Fil d'Ariane
Selon les premiers éléments de l'enquête, le camion, découvert à Grays dans l'Essex, à environ 35 km de Londres, "est de Bulgarie". Les autorités n'ont pas donné plus de précisions sur le véhicule.
Il était entré au Royaume-Uni le 19 octobre à Holyhead, port situé sur la côte ouest de la Grande-Bretagne et desservant notamment l'Irlande.
Une enquête d'envergure est en cours pour déterminer les circonstances ayant mené à ces décès, qui ont provoqué l'indignation dans le pays et de nombreux appels à renforcer la lutte contre les filières d'immigration clandestine, qui emploient des méthodes de plus en plus risquées face au renforcement des contrôles, selon les forces de l'ordre britanniques.
Deux perquisitions ont eu lieu en Irlande du Nord dans la nuit de mercredi à jeudi, tandis que le chauffeur du camion âgé de 25 ans, originaire de cette province, était maintenu en garde à vue après avoir été arrêté dans le cadre d'une enquête pour meurtre.
Selon les médias britanniques, il s'agit de Mo Robinson, un habitant de Portadown, en Irlande du Nord, dans le comté d'Armagh. C'est dans ce comté que les perquisitions ont eu lieu.
Mercredi, la police avait été alertée peu avant 01H40 par les services de secours de la présence d'un camion contenant 39 corps sans vie dans une zone industrielle à Grays, dans l'Essex, à une trentaine de kilomètres à l'est de Londres et près du port de Purfleet, sur la Tamise.
Un chauffeur de taxi local interrogé par la BBC a raconté avoir vu des camions s'arrêter dans cette zone et débarquer des migrants. "Ils arrivent, ils ne parlent pas anglais, ils vous tendent un téléphone, vous avez quelqu'un à l'autre bout du fil qui vous demande de les amener à une adresse, généralement vers Londres", a-t-il dit.
Les forces de l'ordre, aidées par l'Agence nationale contre le crime, s'efforçaient jeudi de retracer l'itinéraire du poids lourd.
Selon la police, le conteneur est arrivé vers 00H30 mercredi (23H30 GMT mardi) à Purfleet en provenance de Zeebruges, en Belgique, tandis que le camion qui a remorqué le conteneur à son arrivée en Angleterre était parti d'Irlande du Nord.
Le parquet fédéral belge, qui a aussi ouvert une enquête, a confirmé que le conteneur était passé mardi par Zeebruges.
"Les résultats provisoires de l'enquête révèlent que le conteneur en question est arrivé à Zeebruges le (mardi) 22 octobre à 14H49 et a quitté le port le même jour dans le courant de l'après-midi pour arriver à Purfleet le 23 octobre à 01H00", a décrit jeudi le parquet dans un communiqué. "Pour le moment, on ne sait pas encore quand les victimes ont été placées dans le conteneur et si cela s'est produit en Belgique", a-t-il précisé. L'enquête se concentrera "sur les organisateurs et toutes les autres personnes impliquées dans ce transport".
Le camion était immatriculé en Bulgarie, a confirmé le Premier ministre bulgare Boyko Borissov, au nom d'une compagnie basée en Irlande du Nord. Mais il "n'est plus entré sur le territoire de notre pays depuis (2017). Il n'y a pas de lien avec nous, seulement les plaques d'immatriculation", a-t-il déclaré à la télévision locale.
D'après l'Agence nationale contre le crime (NCA), le nombre de migrants introduits clandestinement au Royaume-Uni à bord de conteneurs et de camions a augmenté ces dernières années. Dans de récents rapports, la NCA relevait "l'utilisation croissante de méthodes de plus en plus risquées d'entrée clandestine", essentiellement depuis les ports de Calais (France) et Zeebruges ou par le tunnel sous la Manche.
"La sécurité et les contrôles ont été renforcés à Douvres et Calais, il peut donc être considéré comme plus facile de partir de Cherbourg ou Roscoff vers (le port irlandais de) Rosslare, puis par la route jusqu'à Dublin", d'où partent les ferries vers Holyhead, a relevé un responsable de la fédération du transport routier d'Irlande du Nord, Seamus Leheny, cité par l'agence Press Association.
Le Premier ministre britannique Boris Johnson s'est dit "horrifié" par cet événement "tragique". "Mes pensées sont avec ceux qui ont perdu leur vie et leurs proches", a-t-il tweeté. Le dirigeant de l'opposition, Jeremy Corbyn, a qualifié le drame d'"incroyable tragédie humaine".
Selon la ministre de l'Intérieur Priti Patel, les services de l'immigration travailleront "étroitement" avec la police pour établir comment "cet événement horrible a pu se produire".
Jackie Doyle-Price, députée de la circonscription, s'est dite "écoeurée". "Le trafic d'êtres humains est un business ignoble et dangereux", a-t-elle ajouté, espérant que "ces meurtriers" soient traduits en justice.
Jointes par l'AFP, les autorités bulgares ont indiqué qu'elles attendaient de plus amples informations de la part de Londres.
Selon Gerald Tatzgern, chef de l'Office autrichien de lutte contre le trafic d'êtres humains, le nombre de migrants empruntant la "route des Balkans" est "relativement élevé" actuellement. Un drame comme celui de mercredi "est justement ce que je craignais", a-t-il déclaré.
En juin 2000, les douaniers britanniques avaient retrouvé 58 clandestins chinois qui étaient morts asphyxiés dans un camion dans le port de Douvres. Le chauffeur néerlandais a été condamné en 2002 à 14 ans de prison pour homicides involontaires trafic de clandestins.
En août 2015, 71 migrants, originaires de Syrie, d'Irak et d'Afghanistan, en route pour l'ouest de l'Europe, étaient morts dans un camion frigorifique en Autriche.
Au pic de la crise des réfugiés, le drame avait ébranlé l'opinion publique internationale.
Les victimes, qui voulaient se rendre en Allemagne, avaient été embarquées dans le sud de la Hongrie, non loin de la frontière serbe, le 26 août 2015. Entassées sur 14 mètres carrés, avec moins de 30 mètres cubes d'air pour respirer, elles avaient succombé en moins de trois heures.
Le camion avait été découvert le lendemain abandonné sur le bas-côté d'une autoroute autrichienne à la frontière hongroise.
Les quatre principaux trafiquants du réseau ont été condamnés à la prison à perpétuité par la justice hongroise.