Fil d'Ariane
Malgré l’instauration d’un dialogue intensif entre la Russie et les États-Unis, qui s’est aussi élargi à l’OTAN et les Européens, aucun signe ne montre qu’une désescalade sur la crise ukrainienne est à l’horizon. Au contraire, la situation semble s’envenimer, alors que les discussions se poursuivent. Tour d'horizon.
Plus d'une semaine après la reprise du dialogue entre Moscou et Washington à Genève le 11 janvier, les négociations patinent sur la crise en Ukraine, théâtre d'une guerre entre Kiev et des séparatistes pro-russes du Donbass à l'est depuis 2014. Depuis cette date, la Russsie a annexé la Crimée, la péninsule ukrainienne sur la Mer Noire. Entre Russes et Américains, chacun campe sur ses positions. La Russie veut des garanties sur sa sécurité avant d’entamer toute désescalade. Elle souhaite notamment que l’Otan s’engage à ne plus s’élargir, notamment avec l’Ukraine, qui a exprimé sa volonté d’intégrer l’Otan. « Nous attendons les réponses qu'on nous a promises à ces propositions afin de poursuivre les négociations », a déclaré le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov.
(Re)voir : L'Ukraine fera-t-elle un jour partie de l'Otan ?De leur côté, les États-Unis expriment leur volonté de trouver une issue « démocratique » au conflit. Cependant, le porte-parole de la Maison Blanche Jen Psaki qualifie la situation d’« extrêmement dangereuse » et estime que « la Russie peut lancer à tout moment une attaque en Ukraine. » Pour rappel, près de 100 000 soldats russes sont déployés dans le sud-ouest de la Russie à la frontière ukrainienne.
Dans ce contexte, les États-Unis promettent d’offrir de l’aide militaire à l’Ukraine si une invasion russe survenait. L’administration américaine de Joe Biden avait déjà fourni 450 millions de dollars à l’Ukraine à ce titre. Lors d'une visite à Kiev, le 19 janvier, le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a annoncé que les Etats-Unis débloquent 200 millions de dollars supplémentaires d’aide sécuritaire, sans en préciser la nature. Le président ukrainien a d’ailleurs remercié Washington pour son « aide en ces temps difficiles ».
(Re)voir : Ukraine : les Etats-Unis débloquent 200 millions d'euros pour Kiev
Les États-Unis ne sont pas les seuls à prêter main forte à l’Ukraine si jamais elle venait à être envahie par les soldats russes. Le 17 janvier, le ministre de La Défense britannique Ben Wallace a confirmé qu’il procurerait des armes antichar légères aux forces ukrainiennes, afin qu’elles puissent se défendre. Il a assuré qu’il ne s’agissait pas « d’armes stratégiques et elles ne constituent pas une menace pour la Russie. »
Cependant, ces aides militaires ne vont pas dans le sens de la Russie. Vladimir Poutine accuse les Occidentaux d’exacerber les tensions « en livrant des armes modernes à Kiev ».
Alors que la menace d'une invasion de l’Ukraine par la Russie plane au-dessus des discussions comme une épée de Damoclès, l’activité diplomatique autour de ce conflit s’intensifie. Le chef de la diplomatie américaine se rendra le 20 janvier à Berlin pour des discussions avec l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni. Le 21 janvier, il rencontrera son homologue russe Sergueï Lavrov à Genève. Une discussion qui aura pour but de tenter de trouver une « porte de sortie diplomatique. »
Dans son discours au Parlement européen de ce 19 janvier, le président français Emmanuel Macron a exprimé le souhait de voir « un nouvel ordre de sécurité » construit par l’Europe avec l'Otan face à la Russie et a plaidé pour « un dialogue franc et exigeant » avec Moscou.
(Re)voir : Bruxelles : le conseil OTAN-Russie se réunit sur la crise ukrainienneLa veille, le secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg a indiqué avoir invité la Russie et les Alliés de l’Otan à de nouvelles discussions sur l’Ukraine, afin de « répondre à nos préoccupations, mais aussi d'écouter les préoccupations de la Russie » et « de trouver une voie à suivre pour empêcher toute attaque militaire contre l'Ukraine », a expliqué le secrétaire général.
La Russie devrait réexaminer la situation mondiale et sa propre situation avant de franchir cette étape.Recep Tayyip Erdogan, président de la Turquie
Par ailleurs, le président turc Recep Tayyip Erdogan - dont le pays est membre de l'Otan - a exhorté la Russie à ne pas envahir l’Ukraine. Lors d’une visite officielle en Albanie, il a déclaré aux journalistes que « la Russie devrait réexaminer la situation mondiale et sa propre situation avant de franchir cette étape ». Selon lui, la potentialité de cette invasion n’est pas une approche réaliste « car l'Ukraine n'est pas un pays ordinaire. L'Ukraine est un pays fort. » Il doit effectuer une visite en Ukraine « dans les prochaines semaines » pour tenter d’apaiser les tensions.
(Re)voir : Otan : la Russie campe sur ses positionsLa cheffe de la diplomatie canadienne Mélanie Joly a également formulé une mise en garde contre Moscou lors d’un déplacement à Kiev le 18 janvier. Elle juge « inacceptable » le déploiement de troupes russes à la frontière ukrainienne et une invasion aurait des « conséquences. »
Un nouvel élément vient s'ajouter dans cette configuration : l'annonce le 18 janvier par la Biélorussie, alliée de Moscou, de l’arrivée d’un nombre indéterminé de soldats russes pour des exercices « de préparation au combat. » Le ministère de La Défense a précisé qu’il s’agissait de manœuvres russo-biélorusses « impromptues », mais ne considère pas cela comme une menace.
En revanche, ce déploiement inquiète fortement les États-Unis. Une diplomate américaine estime que le moment choisi pour cet exercice est « notable et fait craindre que la Russie puisse stationner des troupes au Bélarus en prétextant des exercices militaires dans le but, potentiellement, d'attaquer l'Ukraine. » Par ailleurs, elle souligne qu’un « exercice normal doit être notifié 42 jours à l’avance, quand il s’agit de 9 000 soldats. Pour 13 000, il faut normalement des observateurs étrangers ». Dans le cas de figure actuel, ce n’est pas ce qui est mis en place. Les premières manœuvres doivent se dérouler d’ici le 9 février. En revanche, le nombre exact de soldats est inconnu.
Ces changements constitutionnels pourraient indiquer que la Biélorussie prévoit de permettre à des forces nucléaires et conventionnelles d'être stationnées sur son territoire.Une diplomate américaine
La diplomate américaine juge que la Russie exploite les « faiblesses » du président biélorusse Alexandre Loukachenko. Ce dernier a d’ailleurs prévu de faire adopter des réformes constitutionnelles au cours d’un référendum, prévu pour le mois de février. Selon la diplomate américaine, « ces changements constitutionnels pourraient indiquer que la Biélorussie prévoit de permettre à des forces nucléaires et conventionnelles d'être stationnées sur son territoire. »