Scandale Facebook : Meta, un nouveau nom pour faire diversion ?

Dans la tourmente de la révélation des "Facebook Files", le dirigeant Mark Zuckerberg annonce le changement de nom de la société mère. Stratégie de diversion ou promotion de sa nouvelle expérience web, les métavers ? Décryptage avec Thomas Fauré, fondateur du nouveau réseau social Whaller.
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Meta
Mark Zuckerberg  a annoncé jeudi le changement de nom de la société mère Facebook en Meta. Il a ainsi présenté sa vision du métavers, ce nouvel univers parallèle sur lequel il souhaite investir.
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Facebook devient Meta. Mark Zuckerberg a annoncé, jeudi 28 octobre, le changement de nom de la société mère du géant numérique. Il dit souhaiter dissocier le nom de son groupe avec celui de son application phare. 

Ce changement soudain intervient à un moment où la colère des autorités et de la société civile s'est amplifiée contre le géant du web.

(Re)voir : Etats-Unis : Facebook en pleine tourmente devient "Meta"

Les révélations de la lanceuse d'alerte Frances Haugen montrent que le groupe qui gère les réseaux sociaux Facebook, WhatsApp et Instagram a préféré préserver ses profits en dépit des dangers de ces plateformes sur ses utilisateurs. Contenus toxiques sur Instagram pour les adolescents, désinformation nuisible à la démocratie, l'ancienne employée de Facebook a transmis début octobre au quotidien américain The Wall Street Journal des milliers de documents internes accablants sur le géant du Web.

Ca ressemble tout de même à un détournement d’attention. La preuve, cette semaine on ne parle plus du tout des "Facebook Files”, la fuite des données sur le réseau social par la lanceuse d'alerte Frances Haugen

Thomas Fauré, fondateur du nouveau réseau social Whaller

Mark Zuckerberg affirme de son côté qu'il souhaite mettre en avant son nouveau projet de métavers. Concrètement, un métavers est un univers virtuel 3D, qui recrée à l'identique le monde réel, où les utilisateurs peuvent créer leur avatar, se déplacer et interagir avec les autres personnes connectées via un casque de réalité virtuelle, et non pas un écran. Pourquoi Mark Zuckerbeg décide-t-il de changer le nom de sa société mère ? 

A (re)lire : Que sont les "métavers", la nouvelle expérience web de Facebook ?​

Détourner l'attention portée sur le scandale des "Facebook Files"

Pour Thomas Fauré, fondateur du nouveau réseau social Whaller, il n'y a pas de doute. Ce changement de nom est un coup de communication qui vise à faire oublier les récents scandales des Facebook Files. 

“Ils sont dans une tourmente très importante. (...) Ca ressemble tout de même à un détournement d’attention. La preuve : la semaine dernière, on parlait des “Facebook Files”, la fuite des données par la lanceuse d'alerte Frances Haugen. Cette semaine on ne parle plus du tout de ça" nous confie-t-il.

Je crois que les produits de Facebook nuisent aux enfants, attisent les divisions et affaiblissent notre démocratie

Frances Haugen, lanceuse d'alerte et ex-employée de Facebook

D'autant plus que ce changement de nom ne risque pas de changer grand chose d'autre pour la firme. "Certes, les utilisateurs finaux verront moins que WhatsApp et Instagram sont reliés à Facebook. Mais sinon Facebook va rester Facebook, WhatsApp va rester WhatsApp et Instagram, Instagram. Vous savez c'est comme le Front National qui se renomme Rassemblement National", compare Thomas Fauré.

Facebook n'en serait pas à son premier stratagème du genre, nous rappelle Thomas Fauré. "Pour le scandale des Cambrige Analytica (ndlr. qui accusait Facebook d'avoir utilisé illégalement les informations de plus de 50 millions de comptes), Mark Zuckerberg avait tout misé sur la communication de sa propre monnaie, la Libra. Le débat sur Facebook était resté très centré sur la cryptomonnaie."
 
Cette fois-ci, le géant du web, choisit de "communiquer sur les métavers et le changement de nom qui va avec ça, Meta."

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Facebook a présenté sa vision du métaverse lors de son événement Facebook Connect, jeudi 28 octobre.Sur cette photo, des avatars de collègues de la vie réelle sont en réunion Zoom.
Là encore, Thomas Fauré s'interroge sur les conséquences psychologiques sur les utilisateurs du développement d'une telle technologie. "Certains disent que c’est l’avenir du web. Ça commence à devenir trop immersif pour être un avenir qui nous fait du bien. Il n’y a plus rien de réel. On va aller vers des solutions de ce type."

Le géant du web se rêve donc en chef d'orchestre d'un monde parallèle, un «métavers» loin des scandales liés aux Facebook Files. 

Des accusations graves 

Pour sa part, Frances Haugen a appelé les sénateurs américains à mieux réguler Facebook. "Je crois que les produits de Facebook nuisent aux enfants, attisent les divisions et affaiblissent notre démocratie". 

L'une des principales accusations portent notamment sur la diffusion de contenu à caractère haineux. 

Publier du contenu haineux serait "le meilleur moyen (ndlr pour Facebook) de croître". C'est ce qu'avait déclarer la lanceuse d'alerte lundi 25 octobre devant des députés britanniques à Londres.

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Frances Haugen, ex-employée de Facebook et lanceuse d'alerte, quitte le Parlement à Londres, lundi 25 octobre 2021

AP Photo/Matt Dunham
Chaque contenu de publication Facebook est noté par un score. “Leur règle pour les messages à caractère haineux, c’est de diviser le score par deux", nous explique Thomas Fauré. "Sauf que les scores ne vont pas seulement de 1 à 10, ça va jusqu’à des milliards. Si on divise 1 milliard par deux, ça fait 500 000. Ca reste encore un très bon score pour les messages haineux par rapport à d’autres messages. Donc en fin de chaîne, ce message haineux s’affiche quand même.

Frances Haugen appelle les sénateurs américains en début de semaine à mieux réguler Facebook
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"Un autre point important qui ressort, c’est un manque de maîtrise de leurs algorithmes" complète Thomas Fauré. "C’est assez nouveau. Au sein-même de Facebook, ceux qui travaillent aux algorithmes ont du mal à savoir ce que font les autres membres de l’équipe (...). Pour eux, mal maîtriser leurs propres algorithmes ça ne leur a jamais empêché de faire du profit.” 

En d'autres termes, les dirigeants savent comment rendre Instagram et Facebook plus sûrs mais ne font pas les changements nécessaires. Des accusations que Facebook continue à nier en bloc.
 

(Re)voir : Interview de Thomas Fauré : "Zuckerberg est un apprenti sorcier"

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