Royaume-Uni : l'Église anglicane condamne le projet de Boris Johnson d'envoyer des demandeurs d'asile au Rwanda

Les chefs spirituels de l'Église anglicane s'en sont vivement pris  à l'accord hautement controversé entre le gouvernement de Boris Johnson et Kigali pour envoyer au Rwanda les demandeurs d'asile arrivés illégalement au Royaume-Uni. Matthew Rycroft, le plus haut fonctionnaire du ministère de l'interieur évoque ses doutes sur l'éfficacité d'un tel accord. Le gouvernement britannique selon deux quotidiens de la presse outre-manche craint des actes de "muniteries" de la part de fonctionnaires refusant d'appliquer cet accord.
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ARCHEVEQUE DE CNATERBURRY
L'archevêque de Canterbury Justin Welby ce 18 octobre 2021 à Westminster. La plus haute autorité religieuse de l'Église anglicane condamne l'accord sur les demandeurs d'asile avec le Rwanda. Celui-ci est "contraire au jugement de Dieu", selon Justin Welby.
Jonathan Brady, Pool via AP
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Le sermon de Pâques de l'archevêque de Canterbury Justin Welby a été particulièrement sévère contre le gouvernement de Boris Johnson. L'accord avec le Rwanda sur les demandeurs d'asile pose de "graves questions éthiques". Le 14 avril, le Royaume-Uni a annoncé  vouloir envoyer au Rwanda les demandeurs d’asile arrivés illégalement dans le pays

L'archevêque de Canterbury est la première autorité religieuse de l'Église anglicane, religion officielle de la monarchie britannique.

Sous-traiter nos responsabilités, même à un pays qui cherche à faire le bien comme le Rwanda, est l'opposé de la nature de Dieu.Justin Welby, archevêque de Canterbury

"Le principe doit résister au jugement de Dieu et il ne le peut pas", ainsi poursuivi dans son sermon de Pâques, Justin Welby.

"Il ne peut pas porter le poids de la responsabilité nationale de notre pays formé par les valeurs chrétiennes, car sous-traiter nos responsabilités, même à un pays qui cherche à faire le bien comme le Rwanda, est l'opposé de la nature de Dieu qui lui-même a pris la responsabilité de nos échecs", a-t-il poursuivi.
 


Lire : l’accord entre le Royaume-Uni et le Rwanda est-il compatible avec le droit international ?

L'archevêque d'York Stephen Cottrell a quant à lui jugé "tellement déprimant et désolant" de "voir que les demandeurs d'asile qui fuient la guerre, la famine et l'oppression" ne "seront pas traités avec la dignité et la compassion qui sont le droit de chaque être humain". "Nous pouvons faire mieux que ça", a-t-il lancé.

Le ministère de l'Intérieur met en avant la "crise migratoire d'une ampleur sans précédent" à laquelle le monde est confronté, un porte-parole soulignant les "changements nécessaires pour empêcher les ignobles passeurs de mettre la vie de gens en danger et pour réparer notre système d'asile cassé".

Doutes du plus haut fonctionnaires du ministère de l'Intèrieur

Environ 28.500 personnes ont traversé la Manche sur de petites embarcations en 2021 - année marquée par un naufrage qui a fait au moins 27 morts - contre 8.466 l'année précédente. Depuis le début de l'année, ils sont déjà plus de 6.000.

En vertu de l'accord entre le Rwanda et le Royaume-Uni, Londres financera dans un premier temps le dispositif à hauteur de 120 millions de livres (144 millions d'euros). Le gouvernement rwandais a précisé qu'il proposerait la possibilité "de s'installer de manière permanente au Rwanda s'ils le souhaitent".

Selon un échange de lettres publié par le Home Office, le plus haut fonctionnaire du ministère, Matthew Rycroft, a souligné la veille de l'annonce de l'accord avec le Rwanda ses doutes à la fois quant à "l'effet dissuasif" attendu du dispositif et à son coût. Celui-ci demande un examen plus approfondi des conséquences de cette accord.

"Mutinerie" de fonctionnaires  ?

Ce à quoi la ministre Priti Patel a rétorqué qu'il serait à ses yeux "imprudent" de retarder une mesure qui, "pensons-nous, réduira l'immigration clandestine, sauvera des vies et en fin de compte cassera le modèle économique des bandes de passeurs".

C'est ainsi que la ministre est passée outre ces objections en ordonnant la mise en oeuvre immédiate de la mesure, via une procédure utilisée seulement pour la deuxième fois en 30 ans au ministère de l'Intérieur, selon la presse britannique.

Dès l'annonce du dispositif jeudi, le Premier ministre Boris Johnson a dit s'attendre à des recours en justice de la part d'associations.

Dans la presse samedi, tant le Guardian (gauche) que le Daily Telegraph (droite) ont évoqué le risque de "mutinerie" au sein de la fonction publique. Le secrétaire général du syndicat FDA Dave Penman met en avant la perspective que des fonctionnaires demandent à quitter le ministère de l'Intérieur ou même l'administration.
 


"Sur les politiques qui sèment le plus la division", a-t-il déclaré dans le Guardian, "le choix des fonctionnaires est de les mettre en oeuvre ou de partir".