Fil d'Ariane
Russes et Américains ont entamé lundi des pourparlers tendus et à l'issue très incertaine, couvrant aussi bien le risque d'une invasion russe de l'Ukraine que l'architecture sécuritaire européenne que Moscou veut redessiner en faisant reculer l'Otan.
Cette réunion a débuté à 08H55 (07H55 GMT) à Genève avec les vice-ministres des Affaires étrangères des deux pays, Wendy Sherman et Sergueï Riabkov.
Le ton employé par le représentant russe après un dîner dimanche soir entre les deux négociateurs laisse présager d'âpres échanges, aucun côté ne donnant de signe de compromis.
(Re)lire : Sécurité européenne : l'OTAN toujours vivante, toujours clivante
Pour Moscou, la revendication clé est l'obtention de garanties de sécurité, via des traités, impliquant l'interdiction de tout élargissement futur de l'Otan, en particulier à l'Ukraine.
"Je suis plutôt pessimiste en ce qui concerne les pronostics sur cette question, mais nous allons expliquer avec insistance que sans règlement de cette question clé il ne peut y avoir de dialogue constructif", a dit M. Riabkov à l'agence Ria Novosti.
Ukraine : le sommet à Genève arrêtera-t-il l'escalade ?
A l'inverse, durant leur dîner de travail, Wendy Sherman a souligné que les Etats-Unis restaient fidèles "aux principes internationaux de souveraineté, d'intégrité territoriale, et à la liberté des pays souverains de choisir leurs propres alliances", selon le département d'Etat.
« Nous n’accepterons aucune concession, cela est complètement exclu », avait déclaré plus tôt le vice-ministre russe, Sergueï Riabkov. Dimanche 9 janvier, la Russie a donc exclu de faire des concessions lors des pourparlers avec les États-Unis, prévus dès ce 9 janvier à Genève sur la question de l’Ukraine et de la sécurité en Europe.
Ukraine : des négociations russo-américaines tendues
« Nous sommes déçus des signaux venant ces derniers jours de Washington, mais aussi de Bruxelles », a ajouté le vice-ministre russe. En guise de réponse, le secrétaire d'État américain Antony Blinken a averti la Russie d'un risque de « confrontation » avant le début de pourparlers sous haute tension à Genève sur la situation en Ukraine. « Il y a une voie de dialogue et de diplomatie pour essayer de résoudre certains de ces différends et éviter la confrontation », a déclaré Antony Blinken sur CNN.
« L'autre voie est celle de la confrontation et de conséquences massives pour la Russie si elle renouvelle son agression de l'Ukraine. Nous sommes sur le point de voir quelle voie le président Poutine est prêt à emprunter », a jugé le secrétaire d'État. Quelques heures plus tôt, un haut responsable des États-Unis a déclaré qu’ils étaient prêts à discuter de la possibilité de restreindre les activités militaires dans la région. Il a toutefois précisé qu’ils ne sont pas prêts à discuter des limites du déploiement des troupes américaines dans la région.
Toutefois, les Américains ont déjà envisagé plusieurs sanctions si les Russes venaient à envahir l'Ukraine. Détaillées dans le New York Times, elles prévoient une série de mesure pour affaiblir l'économie russe. Parmi elles, une isolation des grandes insitutions financières ou l'empêchement d'une entrée en fonction du gazoduc Nord-Stream 2. Est aussi envisagé le gel des exportations de produits américains très utilisés dans les industries russes. Par ailleurs, si la Russie venait à envahir l'Ukraine, les Américains pourraient fournir des armes à l'Ukraine.
La rencontre entre Moscou et Washington a pour objectif de tenter de désamorcer la crise explosive qui se joue autour de l’Ukraine. Le 1er avril 2021, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a accusé la Russie de masser des dizaines de milliers de soldats aux frontières de son pays, ce à quoi la Russie a répondu qu’elle déplaçait ses soldats comme elle l’entendait. Le président américain Joe Biden a immédiatement apporté son soutien à son homologue ukrainien.
Volodymyr Zelensky a également appelé à une adhésion accélérée de son pays à l’OTAN, l’alliance atlantique. S’en sont suivi plusieurs mois d’accrochages entre le Kremlin et les pays occidentaux. Le 28 novembre, l’Ukraine a assuré que la Russie avait massé près de 92 000 soldats à ses frontières et qu’elle prévoyait une offensive dans l’hiver. Une affirmation ensuite démentie par Moscou. Le 1er décembre, c’est au tour des autorités russes d’accuser l’Ukraine de masser ses troupes à la frontière. Le Kremlin a exigé des « garanties juridiques » contre l’extension de l’OTAN, que l’Ukraine a catégoriquement refusé.
Fin décembre, après des discussions, Russie et États-Unis conviennent de pourparlers sur la sécurité en Europe. Pour Biden, tout progrès diplomatique doit passer par une « désescalade » en Ukraine. Le chef de la diplomatie américaine est optimiste et promet qu’il n’y aura « pas de discussions sur l’Ukraine sans l’Ukraine. »
Au-delà de la question ukrainienne, cela permettrait peut-être aussi aux deux pays de rapprocher leurs visions sur la sécurité en Europe, en apparence inconciliables. Les pourparlers de Genève seront ensuite suivis le 12 janvier d’une rencontre entre la Russie et l’OTAN, puis d’une réunion dans le cadre de l’OSCE le lendemain.