Les yeux bleus laser, un sourire généreux, Robert Belleret est un biographe réputé. Il travaille comme l’inspecteur Maigret, son idole. Il fouille, se déplace, vérifie, confronte. Le copié-collé, à la mode chez nombre de ses confrères, très peu pour lui ! Il s’estime satisfait quand il remonte une info inédite, dégonfle une légende ou pulvérise un cliché. Sa friandise, ce sont les faits établis, les preuves indiscutables. « Du solide, sinon rien » pourrait être sa devise.
Robert Belleret est né en 1946… année où Piaf enregistre La vie en rose.
Robert Belleret grandit à Bécon-les-Bruyères, en banlieue parisienne. Enfance heureuse. Famille nombreuse. Le gamin pousse parmi la foule des « petites gens » qui peuplent son quotidien : concierges, commerçants, militants. L’enfant enregistre leurs faits et gestes. Il s’en servira plus tard dans un récit palpitant comme un cœur : Les Bruyères de Bacon (Edition Sabine Wespieser, 2002).
Après des études secondaires au lycée Carnot (Paris XVIIIe), il est embauché au Crédit Lyonnais en 1964. Le temps des copains. Et d’une certaine mouise aussi. C’est la vie en rosse. Farandole des repas baclés, où chaque sou est compté. Son oxygène alors, c’est la cinémathèque française. A défaut de bien se nourrir, Il dévore les films. Le voici bientôt incollable sur Fritz Lang, François Truffaut ou Kurosawa. Ce glouton de la culture, bientôt gourmet, se découvre également une passion pour la chanson. Chance : l’époque est riche de talents et ses parents encouragent cette disposition. Sa mère travaille chez Barclay et l’ado, régulièrement, se voit offrir des microsillons et quelques « billets de faveur » pour les concerts d’alors. Époque bénie où fourmillent les talents : Beatles, Brel, Becaud, Brassens, Barbara, Léo Ferré, Nino Ferrer, Jean Ferrat, etc. Aucun ne lui échappera. Il fait alors le plein d’émotions comme d’autres font le plein d’essence. Pour avancer. Ses passions artistiques balisent le chemin de sa vie. Autant de lucioles qui mettront un peu de lumière « Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle… » (Baudelaire). Longtemps après, défrichant le grenier de sa mémoire, cette époque-là fera l’objet d’un autre livre, Sixties (Edition Sabine Wespieser, 2004).
Mai 68. Manifs, colères, espoirs, utopies. Ce libertaire viscéral, antimilitariste fiévreux, rêve d'aller voir "Ce que l'homme peut-être a cru voir" (Rimbaud). Il veut voyager, découvrir le monde. Malin, il intègre Air Inter. Il tient non pas les commandes d’un avion-caravelle mais, plus modestement, celles d’un obscur guichet où il compte les billets de voyage. Mais sa position lui permet d’obtenir des tarifs réduits. Un premier tour du monde en classe éco. L’influence de ces escapades auront raison de son emploi à Air Inter. Pas question de devenir « un assis ». Ce curieux décide de vivre de sa curiosité. Il sera donc journaliste.
En 1970, il entre au Progrès de Lyon. Années décisives dans l’exercice de son nouveau métier. A Lyon, il devient l’une des plumes les plus pertinentes de la région. Ce passionné de rock, de théâtre et de chanson trouve là-bas son bonheur. Mais pas seulement : manifs, meetings, mondanités, et autres procès feront son miel. Et cette expérience fera l’objet d’un troisième ouvrage, Faits divers (Edition Sabine Wespieser, 2007).
En 1986, lorsque Le Monde ouvre un bureau à Lyon, Robert Belleret y entre. En 1997, il s'installera à Paris pour devenir grand reporter au Monde, toujours.
Sa première biographie, "Léo Ferré, une vie d'artiste" (Actes Sud, 1996), est saluée par la critique et reste un ouvrage de référence. Celui qui aime jouer avec les paradoxes écrit : « La disparition d’un artiste de la grande chanson vous laisse souvent sans voix ». Mais pas sans travail puisque quelques années plus tard, il s’attaque à une autre légende de la chanson francophone. Ce sera "Jean Ferrat, le chant d’un révolté" (Edition de l’Archipel, 2011). Cette biographie consacrée à Edith Piaf est l’un des événements de cette rentrée littéraire, cuvée 2013.