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La Maison d'Haïti vient en aide aux réfugiés à Montréal.
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Séisme en Haïti, vu du Québec : "Il faut s'occuper des vivants"

Le 12 janvier 2010, quand la terre s’est mise à trembler en Haïti, la secousse a été ressentie jusqu’au Québec, où vit l’une des plus importantes communautés d’Haïtiens en Amérique du Nord (plus de 100 000 personnes). Des milliers de Québécois d’origine haïtienne ont perdu des proches dans le drame. Ce qui a donné lieu à un formidable élan de solidarité de la belle province vers la perle des Caraïbes. 
Marjorie Villefranche, directrice de la Maison d’Haïti, n’oubliera jamais cette journée du 12 janvier 2010 et les semaines qui ont suivi. L’organisme, installé au cœur de Montréal-Nord, quartier de la métropole québécoise où vivent des milliers de Québécois d’origine haïtienne, a joué un rôle central dans la mobilisation de la communauté pour venir en aide aux sinistrés.

La Maison d’Haïti, épicentre de la mobilisation


"Nous avons été le lieu où tout le monde s'est regroupé, dès le tremblement de terre, tout le monde est venu vers nous, y compris d'autres communautés du Québec et c'est là que s'est organisée toute l'aide, tout s'est concentré à la Maison d'Haïti" se souvient la directrice. Dans les jours qui ont suivi le séisme, les employés de la Maison d’Haïti ont surtout relayé auprès de la communauté les informations qu’il était possible d’avoir sur la situation en Haïti. "Les gens venaient pour avoir des nouvelles de leurs familles. Nous devions être capables de dire aux gens : voilà ce qu'il se passe, voilà les nouvelles, voilà ce que l'on sait. Au départ, on ne pouvait pas aider Haïti, mais on pouvait aider les endeuillés d'ici et les personnes qui cherchaient leurs familles, le premier geste qu'on a pu faire c'est aider les gens à retrouver la trace de leurs familles" explique Marjorie Villefranche.

La directrice de la Maison d’Haïti revient sur le sentiment de frustration qui a habité tous ceux et celles qui voulaient sauter dans le premier avion pour porter secours à leurs proches sur place. "Les ONG qui se sont multipliées là-bas ont fait comme un barrage. Il était difficile pour un individu d'aller donner un coup de main... c'était quelque chose d'extrêmement frustrant". L’organisme recommandait donc aux Haïtiens du Québec de donner de l’argent à la Croix-Rouge canadienne qui avait rapidement déployé son réseau de spécialistes sur place.

Les Québécois ont d'ailleurs été très généreux : ils ont envoyé plus de 66 millions de dollars aux organismes dans les semaines qui ont suivi le séisme. C’est un record de don pour une catastrophe humanitaire. Au total, les Canadiens ont fait des dons de plus de 254 millions de dollars pour venir en aide aux Haïtiens. Un formidable élan de solidarité d’un bout à l’autre du pays. 

"Cette forte mobilisation des Québécois, ce n’était pas seulement de l’argent qu’ils envoyaient : ils venaient aussi donner un coup de main à la maison d’Haïti, comme bénévoles. Ils venaient apporter à manger. Ils venaient réconforter les gens. C'était incroyable. On n’aurait pas pu s’en sortir sans cet élan de solidarité" rappelle Marjorie Villefranche. 
 

Une aide humanitaire déconnectée de la réalité


Dans les mois qui ont suivi le séisme, les organismes humanitaires venus de partout dans le monde ont débarqué en grand nombre sur l’île. Des centaines de millions de dollars ont été envoyés pour venir en aide aux sinistrés. Difficile de dire si tout cet argent a été utilisé à bon escient et au regard de la crise qui perdure en Haïti, on peut en douter. C'est en  tout cas ce le sentiment de la directrice de la Maison d'Haïti.

En plus de la corruption endémique qui pille la perle des Caraïbes, Marjorie Villefranche estime qu’il y a eu un gaspillage important de cet argent dans la mise en place de projets complètement déconnectés des besoins des Haïtiens. Elle donne comme exemple les projets de construction d’hôpitaux qui n’ont jamais pu se concrétiser parce qu’il n’y avait pas le personnel et la logistique nécessaires pour les opérer. "Des éléphants blancs" dit Marjorie Villefranche : "Je pense que souvent, on n'a pas été suffisamment à l'écoute de la société civile haïtienne et on a voulu faire des projets sans être à l'écoute de la population, donc il y a eu beaucoup de gaspillage d'argents dans ces projets".

La directrice de la Maison d’Haïti donne un autre exemple pour illustrer cette déconnexion de l’aide internationale : celui des femmes. "Les groupes féministes en Haïti étaient très forts, bien organisés, mais avec le flux d'aide internationale, on nous a imposé un autre modèle et ça a affaibli le mouvement féministe en Haïti au lieu de le renforcer... ils sont arrivés avec un modèle qui n'était pas le leur". 
 

"Soigner les vivants"


Dix ans plus tard, la plaie laissée par le séisme dans le cœur d’Haïti et de sa population est loin d’être cicatrisée : "C'est un traumatisme et on se demande : comment est-ce qu'on s'en sort ? Comment est-ce qu'on arrive à passer à travers ? On n'a pas encore fini le deuil", estime Marjorie Villefranche. "Aussi longtemps, je pense, qu'il y aura quelqu'un de vivant, qui a vécu ce traumatisme, il y a aura cette plaie, ça ne sera pas guéri, mais bon, la vie continue et on doit s'occuper des vivants".

S’occuper des vivants, cela veut dire, pour Marjorie, prendre en considération les besoins des Haïtiens : "il faut être à l'écoute de la population et le faire avec beaucoup de respect, ce qui a trop souvent manqué" conclut-elle.