
Fil d'Ariane
Après la mi-temps estivale, le coup de sifflet de rentrée fait de nouveau trembler la planète football. Depuis Zurich, ville-siège de la FIFA, les annonces se succèdent, sur fond de règlement de compte ou de "réconciliation" entre Sepp Blatter et celui qui postule à sa succession, le Français Michel Platini, actuellement à la tête des instances européennes de football.
Ce mardi 29 septembre 2015, la commission d'éthique de la Fédération internationale a décidé de suspendre à vie le désormais célèbre Trinidadien Jack Warner, ancien vice-président de la FIFA et sous le coup d'une demande d'extradition des Etats-Unis.
Autre tête vacillante, celle d'Eduardo Li. Arrêté en mai dernier à Zurich juste avant le comité exécutif de la FIFA, l'ancien président de la Fédération du Costa Rica, pourrait être prochainement extradé vers les Etats-Unis.
La Suisse vient en effet de donner son accord. "Eduardo Li est soupçonné d'avoir accepté des pots-de-vin de la part d'une société américaine pour l'attribution de droits de marketing à l'occasion des qualifications pour la Coupe du monde de 2018", en Russie, a indiqué l'Office fédéral de la justice suisse dans un communiqué.
D'autres demandes d'extradition ont été lancées par les Etats-Unis, d'où le scandale a éclaté au printemps dernier. Cinq autres dirigeants de la Fifa sont dans le collimateur de la justice américaine, parmi lesquels Eugenio Figueredo, l'Uruguayen ancien vice-président de la FIFA. Jeffrey Webb, originaire des îles Caïmans et ex-vice président de la Fifa, avait accepté son extradition aux Etats-Unis en juillet. La décision concernant la demande d'extradition de Julio Rocha, ex-président de la Fédération du Nicaragua, est traitée à part dans la mesure où l'intéressé a déjà accepté d'être extradé dans son pays natal pour "blanchiment d'argent" et "enrichissement illicite".
Depuis quelques jours, le feuilleton "Fifa" vit un nouvel épisode. Au coeur de l'action et surtout d'une enquête ménée par la justice suisse, le versement de 2 M CHF (1,8 M EUR) de Seep Blatter à Michel Platini en 2011. Tous deux sont montés au filet pour démentir toute accusation de corruption. Le Français demandant même à être entendu par la commission d'éthique de la Fifa.
"J'ai entièrement déclaré ces revenus" au fisc suisse, a insisté Michel Platini, patron de l'UEFA et grandissime favori à la succession du Valaisan de 79 ans à la tête du football mondial.
Pour l'ex-triple Ballon d'or, il s'agit d'éteindre la polémique initiée par la justice helvète vendredi, quand celle-ci a stigmatisé ce "paiement (suspect), prétendument pour des travaux effectués entre janvier 1999 et juin 2002".
Dans une lettre adressée aux 54 fédérations européennes membres de l'UEFA, dont l'AFP a eu une copie, le Français précise que ce paiement correspond à la période de 1998 à 2002, lors de laquelle il avait été "employé par la Fifa".
"Il s'agissait d'un travail à plein temps et mes fonctions étaient connues de tous. Ma rémunération a été convenue à ce moment-là et après que des paiements initiaux aient été effectués, le solde final de 2 millions de francs suisses a été versé en février 2011", a insisté Michel Platini.
Ce dernier a reçu mardi le soutien du président de la Fédération allemande (DFB) Wolfgang Niersbach. Dans un entretien au quotidien Frankfurter Rundschau, il appelle à ne pas préjuger de la situation du président de l'UEFA.
"Au vu des procédures actuelles, il me paraît important d'évaluer très attentivement ce qui est en jeu et si une faute a été commise", souligne Niersbach, estimant nécessaire d'attendre de voir "quelles seront les évaluations des pouvoirs publics ou de la Commision d'éthique de la Fifa".
De son côté, dans une réaction qui plutôt surpris le gotha du football, on se souvient de l'appel lancé publiquement par Michel Platini l'été dernier à l'adresse du patron de la Fifa, lui demandent de démissionner, Sepp Blatter a lui aussi plaidé dès lundi pour la légalité de ce versement, via un communiqué de ses avocats suisses et américains. Il s'agit d'une "rétribution justifiée" pour le travail de "conseiller à la présidence" effectué par l'ancien N.10 de l'équipe de France à partir de 1998, a affirmé le Suisse, en ajoutant que ce paiement a été "correctement inscrit dans les comptes de la Fifa, y compris les retenues des charges pour la sécurité sociale".
Et le Suisse d'éteindre au passage les rumeurs sur une éventuelle démission de sa part, répétant vouloir "rester président" comme prévu, jusqu'au 26 février, date de l'élection de son successeur.
Démissionnaire depuis le 2 juin, quatre jours à peine après sa réélection à un 5e mandat à la tête de la Fifa, Blatter entend donc continuer à régler jusqu'au bout les affaires courantes, malgré la poursuite pénale engagée contre lui jeudi par la justice suisse pour "gestion déloyale" (soit abus de biens sociaux) et "abus de confiance".
Mais s'il a donné une explication à ce fameux versement de 2011 à Michel Platini, Blatter doit toujours s'expliquer pour ce "contrat défavorable" à la Fifa qu'il aurait signé en 2005 avec Jack Warner, alors à la tête de l'Union caribéenne de football, en lui cédant très en-dessous des prix du marché les droits de diffusion TV des Mondiaux-2010 et 2014.
Lundi, la chambre d'instruction de la commission d'éthique n'avait pas officiellement confirmé l'ouverture d'une investigation, une clause de confidentialité stricte l'empêchant de communiquer. Mais face à la gravité des faits reprochés à Blatter, a-t-elle d'autre choix que d'enquêter?
"S'il y a un soupçon initial, la chambre d'investigation de la commission lance une procédure formelle", avait confirmé ce week-end à l'AFP Andreas Bantel, porte-parole de la commission d'éthique.
Pour Guido Tognoni, ancien conseiller du président de la Fifa, interrogé par l'AFP lundi, "il est probable que Blatter va être suspendu. La Fifa n'a pas le choix, elle se trouve dans une telle situation".
Une telle issue verrait alors le Camerounais Issa Hayatou, premier vice-président senior de la Fifa et patron du foot africain, monter sur le trône du foot mondial. Une solution loin d'être idéale, souligne M. Tognoni. Car Hayatou, 69 ans, n'est de fait pas exempt de tout reproche. En 2011, le Comité international olympique (CIO) dont il est membre, lui avait infligé un "blâme" pour avoir perçu 15.000 euros de la part d'ISL, un partenaire commercial de la Fifa.
Après instruction de cette affaire par sa chambre d'investigation, la chambre de jugement de la commission d'éthique de la Fifa devra prendre une décision. Impossible de savoir quand celle-ci pourrait tomber.