Fil d'Ariane
Samedi 14 août, un séisme de magnitude 7.2 sur l’échelle de Richter a frappé Haïti. Près de 2200 personnes ont été tuées et environ 12000 autres blessées, selon le bilan officiel. Une situation que le passage de la dépression tropicale Grace a empiré.
Onze ans après le séisme du 12 janvier 2010, "la République des ONG" (pour l'ampleur des dysfonctionnements de l'aide humanitaire, Ndlr), reste marquée par l'échec de sa reconstruction. Dans ce contexte, défiance et chaos généralisé rendent le travail des humanitaires de plus en plus complexe.
Depuis combien de temps êtes-vous sur place et quelle est la situation ?
Nous avons envoyé une équipe le 15 août, le lendemain du séisme. Aujourd’hui nous avons quatre équipes sur place. Nous nous concentrons sur les premiers besoins des populations comme l’eau potable, les abris (bâche, tente) et la nourriture, notamment dans certains villages reculés complètement détruits.
Actuellement, il y a pas mal de soucis. Hier, une route a été bloquée et un camion de vivres a été pris d’assaut par des sinistrés. Il faut faire très attention dans les interventions. Les voitures sont systématiquement arrêtées et fouillées. L’ambiance est très tendue.
Le séisme a eu lieu samedi dernier et certains villages n’ont même pas encore été visités ! Les gens sont en colère ! Ils sont à cran et veulent de l’aide tout de suite. Nous étions la première ONG d’aide d’urgence sur place et d’autres commencent à arriver...
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Vous étiez déjà en Haïti lors du séisme meurtrier du 12 janvier 2010. Quelles différences constatez-vous ?
D’abord, la capitale Port-au-Prince n’a pas été atteinte. D’un point de vue logistique, c’est beaucoup plus simple aujourd’hui. En 2010, tout s’est écroulé et les ONG ont fait tout et n’importe quoi. Là, il y a une vraie coordination menée par l’État. Certains ministères et départements fonctionnent bien, comme celui de l’eau et de l’assainissement avec qui nous travaillons dans les villages.
De façon générale, les Haïtiens perçoivent mal les organisations humanitaires. Le scandale de 2010 a laissé des traces. Même s’ils sont soulagés de nous voir arriver, ils estiment aussi que c’est un dû.
À lire : Haïti - le temps de la reconstruction
(Re)voir : scandale sexuel en Haïti, l'ONG Oxfam dans la tourmente
Quelle est la particularité d'Haïti sur le plan humanitaire ?
Je fais de l’intervention d’urgence depuis une dizaine d’années et comparé à d’autres pays, Haïti est un terrain compliqué, avec un peuple très revendicateur. Par exemple, mettre en place une démarche communautaire, c’est-à-dire faire en sorte que les habitants s’organisent eux-même pour une distribution, est quasi-impossible.
Ici, la grande majorité des ONG sont dîtes de développement. Or, entre les cyclones, les tremblements de terre, la corruption et l’insécurité, le pays se prend choc sur choc depuis des décennies ! Les ONG d’urgence sont plus que jamais nécessaires. L’avantage, c’est que nous réalisons des actions concrètes, avec du personnel identifié sur le terrain et très peu de risques de détournements.
Plus largement, l’instabilité politique freine toutes les bonnes initiatives. La politique est liée aux gangs et c’est un pays qui n’arrive pas à décoller.
(Re)voir : Haïti, le pays sous le choc après l'assassinat de son président