Russie 2012 – Le bal des prétendants au Kremlin

Les Russes choisissaient leur nouveau président ce dimanche 4 mars. Avec 60% des votes, dès le premier tour, Vladimir Poutine, après un arrangement au sommet avec l'actuel chef de l'Etat Dmitri Medvedev, a retrouvé son poste quatre ans après l'avoir quitté.
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Russie 2012 – Le bal des prétendants au Kremlin
Les cinq candidats - Vladimir Poutine, Guenadi Ziouganov, Vladimir Jirinovsky, Mikhaïl Prokhorov, Sergueï Mironov -, et le président sortant Dmitri Medvedev
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Au cours d'un reportage de la chaîne France3 sur la désertification des campagnes russes - le pays est en plein déclin démographique -, une vieille "baba" répond en riant : "Mais grand dieu, pour qui d'autre que pour Vladimir Poutine, pourrais-je voter ?" Si l’on connaît à l’avance le résultat du scrutin présidentiel russe du 4 mars 2012, ce n’est pas (seulement) parce que l’administration du Kremlin mène d’une main de fer le plus grand pays du monde (neuf fuseaux horaires sur 17 millions de km2). C’est (avant tout) parce que l’opposition est éclatée, et peu portée par des idées nouvelles. Passé le moment d’étonnement consécutif aux législatives du 4 décembre 2011 et ces dizaines de milliers de citadins descendus dans les rues pour demander plus de transparence et de modernité, moins de corruption, dans la vie politique, il reste une nébuleuse de formations héritées d’un autre âge ou d’individus portés par leurs fortunes personnelles. Des leaders assez peu charismatiques Les Européens se sont émus de l’invalidation du social démocrate Grigori Iavlinsky dans la course à la présidence pour vice de forme dans les parrainages nécessaires à sa candidature (les règles pour concourir exigent ou bien d'appartenir à une formation comptant des élus à la Douma ou bien la présentation de 2 millions de signatures citoyennes). Grigori Iavlinsky, sexagénaire éminemment sympathique, est l’un des derniers survivants de la perestroïka et de la glasnost gorbatchévienne, louée à l’Ouest, mais détestée en Russie. Le rejet de la candidature d’Edouard Limonov, antihéros du très beau livre éponyme d’Emmanuel Carrère a indigné ici ou là. Mais cet écrivain, autrefois excellent, affiche un national bolchévisme qui ferait rougir de honte les plus intolérants de nos extrémistes hexagonaux.
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La Une de la Gazeta polonaise du 3 mars 2012 sur Valdimir Poutine : “Il ne peut pas s'en aller“
Les écologistes, très divisés, trouvent bien peu d’échos à travers un pays-continent qui compte encore d’immenses espaces sauvages aux côtés de régions massacrées. Quant aux « libéraux » réunis un temps derrière le calamiteux Gari Kasparov, ex champion d’échecs, mais très médiocre politicien, ils ne savent plus à quelle tête se vouer. Un désert des Tartares peuplé de chimères Et l’émouvant Mikhaïl Khodorkovsky, reclus à des milliers de kms de la capitale, peut bien écrire des essais sur la réforme russe ou accorder des entretiens à la presse de son pays et d’ailleurs, sa voix ne porte pas plus loin que les barbelés qui entourent son camp. L’ancien magnat du pétrole reçoit chez lui le même accueil que les aristocrates russes du 19ème siècle, déterminés à aller au peuple et à le sauver – c’est à dire une fin de non recevoir. Durant ces deux mois de mobilisation fébrile et tous azimuts, les partisans du régime en place ayant contremanifesté eux aussi avec abondance, il suffisait à Vladimir Poutine de contempler les disputes homériques entres fractions aux antipodes ou d’écouter leurs échanges souvent peu amènes, pour savoir qu’il risquait peu à organiser un vote dans la transparence, au terme duquel il était assuré d’être élu, au 1er ou au 2ème tour. Mais l’ex président, ex Premier ministre, et futur président devra se réinventer pour satisfaire une population qui a commencé, quoique de façon très inégalitaire, à goûter aux fruits de la croissance et à un bien être à l’américaine fait de voitures et de biens de consommation. La manne pétrolière n’est plus aussi éternelle qu’elle semblait l’être. Et la crise n’a pas épargné cette grande puissance du club des pays émergents, le BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), même si sa croissance économique continue à flirter avec les 4%. Ils ne sont donc que quatre, et seulement des hommes dans la virile patrie de Vladimir Poutine, à avoir été admis à défier celui qui règne sur la Russie depuis plus de quinze ans. Galerie de portraits :

