Fil d'Ariane
Depuis le début du procès, début février à Bruxelles, il n'avait pas desserré les dents, refusant de répondre aux questions, et affirmant "placer sa confiance en Allah et c'est tout".
Absent de la lecture du jugement ce lundi 23 avril, le jihadiste français d'origine marocaine, 28 ans, ancien petit délinquant de la commune bruxelloise de Molenbeek, écope donc de 20 ans de prison tout comme son complice tunisien Sofiane Ayari pour avoir tiré sur des policiers et pour possession illégale d'armes à feu.
Leur ancrage dans le radicalisme ne fait aucun doute. (...) Le contexte était celui des attentats de Paris.Tribunal correctionnel de Bruxelles, 23 avril 2018
La conspiration ne fait, par ailleurs, aucun doute pour la justice belge. Ce 15 mars 2016, l'enquête avait abouti sur "un logement conspiratif" du groupe jihadiste à l'origine de ces attaques, les membres présents dans l'appartement étaient "armés, portant des gilets pare-balles".
Salah Abdeslam fera-t-il appel ? Son avocat est resté évasif ce lundi matin, laissant entendre qu'il aller consulter son client pour en décider.
"Nous allons analyser le jugement de fond en comble. Il nous paraît assez créatif, surtout pour le problème de procédure", a réagi Me Sven Mary après le prononcé de la peine.
Je verrai avec Salah Abdeslam quel est son souhait, s'il veut faire appel ou non.
Me Sven Mary, avocat de Salah Abdeslam
En attendant un possible appel, la thèse de la défense a donc été balayée. Me Sven Mary avait plaidé l'irrecevabilité des poursuites sur un argument de procédure : il mettait en avant la violation de l'artice 12 de la loi sur l'emploi des langues en matière judiciaire.
Le tribunal correctionnel de Bruxelles ne l'a pas suivi non plus sur l'argument selon lequel seul Mohamed Belkaïd avait tiré sur les policiers rue du Dries.
Le tribunal retient une "résolution criminelle froidement réfléchie".
Salah Abdeslam, Sofiane Ayari et Mohamed Belkaïd se savaient traqués par les forces de l'ordre. Ils avaient au préalable établi un plan en cas d'intervention. Préméditation caractérisée pour la justice.
Me Mary avait également avancé que l'absence de trace ADN de Salah Abdeslam sur l'arme retrouvée rue de l'Eau prouvait qu'il ne l'avait pas utilisée. Or selon un témoin de la fuite des deux prévenus, ces derniers avaient porté le fusil à tour de rôle, souligne le tribunal.
Abdeslam et Ayari n'étaient plus présents dans l'appartement de la rue du Dries au moment du second échange de tirs, mais le tribunal les a jugés également responsables de celui-ci en raison de leur solidarité et de l'aide préalable apportée.
De son côté, l'avocate de plusieurs policiers français, Me Maryse Alié, salue le jugement dans son ensemble.
Ses clients, qui faisaient partie du groupe d'intervention rue du Dries, le 15 mars 2016, obtiennent des dommages et intérêts de plusieurs dizaines de milliers d'euros.
Les deux prévenus ont été condamnés à dédommager leurs victimes à hauteur d'environ 500.000 euros, notamment l'Etat belge et un policier grièvement blessé ce jour-là, rapporte l'AFP.
Que le tribunal ait estimé que le fait d'avoir fait feu sur des policiers avec des armes de guerre est un acte terroriste me satisfait particulièrement.
Me Maryse Alié, avocate de policiers victimes de la fusillade de la rue du Dries
Trois jours après la fusillade, Salah Abdeslam et Sofiane Ayari étaient arrêtés dans le quartier de Molenbeek à Bruxelles. La fin de quatre mois de cavale pour Abdeslam.
Depuis, le jihadiste s'est muré dans le silence, après avoir assumé un profil d'islamiste convaincu à l'ouverture des débats, en février dernier, sa première apparition publique.
Incarcéré à l'isolement complet à la prison de Fleury-Mérogis près de Paris, Abdeslam n'en a pas fini avec la justice. Il sera amené à comparaître dans un procès très attendu en France.
Seul survivant des attentats de Paris du 13 novembre 2015, les plus meurtriers jamais commis dans l'hexagone - 130 morts, des centaines de blessés - il est soupconné notamment d'avoir déposé les trois kamikazes du Stade de France, près de Paris, avant d'abandonner une ceinture explosive défectueuse.
Abdeslam avait expliqué avoir fait "machine arrière" après avoir déclaré aux enquêteurs avoir "(voulu) se faire exploser", selon le procureur de Paris, François Molins.
> L'analyse de notre consoeur de la RTBF, Justine Katz :