Fil d'Ariane
"Chris s'est paisiblement la nuit dernière à Phoenix, dans l'Arizona, dans les bras de sa tendre épouse Scotty" écrit sobrement le groupe dans un communiqué. Chris Squire est donc mort. Il avait révélé il y a plusieurs semaines qu'il souffrait d'une forme rare de leucémie. Le musicien suivait un traitement à Phoenix, sa ville d'adoption aux Etats-Unis. Rick Wakeman, qui fut clavier du groupe, a réagit sur tweeter :
Thanks for your life Chris. You may be gone but the music lives on for ever. You've personally left me with great memories and great music
— Rick Wakeman (@GrumpyOldRick) 29 Juin 2015
(Merci pour ta vie, Chris. Tu as peut-être disparu , mais la musique vit toujours . Tu m'as personnellement laissé de grands souvenirs et une grande musique )
Une autre légende du rock, Steve Hackett, ex guitariste du groupe Génésis a également fait part de son désarroi :
I'm gutted to hear of Chris Squire's passing... A huge talent who defined a genre and a great friend.
— Steve Hackett (@HackettOfficial) 28 Juin 2015
(je suis estomaqué d'apprendre la mort de Chris Squire. Un immense talent qui a inventé un genre et un grand ami)
Tout commence vraiment en 1967. Chris Squire, fils d'un chauffeur de taxi et d'une mère femme au foyer, rencontre le chanteur Jon Anderson dans un bar près du Marquee, la célèbre salle londonienne. Depuis deux ans, Chris Squire, natif du nord-ouest de Londres, évoluait au sein d'un groupe au succès confidentiel, The Syn. Deux singles sont parus sans rencontrer le public espéré. Cependant, le groupe de rythm'n blues peut se vanter, ce n'est pas rien, d'avoir joué en première partie d'un certain Jimmy Hendrix.
Avec Jon Anderson, la magie opère. Les deux hommes partagent une même ambition musicale : prendre de la hauteur, bouleverser les codes musicaux d'alors.
Ce sera Yes. "Oui" pour la vie pourrait-on écrire car les deux hommes ne se quitteront plus. Jon Anderson possède une voix singulière, inimitable, "cristaline" diront certains, un timbre unique, capable de jouer sur tous les octaves.
Chris Squire, déjà, est un excellent bassiste, influencé par Paul Mc Cartney, Bill Wyman, Jack Bruce et John Entwistle. Il n'a qu'une exigence, la ligne mélodique . Avec son instrument fétiche, sa guitare Rickenbacker, le musicien va bientôt jouer dans la cour des très grands.
Chris et Jon sont rejoint par Peter Banks à la guitare, Tony Kaye aux claviers et Bill Bruford à la batterie. Le groupe travaille d'arrache pied et assure la première partie du concert d’adieu de Cream au Royal Albert Hall en automne 1968. Il dira : "Motown est devenu une grande influence pour moi aussi. Il a influencé de nombreux groupes en Angleterre dans les années 60. Au moment où Yes s'est formé, en 1968, nous étions juste intéressés pour être un groupe qui portait à un haut degré la capacité instrumentale mais également la capacité vocale. Ce fut vraiment le modèle pour Yes".
Cependant, les deux premiers albums ne marchent pas.
La reconnaissance viendra en 1971 avec le "Yes Album" et, la même année, avec "Fragile". Steve Howe assure une guitare aérienne. Rick Wakeman apporte son clavier magique. Et le groupe décolle. Pendant plusieurs décennies, il va tutoyer les cîmes musicales. Le rock progressif, qui se joue du temps, va alors connaître son apogée (King Crimson, Pink Floyd...).
Autre venue, et non des moindres, le dessinateur Roger Dean, qui va signer-là sa première pochette, début d'une très longue série.
Yes : "Roundabout" (1971)
Chris Squire, géant d'1m97, peut être satisfait. Depuis sa banlieue natale à Kingsbury, le chemin vers la gloire a été long mais le voici désormais un musicien reconnu et respecté. Fini le temps où le gamin aux cheveux trop long avait été renvoyé de l'établissement. Période grise où l'ado avait profité de cette exclusion pour apprendre son instrument mais aussi expérimenter quelques (mauvais) voyages en LSD.
Peu bavard, Chris Squire avait cependant accepté en juin 2013 d'évoquer ces premières années de formation musicale : "Ce fut principalement dans l'Église d'Angleterre, à mon église locale, où je me trouvais dans le chœur. Je suis arrivé là et il y avait une très bonne formation musicale parce que nous avions un très bon chef de choeur. Il était très enthousiaste au sujet de la musique et il était jeune, et il fit beaucoup pour moi et pour les autres gars dans cette formation. (...) J'avais un copain à l'école qui était un joueur de guitare de formation classique et qui se nommait John Wheatley. Nous avons décidé de monter un groupe ensemble. Il a obtenu une guitare électrique et il m'a dit "Vous êtes grand et vous avez de grandes mains. Vous devriez jouer de la basse. "Je l'ai dit," Ok, je serai le bassiste ! ".
Les années passent. Yes s'est imposé comme une référence incontournable sur la scène rock. Son public, comme le groupe, vieillit mais les salles se remplissent toujours bien. Les mélomanes distingués côtoient de vieux soixante-huitards enthousiastes et nostalgiques. La formation ne se prive pas de jouer en accoustique . Tout cela ronronne gentiment et, dans l'esprit de nombreux critiques, Yes s'achemine doucement vers la maison de retraite mais le groupe, en 1983, va connaître un retour fracassant sur le devant de la scène avec l'album "90125". Le CD , ce nouveau format qui révolutionne l'écoute de la musique, va cartonner mondialement. En particulier,"Owner Of A Lonely Heart " un titre désormais entré dans la légende :
Une vie sans musique ? Impensable. Toujours en 2013, Chris Squire confiait : " Depuis le temps que j'ai quitté l'école, à l'âge de 16 ans, je n'ai vraiment pas fait autre chose que de la musique. En fait, je suis très chanceux. Etre capable de sortir, de jouer de la musique, c'est une bénédiction."