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Royaume-Uni : 3700 euros par mois demandés aux migrants pour rester

Depuis début avril 2016, les travailleurs britanniques étrangers non-européens sont assujettis à un seuil de revenus très élevé pour pouvoir rester sur le territoire. Une obligation légale née dans un contexte de défiance à l’égard des immigrés.
Au moins 3700 € par mois, voici ce que doivent aujourd’hui gagner les travailleurs étrangers diplômés hors Union européenne, qui résident en Grande-Bretagne depuis moins de dix ans pour pouvoir rester dans le pays. Une somme très élevée imposée par une nouvelle loi entrée en vigueur le 6 avril 2016, mais faute de quoi ils peuvent être expulsés.

Pourtant en Grande-Bretagne, le salaire moyen brut est d’à peine 2800 € mensuels. « C’est injuste. Je paie mes impôts ici, comme un citoyen britannique, regrette Kesavan Chittathur, arrivé comme étudiant en Grande-Bretagne et aujourd’hui audiologiste (spécialiste paramédical des troubles de communication humaine liés aux problèmes auditif) en hôpital public. Et à l’époque si on m’a donné ce travail, c’est parce qu’il n’y avait pas assez de Britanniques ou de ressortissants européens pour le faire. Ma contribution au Royaume-Uni ne se limite pas seulement à l’argent que je reçois et dépense, mais aussi au rôle social que j’apporte. »

Un projet qui remonte à 2011

L’idée de cette loi avait été lancée en 2011. Une pétition réclamant son retrait (lien en anglais) a été lancée début 2016 sur le site internet du Parlement, obtenant plus de 100 000 signatures. Pour ses auteurs, la loi devrait affecter 40 000 personnes vivant et travaillant en Grande-Bretagne depuis cinq ans.

« On ne peut pas extirper des être humains d’un pays dans lequel ils ont vécu de longues années, et où ils ont créé des liens familiaux, culturels, amicaux et sociaux, s’insurge Flor Tercero, avocate française en droit des étrangers. Il y a, dans un article du quotidien The Guardian, l’exemple de cette immigrée de nationalité américaine qui gagne 17 000 livres par an en Grande-Bretagne, mais qui est une haute diplômée en musique et qui a développé sa vie dans ce pays depuis l’âge de 19 ans. Comment imaginer chasser ces personnes ? Comme s'ils n’étaient que des éléments sans aucune valeur, dans le tissu social d’un pays. Même s’ils ne gagnent pas une fortune, ils créent une activité et ont une influence dans la société qui est bénéfique pour tous. »
 


C’est une mesure purement politique

Danièle Lochak, professeure de Droit public

Un coût non négligeable

Jusqu’ici, après cinq ans de présence en Grande-Bretagne, les travailleurs étrangers non-européens et diplômés pouvaient demander à « rester sur le territoire britannique de manière indéfinie » sans condition de salaire. C’est ce dernier point qui a changé depuis le 6 avril 2016 (lien en anglais). En revanche, ceux qui vivent dans le pays depuis plus de dix ans de manière légale peuvent continuer à demander à rester, explique The Guardian. Dans les deux cas, ce processus coûte environ 2400 € et peut prendre six mois.

Toujours selon le quotidien britannique, qui cite une estimation du ministère de l’Intérieur, cette mesure coûterait de 220 à 230 000 euros. Et pourrait même s’élever à plus de 980 000 euros selon d’autres organisations.

Dans tous les cas, pour Danièle Lochak, professeure de Droit public et militante des droits humains, « ce type de mesure n’est pas clair et semble inapplicable. C’est une mesure purement politique. » Flor Tercero rappelle que ce changement survient alors que la Grande-Bretagne se prépare au référendum sur le Brexit : « C’est à l’épreuve du temps que l’on verra les effets de cette mesure. Elle vise surtout à rassurer un électorat qui a totalement perdu ses repères, et chez qui on alimente la peur de l’étranger de façon à récupérer ses voix. »

« 35K » contre la loi

Des militants s’attellent aujourd’hui à faire pression sur le gouvernement pour assouplir la loi, à défaut de pouvoir la supprimer. Ainsi, la campagne « 35K » - pour « 35000 livres », le montant annuel du salaire demandé (lien en anglais) - réclame plusieurs seuils de salaire différents selon la profession exercée et la région de résidence. Pour l’heure, seules certaines professions, comme les infirmiers, sont exclues de cette réforme car étant reconnues comme étant en « pénurie » de main d’œuvre.

C’est la première fois que Danièle Lochak et Flor Tercero entendent parler d’une telle mesure. « Ce n’est pas la même logique en France même s’il existe aussi une différence de traitement, ajoute cette dernière. On accueille beaucoup plus favorablement les personnes diplômées du supérieur gagnant un salaire élevé. Mais nous n’avons pas cette législation drastique et inhumaine que la Grande-Bretagne est en train de mettre en place. »

D'autres mesures drastiques ailleurs en Europe
(Avec AFP)


Celles-ci concernent les demandeurs d'asile : le Parlement autrichien a adopté ce mercredi 27 avril 2016 un projet de loi controversé prévoyant la possibilité de décréter un « état d'urgence » migratoire, limitant drastiquement le droit d'asile sur fond de montée de l'extrême droite, dans ce pays qui a accueilli 90 000 réfugiés en 2015.

Ce texte, l'un des plus sévères d'Europe, permettra dans certaines circonstances de bloquer les migrants aux frontières sans même leur accorder la possibilité de formuler une demande d'asile. « Nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde », a expliqué le nouveau ministre de l'Intérieur Wolfgang Sobotka, assurant que le gouvernement n'agissait « pas par plaisir mais parce que d'autres pays ne font pas leur travail » en matière de contrôle des migrants.

Une telle disposition qui ne trouve d'équivalent guère qu'en Hongrie, au sein de l'U.E. et qui a été vivement combattue par les Eglises, les défenseurs des droits humains et l'opposition écologiste et libérale.