Fil d'Ariane
Les proches d'Alexeï Navalny ont demandé samedi à ce que la dépouille de l'opposant russe leur soit remise "immédiatement", les autorités se murant dans le silence sur sa mort, sauf pour rejeter les accusations de l'Occident, qui juge le président Vladimir Poutine responsable de ce décès.
Une femme touche une photo d'Alexei Navalny après avoir déposé des fleurs pour lui rendre un dernier hommage au Mémorial des victimes de la répression politique à Saint-Pétersbourg, en Russie, le samedi 17 février 2024.
L'opposant est mort vendredi à 47 ans, dans une prison de l'Arctique russe. "Un employé de la colonie (pénitentiaire) a déclaré que le corps d'Alexeï Navalny se trouvait à Salekhard", ville de la région où se situait sa prison, et avait été emporté par des "enquêteurs" pour analyse, a indiqué la porte-parole de l'opposant, Kira Iarmich.
"Nous demandons à ce que le corps d'Alexeï Navalny soit immédiatement remis à sa famille", a-t-elle ajouté.
La porte-parole a indiqué dans une vidéo en ligne que la mère de l'opposant, Lioudmila Navalnaïa, s'était rendue samedi, avec un avocat, dans la colonie pénitentiaire IK-3 dans la région arctique de Iamal et qu'un "document officiel" lui avait été remis confirmant le décès.
(Re)voir → Russie : mort de l'opposant russe Alexeï Navalny
"Alexeï Navalny a été tué", a indiqué Mme Iarmich qui s'est exilée, comme foule d'opposants, pour échapper à la prison. "Sa mort est intervenue le 16 février à 14H17 locales (09H17 GMT), selon le document officiel remis à la mère d'Alexeï", a-t-elle ajouté.
Selon elle, la mère du défunt et l'avocat sont arrivés dans la prison à 11H00 samedi (06H00 GMT), mais ont dû attendre deux heures avant d'être reçus.
Il n'est pas possible de savoir quand la dépouille d'Alexeï Navalny sera remise à ses proches, ni quand et où pourrait avoir lieu son enterrement, alors que les autorités sont sur le qui-vive et ont mis en garde contre tout rassemblement.
Les autorités carcérales russes avaient annoncé vendredi, par un communiqué lapidaire, que le célèbre militant, emprisonné depuis trois ans, était mort dans la colonie pénitentiaire où il purgeait une peine de 19 ans de détention.
L'homme de 47 ans, à la santé fragilisée par un empoisonnement et son emprisonnement, se serait "senti mal après une promenade" et aurait "perdu connaissance", ont-elles expliqué. Elles ont assuré que tout avait été fait pour le réanimer et que les causes du décès étaient "en train d'être établies". Les proches de l'opposant accusent le Kremlin de mentir sur les circonstances de son décès et de tout faire pour retarder la remise de sa dépouille.
Jeudi, l'opposant avait participé par vidéo à deux audiences devant un tribunal de la région de Vladimir et ne s'était pas plaint de sa santé, d'après l'agence de presse d’État Ria Novosti.
Sa mère a déclaré avoir vu son fils lundi "en bonne santé et d'humeur joyeuse", dans un message sur Facebook cité par le journal indépendant Novaïa Gazeta. Sa disparition prive de sa figure de proue une opposition exsangue après des années de répression.
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Vladimir Poutine n'a pas dit un mot sur la disparition de cette personnalité politique majeure. Ce décès intervient en outre à un mois de la présidentielle prévue du 15 au 17 mars prochain et qui doit voir le maître du Kremlin reconduit, en l'absence de toute opposition, celle-ci ayant été décimée par la répression, en particulier depuis le début de l'assaut russe contre l'Ukraine il y a deux ans.
Les pays occidentaux, eux, ont dénoncé d'une même voix la "responsabilité" du régime russe. Le président américain Joe Biden, "scandalisé", a accusé son homologue russe d'être "responsable". Un message martelé par tous les dirigeants occidentaux.
Autant d'accusations que le Kremlin a jugées vendredi "absolument inacceptables". Mais Vladimir Poutine reste lui silencieux.
Alliée du Kremlin, le ministère chinois des Affaires étrangères, en revanche, n'a pas souhaité commenter cette "affaire interne à la Russie".
Si les autorités russes sont silencieuses sur les circonstances de la mort de l'opposant et que les médias d'Etat n'évoquent qu'à peine son décès, elles ont en revanche mis en garde la population contre toute manifestation.
Malgré des arrestations, comme vendredi soir, des Russes défilaient samedi en petit nombre dans plusieurs villes pour déposer des fleurs notamment sur des monuments à la mémoire des dissidents victimes des répressions politiques à l'époque soviétique.
Au total, au moins 212 personnes ont été interpellées lors de rassemblements dans plus d'une douzaine de villes, a annoncé samedi l'ONG spécialisée OVD-Info.
Samedi à la mi-journée, une quinzaine de Moscovites ont été arrêtés par la police lors d'un rassemblement au pied d'un monument à la mémoire des répressions soviétiques, a indiqué le média indépendant russe Sota.
Peu après, des journalistes de l'AFP y ont été témoins d'une nouvelle arrestation. Mais en début d'après-midi, les badauds pouvaient, sous haute surveillance policière, de nouveau approcher le monument en y déposant fleurs et messages.
(Re)voir → Russie : la mort d'Alexeï Navalny fait réagir
"N'abandonnez pas !", "Nous n'oublierons jamais, nous nous rendrons jamais, la Russie sera libre", pouvait-on lire sur les feuilles de papiers essaimées parmi les fleurs au pied du "mur de deuil" près de l'avenue Sakharov, traditionnel lieu de rassemblements de l'opposition et artère portant le nom d'un célèbre dissident soviétique.
Les agences d’État russe n'ont pas couvert ces rassemblements, se contentant de rapporter certaines des réactions officielles à la mort d'Alexeï Navalny.
De l'Europe aux États-Unis, des centaines de personnes se sont également rassemblées vendredi soir pour rendre hommage à l'opposant politique, comme à Varsovie où des manifestants, majoritairement jeunes et pour beaucoup bouleversés, ont scandé "Poutine, assassin".
La prison n'avait pas entamé la détermination d'Alexeï Navalny. Au cours des audiences de ses procès et dans des messages diffusés par l'intermédiaire de son équipe, il n'a jamais cessé de conspuer Vladimir Poutine.
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Dans son procès pour "extrémisme", il avait fustigé "la guerre la plus stupide et la plus insensée du XXIe siècle", évoquant l'offensive russe contre l'Ukraine débutée le 24 février 2022.
Et dans un message le 1er février diffusé par son équipe, l'opposant avait appelé à des manifestations partout en Russie pendant l'élection présidentielle.
Nombre d'opposants ont été emprisonnés ou poussés à l'exil ces dernières années et la répression s'est encore accrue depuis 2022.
L'un des plus connus est Vladimir Kara-Mourza, empoisonné à deux reprises, qui purge une peine de 25 ans de privation de liberté. Il souffre de graves problèmes de santé en détention.
D'autres détracteurs de M. Poutine ont été assassinés, comme Boris Nemtsov, tué par balle près du Kremlin en février 2015.