Fil d'Ariane
Difficile de croire à une pareille coïncidence. Et pourtant! Alors que les policiers d’élite français finissaient de donner l’assaut, mercredi matin, contre des planques utilisées par des terroristes présumés dans le centre-ville de Saint-Denis, leurs collègues belges préparaient, à quelques kilomètres de là, une simulation d’opération.
Le cadre de cet exercice? Le salon mondial de la sécurité Milipol, ouvert mardi au parc des expositions de Villepinte, à quinze kilomètres au nord de Saint-Denis. Les policiers en question? Des hommes de la brigade d’intervention de la ville de Liège, régulièrement amenés à opérer sur Bruxelles et sa banlieue. La commune de Molenbeek, souvent citée ces derniers jours comme le lieu de résidence des donneurs d’ordre des attentats de vendredi à Paris? Ils connaissent: «Molenbeek, c’est un peu le Saint-Denis belge», explique Luc, entièrement vêtu de sa combinaison noire de combat, cagoule sur le visage, et arme au poing. Une simulation organisée sur le stand de l’équipementier belge de sécurité SIOEN et sur celui de FN Herstal, la fabrique nationale belge d’armes de guerre.
Luc est l’un des hommes de cette équipe invitée sur le stand par Kristof Daels, le directeur de Sioen. Cagoule enlevée, le visage en sueur, il commente, sans décliner son identité exacte, les images de l’assaut matinal de ses collègues français à Saint-Denis, diffusées sur un écran. «L’environnement urbain que je vois ici est très similaire à celui de Molenbeek, juge-t-il. Beaucoup de Kebabs ou de shops internet, preuve de la forte présence d’une communauté immigrée. Des immeubles pas très hauts. Un accès facile aux transports en commun. La présence de nombreuses femmes voilées dans les rues qui permet aux complices féminines des groupes de se fondre dans la foule…».
Si l’on cesse d’être régulièrement présent dans ces quartiers, si l’on accepte de reculer lorsque les riverains s’énervent, si l’on se tient trop éloigné, on perd le fil.
Le cas de Molenbeek est, depuis les attentats de vendredi, emblématique. Ce faubourg populaire de Bruxelles, longtemps gouverné par un maire socialiste (Philippe Moureaux) réputé pour pratiquer le clientélisme avec la communauté immigrée, abritait notamment le bar des frères Abdeslam, impliqués dans la tuerie. C’est aussi là qu’a grandi Abdelhamid Abaaoud, présenté comme le commanditaire des attaques. «Le problème est le quadrillage, poursuit l’officier de police belge. Si l’on cesse d’être régulièrement présent dans ces quartiers, si l’on accepte de reculer lorsque les riverains s’énervent, si l’on se tient trop éloigné, on perd le fil».