Fil d'Ariane
La gauche au pouvoir en Roumanie a débarqué mercredi son Premier ministre Sorin Grindeanu, devenu indésirable moins de six mois après sa nomination, sur fond de luttes de pouvoir au sein des sociaux démocrates (PSD).
Cette crise politique est analysée par de nombreux observateurs comme un coup de force du chef du PSD Liviu Dragnea pour remplacer le chef du gouvernement par un cadre du parti plus soumis.
Officiellement, M. Dragnea a affirmé mercredi vouloir "stopper un gouvernement qui n'a pas respecté le programme et les promesses de la campagne".
La motion de censure initiée par son camp a été adoptée par 241 voix sur 464 parlementaires. Dix élus ont voté contre tandis que l'opposition de centre droit s'est abstenue.
"Laisser les choses continuer de la même manière nous aurait fait aller tout droit à l'échec", a ajouté le chef des sociaux-démocrates qui avait lancé son offensive la semaine dernière en privant M. Grindeanu du soutien du parti puis en l'excluant.
Le Premier ministre a quant à lui jugé "incompréhensible" cette motion de censure contre un exécutif qui a "bien travaillé".
"Le risque existe d'un retour en arrière, à l'époque d'avant 1989", année ayant vu la chute du régime communiste de Nicolae Ceausescu, a-t-il mis en garde en référence au style autoritaire de M. Dragnea.
Le président de centre-droit Klaus Iohannis a aussitôt convoqué les partis politiques pour des consultations lundi prochain en vue de la désignation d'un nouveau Premier ministre.
Des sources au sein du PSD ont indiqué que ce parti entendait soumettre deux ou trois options à M. Iohannis.
"Tout dépend du président", écrivait le quotidien Ziarul Financiar, alors que ce dernier avait refusé en décembre une première nomination du PSD - une femme issue de la minorité musulmane.
Tout avait pourtant bien commencé entre l'homme fort des sociaux-démocrates, qui avait mené son parti vers une écrasante victoire aux législatives fin 2016, et Sorin Grindeanu, un quasi-inconnu de 43 ans dans lequel M. Dragnea avait placé sa confiance.
Lui-même avait dû renoncer à briguer le poste de Premier ministre en raison d'une condamnation à deux ans de prison avec sursis pour fraude électorale. Il est également jugé pour "abus de pouvoir" dans une affaire d'emplois fictifs.
Le désaveu de son ancien protégé serait lié, selon les analystes, aux réticences de ce dernier à soutenir un assouplissement de la législation anticorruption qui permettrait à M. Dragnea d'échapper à une nouvelle condamnation.
Une tentative de modifier le code pénal avait provoqué cet hiver une vague de manifestations populaires d'une ampleur sans précédent en Roumanie depuis la chute du régime communiste, contraignant le PSD à revoir sa copie.
Dans son discours devant le parlement mercredi, M. Dragnea a affirmé que l'un de ses objectifs était de "rétablir l'indépendance de la justice", critiquant la convocation au parquet anticorruption (DNA), ces derniers jours, de trois responsables de son parti.
La DNA qui bataille depuis plusieurs années contre les malversations politiques dans le pays, avec un certain succès, est la bête noire de Liviu Dragnea.
"M. Dragnea avait fait valoir dès le début que M. Grindeanu serait son +remplaçant+ à la tête du gouvernement et qu'il comptait sur une coordination étroite" avec lui, a indiqué à l'AFP l'analyste politique Radu Magdin.
Or "petit à petit les choses entre les deux hommes se sont détériorées", a-t-il ajouté.
Deuxième pays le plus pauvre de l'Union européenne après la Bulgarie, la Roumanie a enregistré la croissance économique la plus forte du bloc au premier trimestre, soit 5,6%.
"En théorie nous sommes le tigre économique d'Europe", a estimé M. Magdin, rappelant toutefois que la croissance avait été portée par la consommation mais que le pays avait besoin de réformes.
Cette crise politique risque de retarder une fois de plus les évolutions attendues par la Commission européenne et le Fonds monétaire international (FMI) dans les domaines de l'énergie, des transports, de la santé, de l'éducation et de la lutte contre l'évasion fiscale.
Pour rappel :
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