Sanctions contre la Russie et soutien à l'Ukraine : quels sont les enjeux du Conseil de l’Europe ?

Les dirigeants des pays membres de l’Union européenne se réunissent à Bruxelles pour un sommet extraordinaire consacré à l’Ukraine. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky doit s'adresser lundi en visio-conférence. De nouvelles sanctions contre la Russie doivent être discutées. Mais le projet d'embargo pétrolier est paralysé jusqu'à présent par l'opposition de Budapest. Que faut-il attendre de ce sommet ?
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Europe embargo pétrole
(AP Photo/Olivier Matthys)
Des manifestants ukrainiens réclament un embargo contre le pétrole russe auprès des institutions européennes, 30 mai 2022, Bruxelles, Belgique.
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Les chefs d'Etat et de gouvernement, réunis pour deux jours les 30 et 31 mai à Bruxelles, doivent discuter d'un soutien financier accru à Kiev après plus de trois mois d'offensive russe.

Le sommet doit aussi aborder les conséquences de la crise alimentaire liée à la guerre et la transformation énergétique du continent pour se passer du gaz russe.

Mais de l'avis d'un haut diplomate, l'absence d'accord sur de nouvelles sanctions risque de parasiter le sommet et d'éclipser les autres sujets.

Volodymyr Zelensky, qui appelle à durcir toujours plus les mesures pour assécher le financement de l'effort de guerre de Moscou, doit s'exprimer par visioconférence.

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L'oléoduc Droujba épargné par l'embargo à cause de la Hongrie ? 

Le sommet des dirigeants débute à 16h00 (14h00 GMT) mais les représentants des Etats membres se sont déjà réunis le matin pour chercher une solution. 

Il s'agirait d'exempter temporairement un oléoduc clé pour la Hongrie d'un embargo progressif de l'UE sur le pétrole russe, afin de valider rapidement le 6e train de sanctions européennes.

Les ambassadeurs se sont déjà retrouvés dimanche sans succès et un accord avant le sommet paraît difficile, selon plusieurs sources européennes.

L'exemption pose notamment un "problème d'équité" entre les Etats pour leurs achats de pétrole, qui a été soulevée par certains d'entre eux, selon un responsable européen.

Un embargo limité qui exclurait les oléoducs sera beaucoup moins douloureux pour la Russie de Poutine

Thomas Pellerin-Carlin de l'Institut Jacques Delors

L'unanimité est requise pour l'adoption des sanctions et la réaction du Premier ministre Viktor Orban est très attendue.

La Hongrie, pays enclavé sans accès à la mer, qui dépend pour 65% de sa consommation du pétrole acheminé de Russie par Droujba, est opposée à un embargo sur cet oléoduc et a rejeté la première offre d'une dérogation de deux années qui lui a été offerte. Budapest a réclamé au moins quatre ans et près de 800 millions d'euros en financements européens pour adapter ses raffineries.

Dans un contexte où le plan de relance post-Covid de Budapest reste bloqué par Bruxelles en raison de manquements à l'Etat de droit en Hongrie, il paraîtrait difficile de lui accorder des fonds européens.

La question de Droujba "sera abordée de nouveau rapidement", assure une source diplomatique. 

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Les tankers, cible exclusive de l'embargo ?

Le compromis proposé prévoit un embargo uniquement sur le pétrole russe livré par bateau d'ici la fin de l'année, en excluant "pour le moment" celui acheminé via l'oléoduc Droujba, dont la branche sud approvisionne Hongrie, Slovaquie et République tchèque.

Pour l'UE, la facture des importations de pétrole russe (80 milliards d'euros) a été quatre fois plus importante que celle de gaz en 2021.

"En ciblant le pétrole transporté par mer, on frapperait déjà au moins les 2/3 des exportations de pétrole russe", fait valoir un responsable européen.

Mais pour Moscou, le coup serait beaucoup plus supportable. "Un embargo limité qui exclurait les oléoducs sera beaucoup moins douloureux pour la Russie de Poutine, car trouver de nouveaux clients approvisionnés par tankers est beaucoup moins difficile", pointe cependant Thomas Pellerin-Carlin de l'Institut Jacques Delors.

"Caillou dans la chaussure", "éléphant dans la pièce": les Européens redoutent que l'absence d'accord sur ces nouvelles sanctions ne jette une ombre sur la réunion des chefs d'Etat et de gouvernement, et ils ont accéléré les consultations ces derniers jours.

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Quelles autres sanctions européennes envisagées ?

  • Les autres sanctions du paquet proposé par Bruxelles sont un élargissement de la liste noire de l'UE à une soixantaine de personnalités, dont le chef de l'église orthodoxe russe, le patriarche Kirill. 
 
  • L'exclusion de trois banques russes du système financier international Swift, dont Sberkank, la plus importante du pays (37% du marché), est aussi sur la table.
 
  • Les Vingt-Sept étudieront par ailleurs la proposition de la Commission pour apporter jusqu'à 9 milliards d'euros en 2022 sous forme de prêts ou de dons à l'Ukraine, qui chiffre ses besoins à 5 milliards de dollars par mois. Ce soutien nécessite l'approbation des Etats membres. 
 
  • Egalement à l'agenda, le financement de la reconstruction alors que l'offensive de l'armée russe entraine d'importantes destructions (routes, infrastructures) évaluées à 600 milliards de dollars par Kiev. Bruxelles a proposé une "plateforme de reconstruction" associant partenaires et institutions internationales. 
 
  • Autre thème du sommet, la sécurité alimentaire, menacée notamment par le blocage des exportations de céréales ukrainiennes. Le président de l'Union africaine Macky Sall -qui se rendra prochainement à Moscou et Kiev- interviendra mardi par visioconférence alors que le continent africain redoute de graves pénuries. "Il sera important de passer un message clair: nos sanctions ne sont pas responsables de la flambée des prix, c'est l'agression russe", souligne une source européenne.

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