Fil d'Ariane
C'est un cas emblématique de criminalisation de la solidarité. Le procès de 24 travailleurs humanitaires vient de commencer mardi 10 janvier au tribunal de Mytilène, sur l'île de Lesbos, en Grèce. Leur crime : avoir secouru des migrants qui tentaient de rejoindre l’Europe en traversant la Méditerranée.
La présidente de la Cour a précisé que seules les accusations d'"espionnage" à l'encontre de ces travailleurs humanitaires seraient examinées ce jour-là.
Les poursuites entamées pour blanchiment d'argent, trafic de migrants et fraude le seront plus tard lorsque l'instruction sera achevée, a précisé la présidente de la Cour.
Entamé en novembre 2021 avant d'être ajourné, le procès risque de s'étaler sur le temps. "La lenteur de la procédure est selon moi une tactique des autorités grecques pour dissuader les ONG de sauvetage d’opérer sur les îles grecques", a affirmé Wies de Graeve, représentant d'Amnesty International et observateur international dans ce procès. "Ces reports sans cesse de la procédure judiciaire laissent en suspens la vie de jeunes personnes", a-t-il ajouté.
Un banquier néerlandais à la retraite, Pieter Wittenberg, est l'un des co-accusés. "Toutes les accusations contre nous que ce soit pour espionnage ou blanchiment d’argent ne tiennent pas debout. Ce procès a un objectif politique", a-t-il dénoncé. Et pour cause, ces allégations d'espionnage porteraient sur l'utilisation par les accusés d'un "service de messagerie crypté", à savoir l'application de communication populaire WhatsApp.Autre accusée, Sarah Mardini, jeune Syrienne réfugiée à Berlin depuis 2015, n'était pas présente à l'audience. Les autorités grecques ne l'ont pas autorisée à revenir en Grèce selon son avocat, Zacharias Kesses.
L'histoire de Sarah Mardini et de sa sœur, la nageuse olympique Yusra, a suscité un immense intérêt. Elles sont à l'affiche du film "Les Nageuses" diffusé sur la plateforme Netflix qui retrace leur périlleuse traversée de la Méditerrannée, en partie à la nage, jusqu'à l'Europe en 2015.
En août 2018 lors de son arrestation, la jeune femme travaillait comme bénévole pour l'ONG ERCI (Emergency Response Center International), un groupe de recherche et de sauvetage sur cette île grecque qui a vu des centaines de milliers de réfugiés, notamment syriens, affluer dans des conditions dramatiques en 2015 et 2016.
Dans une interview récente pour le média Al Jazeera, elle explique les raisons de son engagement en tant que bénévole. "J'ai pensé que je pouvais offrir quelque chose là-bas. C'était une passion pour moi, juste pour être là pour d'autres personnes", a-t-elle déclaré.
Sarah Mardini a passé trois mois en prison en Grèce avant de pouvoir rentrer à Berlin. Elle et les 23 autres accusés risquent des peines de prison allant de 10 à 25 ans s'ils sont reconnus coupables.