Fil d'Ariane
Des petits, des minis, des grands, de plus en plus armés voire suicides... Les drones, massivement utilisés sur le champ de bataille en Ukraine, occupent une place inédite cette année sur les stands de la 54e édition du salon du Bourget.
L'Eurodrone développé par Airbus est présenté au salon du Bourget ce 20 juin 2023.
Côté français, c’est un prototype de drone de combat baptisé Aarok de la société Turgis & Gaillard, présenté pour la toute première fois, qui attire l'attention des professionnels.
Développé sur fonds propres pour "plus de dix millions d’euros" et assemblé dans un hangar à Blois, l’aéronef au fuselage blanc de la catégorie de drones MALE (Moyenne altitude longue portée) doit encore valider les tests en vol.
L’objectif est de séduire l’armée française qui a jusqu’ici parié dans cette catégorie sur l’américain Reaper de General Atomics, dont il a acquis douze exemplaires.
L’Aarok, pesant 5,5 tonnes et d'une autonomie de 24 heures, existe pour "combler un trou capacitaire dans les armées françaises, on avait en France ce qu’on fait de mieux en termes de radars, missiles, capteurs, tout, sauf l’avion", explique Patrick Gaillard, directeur général de Turgis & Gaillard.
Le confondateur de la société précise que son drone coûtera "moins cher" que le Reaper (un MQ-9A coûte 15 à 20 millions d'euros), et ne comportera aucune pièce américaine, pour en faciliter l’export. L'engin est capable de mener des opérations de surveillance comme de frapper une cible à 35 km de distance avec une précision de 2 m.
Retard européen et français
Sur le stand General Atomics, qui a vendu plus de 1.100 exemplaires d'une vingtaine de différents drones en trente ans, pas d’inquiétude, il y a de la place pour tout le monde.
"Quelle que soit leur taille, les engins sans pilotes sont le futur" de la guerre, lance le directeur de la Communication et du Marketing Mark Brinkley qui présente sur le salon le nouveau modèle MQ-9B dont les premiers exemplaires sont en cours de livraison au Royaume-Uni.
Lire : l’avion peut-il devenir un moyen de transport écologique ?
L'Eurodrone européen est quant à lui présenté à l’état de maquette sur le stand d'Airbus, à qui le contrat de 7,1 milliards de dollars a été notifié en février, avec trois ans de retard.
Lancé en 2015, le projet dirigé par Berlin doit doter l'Allemagne, la France, l'Italie et l'Espagne de drones comparables au Reaper. Mais le premier vol est prévu en 2026 et les livraisons deux ans plus tard, soit plus d'un quart de siècle après le bestseller américain.
Bonne nouvelle toutefois pour Safran dans la catégorie des drones tactiques: le groupe français a annoncé mardi son premier contrat à l'export, avec l'armée de terre grecque pour quatre Patroller, dont le premier exemplaire sera livré cet été à l'armée française.
L'industrie de l'armement turque est fortement présente sur le salon. Les drones armés figurent parmi les produits les plus recherchés de Turquie, notamment le TB-2 Bayraktar produit par l'entreprise privée Baykar.
Le drone a été médiatisé l'année dernière pour son rôle dans les premières phases de la défense de l'Ukraine contre l'invasion russe et a été acheté par une dizaine d'armées, selon le Military Balance de l'International Institute for Strategic Studies (IISS).
À l'instar de Baykar, les véhicules aériens sans pilote (UAV) de TAI ont été vendus ces dernières années dans le monde entier, notamment au Kazakhstan, au Kirghizstan, à la Malaisie, à l'Algérie et à la Tunisie, selon les données de l'organisme de surveillance du commerce des armes SIPRI.
Pour les drones, "l'intérêt vient aujourd'hui principalement d'Afrique", où les pays veulent les utiliser pour "lutter contre le terrorisme", explique à l'AFP Omer Yildiz, responsable des drones à TAI.
Comme d'autres pays européens, la France a pris du retard sur les drones suicide, encore appelés munitions rôdeuses ou munitions téléopérées (MTO), qui ont prouvé leur efficacité en Ukraine, explique Cédric Perrin, sénateur auteur de plusieurs rapports sur les drones. "C'est un sujet majeur donc l’industrie s’y intéresse de plus en plus", insiste-t-il.
Dans cette catégorie, KNDS, Eos et Traak ont annoncé au Bourget avoir été sélectionnés par l’Agence d’innovation de la défense pour développer un drone suicide de 80 km de portée susceptible de concurrencer l'Américain Switchblade, dont l'armée française projette l'acquisition.
Une version dotée d'une tête militaire inerte doit être testée "dans 18 mois", selon les entreprises. Pour former les opérateurs de drones, la filiale de Dassault Aviation, Sogitec, finalise quant à elle le développement d'un système de simulation valable pour différents types de drones, Genius.
Derrière un écran, il est possible de zoomer avec un joystick sur une carte et survoler un faux aéroport où stationnent trois hélicoptères. Le terrain d'entraînement peut aussi bien être une infrastructure, qu'un désert ou une zone d'habitation. "On peut créer un environnement à la main du client", explique Stéphane Morelli, responsable du produit.
Un filon qui semble prometteur sur un marché du drone qui évolue à vitesse grand V chaque année.