Fil d'Ariane
Dès les premiers jours du conflit, l'ex-armée soviétique a démontré de grandes difficultés à coordonner ses unités et ses armées (Terre, Air, Mer) et à déployer la logistique matérielle essentielle à la conduite des combats.
Idem pour la circulation des ordres de l'état-major vers le terrain, ou la remontée des informations dans l'autre sens. Or, mobiliser 300.000 hommes obligera précisément l'armée russe à d'immenses efforts dans ces domaines là.
Il n'y a pas beaucoup d'uniformes d'hiver, d'équipements médicaux et de rations. Et l'encadrement semble approximatif: "comment vont-ils mobiliser officiers et sous-officiers pour cette force ?
James Rand, analyste pour l'agence britannique privée de renseignement militaire Janes.
Certains observateurs relèvent que des réservistes pourront être envoyés rapidement pour compléter des unités partiellement détruites et effectuer des tâches simples comme conduire des camions ou faire des patrouilles de surveillance. En revanche, former un soldat - et s'assurer de sa motivation - pour monter à l'assaut est bien plus complexe. Surtout si son équipement est basique
"Il n'y a pas beaucoup d'uniformes d'hiver, d'équipements médicaux et de rations", énumère James Rand. Et l'encadrement semble approximatif: "comment vont-ils mobiliser officiers et sous-officiers pour cette force ?" s'interroge-t-il, citant aussi quelques fonctions majeures indispensables comme les agents de reconnaissance ou les artilleurs.
Lire : Russie-Ukraine : de quoi est constitué l'arsenal nucléaire russe ?
De fait, la mobilisation décrétée mercredi souligne autant une volonté de monter en puissance que de combler des faiblesses. "L'armée russe est défaite militairement", tranche l'historien militaire français Cédric Mas sur Twitter. "Mais la Russie a plus de profondeur stratégique et démographique que l'Ukraine. Et elle compte vaincre au poids".
Depuis une quinzaine d'années, Moscou a réduit le temps de la conscription à un an et tenté de favoriser l'émergence d'une armée professionnelle à 80%. La réalité est bien en deçà.
Les conscrits, dans la loi russe, ne sont pas censés être envoyés au front. Mais l'état-major est passé outre, jusqu'à faire signer en Ukraine - plus ou moins sous pression - des contrats à des appelés devenus du jour au lendemain, sur le plan administratif au moins, des soldats professionnels.
Des preuves étayées montrent que l'efficacité au combat s'effondre assez rapidement - entre 140 et 180 jours. Beaucoup de soldats russes se battent aujourd'hui depuis plus de 200 jours.
Chris Owen, historien indépendant
Aujourd'hui, ils se retrouvent coincés par l'ordre du Kremlin. "Le décret de Poutine interdit de fait à quiconque de partir", assure l'historien indépendant Chris Owen, qui estime que la mobilisation vise aussi à "mettre fin à l'érosion de l'armée russe", qu'il s'agisse des morts, blessés, traumatisés et autres déserteurs.
"Des preuves étayées montrent que l'efficacité au combat s'effondre assez rapidement - entre 140 et 180 jours. Beaucoup se battent aujourd'hui depuis plus de 200 jours", ajoute-t-il.
Lire : Poutine mobilise 300.000 réservistes et menace l'Occident.
Sur le seul aspect militaire du conflit, l'annonce de Vladimir Poutine apporte donc moins de certitudes que de questions. Avec une donnée qui pèsera dans la balance: chaque jour qui passe rapproche les combattants des terribles rigueurs de l'hiver.
"Les opérations offensives seront au ralenti. Les deux camps vont s'enterrer au cours des semaines qui viennent jusqu'au dégel en février-mars", estime Chris Owen. "Ce n'est pas un mauvais moment pour des rotations", assure-t-il, considérant que Poutine peut "reposer et réorganiser son armée aujourd'hui épuisée" pendant les grands froids.
D'ici là, l'armée ukrainienne, qui continuait ces derniers jours ses contre-offensives dans le nord-est et le sud du pays, devrait poursuivre son effort. "Les Ukrainiens ont une chance réelle de récupérer du territoire supplémentaire dans les semaines qui viennent dans le Donbass et dans le sud", estime Chris Miller.