Vladimir Poutine

au service des services

Rien ne permettait de penser qu'en 1999 cet élément zélé du KGB devenu le FSB serait nommé par le président Eltsine à la tête du gouvernement russe. Depuis, ce natif de Leningrad/Saint-Petersbourg n'a plus quitté le devant de la scène politique russe. Les citoyens de ce pays lui reconnaissent d'avoir replacer leur État au coeur de la politique internationale et d'avoir encadré les oligarques. Mais la classe moyenne est fatiguée de son omniprésence, la presse lui reproche son interventionnisme, et des interrogations se font jour sur l'accumulation de sa fortune personnelle.

Guennadi Ziouganov

l’indéboulonnable apparatchik

Loin d'être à une contradiction près, ce nostalgique de 67 ans se réclame de Staline tout en priant devant les icônes de l'église orthodoxe. Depuis la fin de l'Urss, il joue le rôle de l'éternel second, et le Parti communiste reste la principale formation d'opposition en Russie. Depuis quelques années, les Communistes ne rassemblent plus seulement des retraités ou de vieux laissés pour compte. Des jeunes en déshérence ont rejoint leurs rangs, et ont manifesté après les élections du 4 décembre à la Douma, pour en dénoncer les fraudes. 

Vladimir Jirinovski

le clown ultranationaliste et antisémite

Apparu dans les clubs informels, groupes politiques nés après 1985 aux temps de la Glasnost et de la Perestroïka, Vladimir Jirinovski s'est assigné un rôle de bouffon à la tête du Parti libéral démocrate (qu'il avait fondé en 1989), et qui n'offre rien de démocrate ou libéral dans ses idées ou sa plateforme. Ultra nationaliste et antisémite, Vladimir Jirinovsky aimait à s'afficher aux côtés des dictateurs défunts tels Saddam Hussein ou Mouammar Kadhafi et aujourd'hui toujours auprès de son ami Jean Marie Le Pen. 

Mikhaïl Prokhorov

le géant milliardaire

À 46 ans, ce déjà très grand homme (2m04) est aussi l’une des plus grandes fortunes du monde (la 32ème) et la troisième de Russie selon le magazine Forbes, dédié aux riches. Son pactole constitué dans les filières de métaux précieux (nickel, or, etc) est estimé à plus de 18 milliards de dollars. Et comme un autre des ces oligarques, un certain Mikhaïl Khodorkovsky avant lui, il a décidé de se lancer en politique, après avoir fait ses armes dans le sport – il est propriétaire de l’équipe de basket New Jersey Nets. Il est le candidat des citadins, un peu bobos, et affiche comme priorité l'intégration à l'Union européenne.

Sergueï Mironov

l’égaré du centre

Sergueï Mironov est sans doute l'opposant le plus présentable de cette présidentielle 2012. Vrai centriste, 59 ans, barbichette impeccable, il a présidé le Conseil de la Fédération de Russie pendant dix ans avent d'en être écarté l'an passé, parce qu'il n'était plus assez docile. Son parti Russie juste met en avant les valeurs de la démocratie parlementaire et des réformes tous azimuts, mais critique avec beaucoup de mesure les dirigeants actuels (et futurs) du Kremlin.

Dmitri Medvedev

la voix de son maître

Certains avaient cru voir en ce jeune vice premier ministre propulsé président en 2008 un renouveau, sinon de la politique russe, du moins de sa méthode. Et effectivement durant les quatre ans de sa présidence, Dmitri Medvedev aura modernisé sa fonction en... twittant et en bloguant à toute heure du jour et de la nuit. Pour le reste le président sortant et futur Premier ministre, comme l'a confirmé le futur chef de l'Etat Vladimir Poutine, sera resté dans l'ombre de celui qui l'avait amené à la lumière, et aura bien déçu les espoirs de démocratisation dont il se voulait porteur.

“Une opposition encore trop peu structurée“, selon Andreï Gratchev

“Mais il faudra voir ce que sera le jour d'après victoire“ analyse l'ancien porte parole de Mikhaïl Gorbatchev et correspondant à Paris du journal d'opposition Novaïa Gazeta

04.03.2012
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