Russie : des mobilisés pas ou peu formés ni équipés expriment leur mécontentement

Depuis le 21 septembre dernier, 222 000 Russes auraient été mobilisés, selon Vladimir Poutine. Des vidéos se multiplient sur les réseaux sociaux, montrant certains nouveaux soldats se plaindre d'une formation "nulle", d'être sous-équipés, de conditions de vie parfois déplorables et d'"humiliations" de la part de supérieurs. 
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Des soldats russes tout juste mobilisés, démunis, à la gare de Belgorod. Capture d'écran/Youtube
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C’est le ministère de la Défense britannique qui dans un rapport sorti le 15 octobre, parle d’une « quantité moyenne d'équipement personnel (…) certainement presque inférieure à celle, déjà médiocre, des troupes précédemment déployées ». Moscou ne fournirait que le minimum en terme d'équipement à ses nouvelles recrues.

De nombreux réservistes sont probablement tenus d'acheter leur propre équipement, en particulier le gilet pare-balles moderne 6B45, qui est censé être distribué aux unités de combat dans le cadre du programme Ratnik », peut-on encore lire dans le compte-rendu. Le programme Ratnik est un équipement dont la connectivité et l’efficacité doivent permettre au soldat d’améliorer ses performances, notamment grâce à un casque audio spécial, ou encore grâce à une vision thermique et vision nocturne monoculaire.

Via des dizaines de vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, des mobilisés russes se plaignent de leur équipement et de leur maigre formation. Dans une vidéo datée du 5 octobre et publiée sur le site Theinsider, des mobilisés de la région de Belgorod, au sud de la Russie, font part de leur mécontentement : « la formation est nulle », ou encore, « nous sommes obligés d’acheter notre propre nourriture ».

Les soldats déclarent aussi être l’objet d’humiliations de la part d’officiers. Dans cette même vidéo, des mobilisés crient avoir vécu en extérieur pendant plusieurs jours et être tombés malades. 

Ces deux dernières semaines, des vidéos montrant là où dorment les soldats, à même le sol, dans des tentes ou bâtiments délabrés, se multiplient. 

Vidéo non authentifiée : 

Dans une autre vidéo, une femme demande aux nouveaux mobilisés de se procurer sac de couchage, trousse de secours, médicaments et tampons hygiéniques pour boucher les plaies causées par les balles. Un homme lui objecte que les trousses de secours sont introuvables en pharmacie. « Tout ce que l'armée vous fournit, c'est un uniforme et une arme, c’est tout », dit aux hommes l’instructrice. 

Des Républiques russes plus mobilisées que d’autres ? 

Depuis le début du conflit, les hommes de la République du Daguestan, à majorité musulmane, ont été particulièrement mobilisés. Cette république caucasienne présente l’une des plus fortes proportion d’hommes des forces russes tués au combat, selon les avis de décès publiés sur les réseaux sociaux et rassemblés par des médias russes indépendants. Depuis l’annonce de la mobilisation du 21 septembre, des critiques accusent Moscou de mobiliser en priorité des hommes provenant de régions et républiques pauvres et reculées de la Fédération de Russie. Au Daguestan, une manifestation éclatait le 26 septembre dernier pour protester contre la mobilisation générale. Plus de 101 personnes ont été arrêtées à Makhachkala, la capitale de la région. 

La Russie reconnaît la mort de soldats russes mobilisés 

Cinq Russes enrôlés pour aller combattre en Ukraine seraient morts après avoir rejoint l’armée, ont indiqué le 13 octobre dernier les autorités russes, sans pour autant préciser le lieu et les causes des décès. Les cinq hommes provenaient de la région pauvre et industrielle de Sibérie occidentale. Les autorités ont déclaré fournir aux familles concernées 16 000 euros pour chaque défunt. 

Le 12 octobre, le député russe Maxime Ivanov affirmait la mort par « overdose » de drogue d’un mobilisé provenant de la région de Tcheliabinsk, alors qu’il était en formation pour aller combattre. 

Des témoignages similaires se multiplient dans la presse et via des responsables locaux, notamment dans l’Oural et en Sibérie. Le 3 octobre, le même député parlait de trois mobilisés décédés sur une base militaire dans la région de Sverdlovsk. Selon Maxime Ivanov, ces morts étaient dues à une crise cardiaque, un suicide et une cirrhose liée à l’ingestion d’alcool après que le mobilisé soit renvoyé chez lui.

