Royaume-Uni : le scandale qui secoue, une fois de plus, les députés britanniques

Le député conservateur Malcolm Rifkind vient d’annoncer sa démission de la présidence de la commission parlementaire chargée de la sécurité. Il ne se représentera pas à son siège de député. En cause : une enquête du quotidien britannique Daily Telegraph et de la chaîne Channel 4 qui dénonce le trafic d’influence effectué par Malcolm Rifkind et le député travailliste Jack Straw. 
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Malcolm Rifkind
Lé député conservateur Malcolm Rifkind devant les médias, à Westminster, le 24 février 2015. 
© AP Photo/Kirsty Wigglesworth
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La supercherie a fonctionné et les premières conséquences du scandale surnommé « cash for access » ont été immédiates. Le député conservateur Malcolm Rifkind vient d’annoncer sa démission de la présidence de la commission parlementaire chargée de la sécurité après avoir été accusé de corruption par une enquête de médias britannique. Cette démission était « inévitable » selon Jon Henley, journaliste au Guardian. « Même s'il y a une enquête de faite, et qu’il s’avère que les deux accusés ne sont pas coupables, les dégâts au niveau de leur réputation sont énormes ».
 
Le résultat d'une enquête menée par des journalistes du Daily Telegrah et de Channel 4 et qui a été rendue publique. Elle met en cause Malcolm Rifkind et Jack Straw, deux députés et anciens ministres des Affaires étrangères. Ils sont accusés d’avoir voulu monnayer leur influence aux journalistes se faisant passer pour des représentants d’une entreprise privée chinoise.
 
M. Rifkind aurait proposé de permettre un « accès utile » à tout ambassadeur britannique dans le monde tandis que M. Straw aurait offert d’user de son influence contre une rétribution de 5 000 livres (soit 6 800 euros) par jour. Pour Jon Henley, il convient cependant de faire une différence dans le discours des deux hommes. Le journaliste du Guardian rappelle notamment que pour « Jack Straw, il n'a jamais été question d'un emploi durant son poste de député. Il parlait d'un service potentiel après le mois de mai, date des prochaines élections législatives. Riskind, lui, évoquait un emploi à temps partiel pendant son mandat », assure le journaliste britannique.
 
Les deux anciens ministres ont fermement nié avoir eu recours à un comportement inapproprié. « Rien dans la controverse actuelle à laquelle je suis associé n’est lié à mon travail en tant que président de la commission parlementaire chargée de la sécurité », a estimé Malcolm Rifkind. Cependant, pour mettre « un terme à l’incertitude », il a préféré ne pas se représenter à la fin de la mandature parlementaire. Le Parlement britannique doit être dissout le 30 mars prochain.

M. Rifkind a également été exclu du groupe parlementaire conservateur en attendant la tenue d’une commission disciplinaire au sein du parti. De son côté, Jack Straw, ancien ministre des Affaires étrangères sous Tony Blair a annoncé dès dimanche soir qu’il se retirait du groupe parlementaire travailliste.
 

Débat 

Malgré sa décision, Malcolm Rifkind a affirmé à la BBC 4 que de telles activités sont jugées « acceptables » par le Parlement et qu’il n’a « rien à se reprocher ». « Tous vos auditeurs peuvent aller sur internet consulter le registre des activités privées des députés. Ils peuvent voir chaque centime que je gagne, combien de temps il me faut pour gagner cet argent et ce que je fais en échange ».


Les députés disent qu'ils ne peuvent pas survivre avec le salaire qu'ils gagnent

Jon Henley, journaliste au Guardian

Le Parlement britannique autorise les députés à avoir des activités professionnelles privées, à condition de les déclarer et de ne pas utiliser les ressources parlementaires pour les effectuer. Mais « les règles ne sont pas très claires », souligne Jon Henley

Le débat sur les activités extra-parlementaires des députés existe depuis longtemps au Royaume-Uni. Jon Henley explique qu’il y a deux discours concernant la situation. Le premier consiste à dire que « les députés ont besoin d’être engagés dans des activités en dehors du Parlement car cela les aide à comprendre la vie extérieure, celle des "vrais gens".  Mais tant que l’on permet ce genre d’activités, il faut mettre des limites très fermes à ce qu'il est permis de faire ».
 
Le deuxième argument est celui qui exclut toute activité secondaire des députés, à condition, alors, qu’ils soient payés davantage. « Un député gagne environ 70 000 pounds (environ 95 400 euros) par an », rappelle Jon Henley. « Ce qui représente environ le salaire d’un  directeur d'une école primaire, on est très loin de celui d'un chef d'entreprise. Les députés disent qu'ils ne peuvent pas survivre avec le salaire qu'ils gagnent ». C’est donc pour cela que nombre d’entre eux arrondissent leurs fin de mois grâce au lobbying.
 

Tradition médiatique

Les pratiques douteuses de ces hommes politiques font le miel des journalistes depuis des dizaines d’années. Dans les années 1990, le Guardian avait révélé le scandale « cash for questions » démontrant qu'à plusieurs reprises, des députés avaient été payés pour poser des questions à la chambre des communes. Vingt ans après, Channel 4 diffusait dans l’émission Dispatches, des vidéos de plusieurs députés britanniques, filmés à leur insu, acceptant d’user de leur influence contre une rémunération allant de 4 000 à 7 000 euros. En 2009, le Daily Telegraph s’était également penché sur les généreuses notes de frais de députés britanniques. La publication de celles-ci avait fait un énorme scandale au sein de la classe politique au Royaume-Uni.   
 
Ce dernier scandale , qui ne fait donc pas exception dans l’histoire du Parlement britannique, intervient quatre mois avant les élections législatives prévues en mai prochain. Il terni encore un peu plus l’image des députés d’Outre-Manche. Mais selon Jon Henley, cette affaire ne va pas « changer la donne » concernant les élections. « Le public est déjà habitué à ce genre de scandale, c'est loin d'être la première fois. Cela va juste renforcer l'impression des électeurs qu'il y a plein de "pourris" à la chambre des communes ». Selon un récent sondage de Ipsos Maro, 72 % des Britanniques ne font pas confiance à leurs députés. Ce taux est en hausse par rapport à 2004 (67%) et 2006 (60 %) mais il est moins élevé qu'en 2009 après le scandale des notes de frais.