Fil d'Ariane
C'est l'entreprise à l'origine d'un scandale sans précédent. Christopher Wylie, l'ancien informaticien de génie de Cambrige Analytica lançait l'alerte en mars 2018. Des millions de données privées avaient été siphonnées par le biais de Facebook à l'insu de leurs propriétaires. Les données de 50 millions de comptes, affirmait-il. Quelques semaines plus tard, la moisson était réévaluée à près de 90 millions de comptes utilisateurs. On en est là.
La société britannique d'analyse de données et de communication stratégique, financée par les milliardaires américains Robert et Rebeccah Mercer, s'en était servie notamment pour tenter d'infléchir le vote en faveur de Trump lors de la présidentielle de 2016. C'était l'objectif déclaré, en privé, auprès de ses potentiels clients. Ses responsables s'en étaient vantés dans un documentaire tourné en camera cachée par Channel 4. Cambridge Analytica était accusée d'avoir également influencé le référendum sur le Brexit. L'issue avait été la victoire du Leave, vers une sortie du Royaume-Uni de l'UE.
Ce mercredi 2 mai, Cambridge Analytica annonce donc la cessation de ses activités, faute de pouvoir poursuivre ses opérations, dit-elle. "Une procédure d'insolvabilité est entamée au Royaume-Uni et une procédure de faillite bientôt ouverte aux Etats-Unis".
L'annonce est accueillie avec scepticisme et préoccupation à Londres.
En attendant les conclusions des enquêtes en cours, le scandale Cambridge Analytica-Facebook permet d'ores et déjà de tirer plusieurs enseignements.
Pour le grand public, c'est d'abord une prise de conscience des risques du stockage et de l'utilisation des données privées. C'est aussi un aperçu des coulisses de la publicité en ligne qui sous-tend le "business model" des géants du net. Une industrie qui fait de l'utilisateur un produit - le sien - et qui fait passer la protection des personnes et la confidentalité des informations personnelles après ses propres intérêts économiques.
Le business du stockage et de l'utilisation des données reste plus que jamais porteur pour les grands groupes. Une règlementation apparaît nécessaire. Et jugée souhaitable par un nombre croissant d'utilisateurs.
Mark Zuckerberg, le patron de Facebook, qui s'est exprimé devant les deux chambres du Congrès aux Etats-Unis, a reconnu "des erreurs" et promis "des mesures". Les Européens, qui renforcent leur législation de protection des données personnelles, attendent toujours de pouvoir l'auditionner. Il n'a donné suite ni aux invitations ni aux relances de la Commission européenne.