Les autorités russes ont reconnu des « erreurs » dans leur sélection des mobilisés, avec des cas malades ou encore des hommes ayant dépassé l’âge réglementaire pour servir dans l’armée. Dans la région de Volgograd, un militaire à la retraite de 63 ans, souffrant d'un diabète lourd et de problèmes cérébraux, aurait notamment été renvoyé du centre d'entraînement où il avait été convoqué, selon les autorités.

"Des cas impropres de mobilisation (...) suscitent des discussions animées dans la société et sur les réseaux sociaux", déplorait dans un communiqué fin septembre la présidente de la chambre haute du Parlement, Valentina Matvienko.

"Certains jugent, semble-t-il, qu'il est plus important de présenter leur rapport rapidement que de remplir correctement une mission importante pour l'Etat. De tels excès sont absolument inacceptables", ajoutait-elle. 

Pas d’élargissement de la mobilisation, selon Vladimir Poutine 

Le 14 octobre, lors d’une conférence de presse, le président russe Vladimir Poutine a assuré ne pas prévoir d’élargir la mobilisation « partielle » annoncée il y a trois semaines. 222 000 auraient été recrutés jusqu’à présent.

"Rien d'autre n'est prévu. Aucune proposition n'a été reçue du ministère de la Défense et je n'en vois pas la nécessité dans un avenir prévisible", a déclaré M. Poutine, ajoutant prévoir la fin de la mobilisation "dans deux semaines". Il a admis que celle-ci avait connu des ratés.

(Re)voir : Russie : la mobilisation est un fiasco

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De nombreux Russes tentent de fuir la mobilisation

En Russie, de nombreux Russes tentent de fuir la mobilisation. Certains tentent de faire valoir leurs origines juives pour partir en Israël. Au cours des cinq premiers mois du conflit, les demandes d'immigration depuis l'Ukraine et la Russie ont triplé, selon le Bureau central des statistiques d'Israël, qui a comptabilisé 20.000 arrivants de Russie et plus de 12.000 d'Ukraine.

Près de 53.000 ressortissants russes sont entrés dans l'UE entre le 26 septembre et le 2 octobre, dont 29.000 par la Finlande, 8.877 par l'Estonie et 8.536 par la Pologne via l'Ukraine, selon l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex).

Le Kazakhstan a annoncé mardi que plus de 200.000 Russes avaient passé sa frontière en deux semaines. La Géorgie et l'Arménie sont aussi des points de passages ou des destinations pour les Russes fuyant la mobilisation. 

"Les restrictions en matière de politique de visas côté européen et les mesures prises par la Russie pour décourager les hommes mobilisés qui veulent quitter leur pays devraient limiter de plus en plus l'arrivée de citoyens russes dans l'UE", a expliqué Frontex.

La Pologne et les pays baltes ont imposé des limitations draconiennes aux Russes dans le cadre des sanctions décidées cette année après l'invasion de l'Ukraine par la Russie. La Commission européenne a invité le 30 septembre les Etats membres à être plus restrictifs dans l'octroi des visas aux Russes et dans les contrôles aux frontières.

(Re)voir : Les Russes candidats à l'exil sur les traces de leurs origines juives

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Une fusillade sur un terrain militaire russe fait 11 morts 

Samedi 15 octobre, sur un terrain militaire russe, dans la région de Belgorod, 11 personnes sont mortes et 15 autres ont été blessées dans une fusillade. "Le 15 octobre, sur un terrain d'entraînement du district militaire Ouest, dans la région de Belgorod, deux citoyens originaires d'un pays de la CEI ont commis un attentat", a indiqué le ministère russe de la Défense. Une référence à la Communauté des Etats Indépendants, une alliance de plusieurs ex-républiques soviétiques.


Cette fusillade intervient en même temps que des revers de l'armée russe sur le front ukrainien et que des bombardements ukrainiens se multipliant sur la région de Belgorod.

Ces dernières années, des incidents armés ont déjà eu lieu dans des casernes du pays, sur fond de bizutages, un problème qui mine depuis longtemps l'armée russe.

Des bizutages parfois très violents qui sont régulièrement la cause de suicides ou de meurtres. En novembre 2020, un conscrit de 20 ans servant sur une base aérienne près de Voronej avait tué à la hache un officier, s'était emparé de son arme de service pour tuer deux autres militaires. En octobre 2019, un jeune homme de 19 ans avait lui ouvert le feu alors qu'il prenait son tour de garde dans sa base militaire de Sibérie, tuant huit camarades dont deux officiers.

Quelques semaines plus tard, il avait décrit dans une lettre son "enfer" et expliqué qu'il subissait des sévices réguliers.