématique", ce qui interdit les découverts (même autorisés) et empêche son utilisation pour certains paiements (aux péages, par exemple).
En juillet 2017, une
étude du site Panorabanques.com montrait que les nouvelles offres sont plus avantageuses que celles des banques traditionnelles. Elles sont en revanche moins intéressantes qu'une banque en ligne pour un profil de client moyen.
Les banques en ligne encore plus avantageuses
Ces offres mobiles s'adressent donc à un public ciblé : jeunes, voyageurs, interdits bancaires ou acheteurs en ligne frénétiques, d'autant que contrairement aux banques en ligne, les néo-banques n'exigent pas de revenus minimums pour fournir une carte bancaire gratuitement.
Pour les autres, les restrictions appliquées rendent difficile de se passer d'un autre compte dans une banque plus classique, où il sera possible de faire un crédit par
exemple. Pour alimenter ces "néo-comptes", il est d'ailleurs indispensable de le faire par virement, les dépôts d'espèces sont soit impossibles soit très compliqués.
Les grandes banques s'adaptent
Ces nouveaux acteurs n'en constituent pas moins une menace pour les grands groupes financiers. La plupart prépare déjà leur riposte : au printemps, BNP Paribas a racheté Compte Nickel, le groupe BPCE (Banque Populaire-Caisse d'Epargne) s'est offert Fidor, une application bancaire allemande, et le Crédit Agricole annonce sa banque mobile pour fin novembre, juste après l'arrivée d'Orange Bank.
La concurrence des nouveaux venus, si elle ne dure pas, aura au moins permis de réveiller les géants endormis sur les milliards d'euros de leurs clients.